Le Dhamma de la Forêt


Entendre le Dhamma

Ajahn Chah


Traduit par Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/ 

Extrait du livre Être ce qui est, éd. Sully


Quand on enseigne le dhamma, on doit répéter les choses encore et encore pour que les personnes arrivent à une véritable compréhension. C’est normal. C’est ce qu’il faut faire pour vraiment transmettre les points importants.

Il est dit que les paroles du Bouddha sont de « bonnes paroles » parce qu’elles conduisent l’esprit de ceux qui les entendent à la vérité. Ce sont des paroles qui sont bonnes, raisonnables et pleines de sens. Quand elles touchent vraiment l’esprit de quelqu’un, cette personne cesse de faire du mal, à elle-même comme à autrui, et renonce aux trois poisons que sont l’avidité, l’aversion et les concepts erronés.

Mais il se trouve des gens qui, entendant ces paroles, les déclareront erronées parce qu’elles ne correspondent pas à leurs opinions et à leurs habitudes. Or les choses qui correspondent à l’esprit des êtres humains ne sont pas toujours bonnes. Nous avons en esprit des concepts sur ce qui est vrai et ce qui est faux mais ces choses-là n’ont rien de sûr. Par contre, la parole juste est droite, directe et honnête. Elle n’est ni profonde ni superficielle. C’est la parole du Bouddha qui a pour but de réduire les perturbations émotionnelles et libérer les êtres de leurs concepts erronés.

De telles paroles n’essaient pas de se conformer simplement aux préférences personnelles des gens. Certains diront : « Si je ne me sens pas en accord avec ces paroles, c’est parce qu’elles ne sont pas justes. Ce n’est pas vraiment le dhamma. » Mais, en réalité, ce n’est pas parce qu’une chose vous convient qu’elle est juste, ou qu’elle est fausse si elle ne vous convient pas. Il ne s’agit là que d’a priori et de préjugés, de préférences et de rejets qui sont le fruit des habitudes de celui qui écoute. Si nous essayons de faire en sorte que tout nous convienne, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous refuserons de faire quoi que ce soit de désagréable et nous nous engagerons dans tout ce qui nous plaît, quelles qu’en soient les conséquences malheureuses. La nourriture empoisonnée a peut-être bon goût mais le danger vient ensuite.

Les paroles du Bouddha et de ses disciples sont entièrement bonnes ; c’est le dhamma. Mais si elles ne sont pas présentées de façon à toucher l’esprit de ceux qui les entendent, il se peut qu’elles soient difficiles à comprendre. Il est n’est pas facile de « voir » et pas facile de pratiquer.

Toutes les langues sont un outil pour nous aider à comprendre. Une langue n’est jamais qu’une langue. Si quelqu’un me parle en anglais, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il me dit et ses paroles n’ont aucune utilité et aucun sens pour moi. Alors, quel que soit le pays où nous vivions, prononçons des paroles qui nous aident à distinguer clairement le bien et le mal. C’est ce type de paroles qui est utile ; c’est le dhamma. Mais il faut savoir qu’entendre le dhamma a pour but de permettre à l’esprit de voir et d’être le dhamma, pas simplement de le connaître ou de le mémoriser. Il doit nous permettre de marcher sur les traces du Bouddha et de pratiquer selon ses enseignements. Même si nous n’avons pas encore atteint l’Eveil, nous devons faire bon usage du langage et l’étudier.

C’est assez simple, dans un sens. Par exemple, le Bouddha a dit que la paresse et la négligence ne sont pas bénéfiques. L’ayant entendu dire, quand vous voyez ces attitudes se profiler en vous — ce qui est inévitable — vous les reconnaissez et vous savez ce qu’elles valent. A ce moment-là, vous pouvez échapper à l’indolence et réveiller la diligence. Quand la paresse apparaît, elle ne se trouve que dans l’esprit. Quand elle vient, utilisez-la comme une occasion de pratiquer le dhamma, allez à contre-courant de cette paresse, réduisez-la et transformez-la.

Nous écoutons le dhamma pour que notre esprit soit dhamma, pour que le dhamma puisse se faire jour dans notre esprit. Et si ce n’est pas encore le cas, nous faisons tout ce qu’il faut pour que ce le soit. Ce n’est pas si difficile à pratiquer. Il suffit de déployer une certaine énergie pour éveiller l’attention de l’esprit et le faire fonctionner ainsi. Il faut que vous souhaitiez vraiment que votre esprit soit dhamma et pas vous contenter d’en parler. Ne limitez pas la connaissance au cerveau ou à la bouche. Que les portes du corps, de la parole et de l’esprit soient en accord avec le dhamma.

On écoute le dhamma pour savoir comment le pratiquer. Quand je dis : « Pratiquez pour que l’esprit soit dhamma », que signifie exactement le mot « dhamma » ? Tout ce qui peut exister dans ce monde est dhamma. Il n’y a rien qui ne soit pas dhamma. Les formes que nous voyons de nos yeux ne sont que dhamma ; les êtres qui habitent ce monde sont tous dhamma. L’un des sens du mot « dhamma » est « la nature », la nature de tous les phénomènes qui apparaît telle quelle est et que nul ne peut façonner ou altérer.

Le Bouddha nous a recommandé de voir le dhamma et d’entrer dans le dhamma, c’est-à-dire de voir toute chose exactement telle qu’elle est. Les êtres vivants et les objets matériels, de même que les phénomènes intérieurs que sont les pensées et les émotions, sont tous dhamma. On distingue deux catégories : d’une part, les objets que l’on peut connaître par les sens et, d’autre part, l’esprit que l’on ne peut pas percevoir de la même manière. Il n’y a rien qui soit très loin de nous : simplement l’esprit et le corps. Mais ce dhamma, cette nature, apparaît indépendamment de nos souhaits. Il naît de causes et de conditions, ensuite il change et, finalement, il se dissout et disparaît. Le dhamma de la nature est plus puissant que tout et nul ne peut exiger qu’il soit plus ou moins que ce qu’il est. Les choses naturelles ont leur propre mode d’existence qui dépend entièrement de leurs causes.



Le dhamma que l’on vient demander aux moines — les préceptes et l’enseignement — est un outil qui permet de comprendre les choses. L’enseignement est donné avec des mots mais le dhamma n’existe pas dans les mots. Les mots permettent seulement de pointer dans une direction pour montrer la voie, toucher l’esprit et guider vers la connaissance et la réalisation du dhamma. C’est pourquoi il est dit que l’enseignement en soi n’est pas le dhamma. Nous entendons avec les oreilles et parlons avec la bouche mais cela n’a pas de valeur ultime ; ces mots et ces concepts ne sont pas le dhamma lui-même. S’ils l’étaient, ils auraient une existence propre et indépendante, au-dessus de toute chose. Donc chercher à comprendre le dhamma revient simplement à s’efforcer de développer la sagesse de voir les choses telles qu’elles sont en vérité et non détruire ou changer quoi que ce soit.

Le corps est une excellente illustration. Il naît à partir de causes et de conditions. Quand il naît, il fonctionne selon une certaine loi qui lui permet d’exister d’une certaine manière et il n’écoute personne. Nous sommes nés, nous sommes devenus enfants puis adultes, nous avons vieilli et, pendant tout ce temps, notre corps a changé selon sa propre nature. Il a grandi et vieilli quoi que l’on ait pu dire, penser ou préférer. Il ne sert strictement à rien de pleurer, de se lamenter ou de lui demander de cesser de fonctionner ainsi, ne serait-ce qu’un seul jour.

Au début, le corps naît à partir de causes, il se développe selon certaines conditions et, à la fin, il cesse d’exister, indépendamment des préférences ou des désirs de qui que ce soit. Telle est la nature de la vie qui existe selon cette loi immuable d’apparition et de disparition des phénomènes. Le Bouddha a enseigné qu’il faut étudier cela de près ; c’est extrêmement important. Observez la peau, les dents, les cheveux et tout les éléments qui composent le corps : que voyez-vous ? Un changement constant. Etant apparu, chacun poursuit sa propre route et finit par décrépir de lui-même. Etant apparu, le corps n’est pas sous le contrôle des êtres mais sous celui des causes et des conditions qui l’ont amené à l’existence. Etant apparu, il décrépit de la même manière. Il n’a pas besoin de demander notre permission ou notre accord pour pouvoir grandir, vieillir, décrépir et mourir. Tout cela se produit tout seul. Nous n’avons aucune autorité sur lui. C’est la forme, le corps, qui change selon sa propre nature pour finalement se dissoudre. C’est sabhava dhamma, les conditions naturelles. Quoi qu’il advienne, nous ne pourrons jamais défier cette nature ou lui dire : « Ecoute un peu mes lamentations. Ne me laisse pas vieillir. Fais ce que je te demande. » La nature est ainsi. Cela fait partie du dhamma que le Bouddha a enseigné. Nous ne sommes pas ces choses-là, nous ne sommes pas ce corps et nous ne le possédons pas non plus.

Si votre conscience de ces vérités n’est pas claire, si votre vision de la nature est erronée, vous êtes dans « le dhamma de la vision erronée ». Dans ce cas, vous voyez toutes ces choses comme vôtres et vous fonctionnez en termes de « moi et les autres » — c’est l’ignorance. Quand il y a ignorance, des formations mentales apparaissent et vous vous débattez. Vous voulez maîtriser les situations, avoir ceci et repousser cela ; vous êtes la proie de l’attirance et de la répulsion : « J’aime ceci, donnez m’en encore ! Je ne supporte pas cela, éloignez-le de moi ! Cette chose devrait être comme ceci et celle-la devrait être comme cela. » Toutes ces pensées découlent d’une vision erronée. Vous vous comportez comme celui qui veut dérober la maison et le terrain d’un autre : vous vous emparez de ce qui ne vous appartient pas. Les désirs continuent à affluer en grand nombre et vous ne savez même pas d’où ils viennent ni ce qu’ils vont vous entraîner à faire.

Enseigner le dhamma et l’écouter, dire que ceci est ainsi et cela est ainsi, n’est pas vraiment le dhamma. Ce sont des mots qui pointent dans une direction pour que vous puissiez aller voir par vous-même. Parler pour aider les gens à voir la vérité est un moyen habile, c’est une façon d’enseigner, c’est le dhamma de l’étude. Mais quand, au-delà de la parole, il n’y a pas de véritable vision juste, quand on veut seulement apprendre des mots pour pouvoir les répéter, il n’en ressort aucun bénéfice. Par contre, quand on applique les mots et que l’on voit que c’est ainsi, qu’il y a une loi constante et immuable qui se met en marche selon des causes et des conditions, sans soi, sans essence, alors on arrive vraiment à ce que le Bouddha enseignait. Tant qu’on ne le voit pas, la souffrance est là. Si on le voit, on n’a plus envie de rien ; plus rien ne peut nous faire rire ou pleurer.

Vous n’avez cessé de rire et de pleurer depuis que vous êtes tout petits ; vous vous êtes comportés comme des fous pendant tout ce temps, cherchant inlassablement à obtenir ce qui n’est pas à vous, toujours en conflit, désirant des choses que vous ne pouvez jamais véritablement obtenir et vivant dans un état permanent d’insatisfaction et de souffrance. Mais si vous écoutez pour que l’esprit devienne dhamma et que vous pratiquez de façon à voir le dhamma, vous en finirez avec les problèmes de cette vie. Tout peut s’arrêter ici même. Comprenez que les choses n’existent pas pour que vous puissiez les agrémenter, les modifier ou les améliorer. Elles sont simplement la nature inaltérable — ce qui est — apparaissant et disparaissant. Quand on étudie et on pratique le dhamma, on comprend que le Bouddha n’a pas donné son enseignement pour améliorer les choses mais pour que nous puissions les voir dans leur vérité. Si vous voulez changer les choses, ce n’est pas le dhamma, ce n’est pas la vérité, ce n’est que l’habitude de quelqu’un qui veut maîtriser et manipuler. Si vous ne voyez pas la vérité de ce qui est, il n’y a pas de voie de pratique possible ; vous êtes en dehors des nobles vérités de la souffrance, sa cause, sa cessation et la voie.

Depuis que les enseignements du Bouddha ont été transmis, ceux qui entendent et pratiquent n’ont jamais eu besoin d’adapter ou de modifier les choses, seulement de connaître et de lâcher prise. La sagesse est ce qui sait selon la vérité des sankhara ou phénomènes conditionnés. Quel que soit l’état des sankhara, c’est ce que nous devons connaître. Il est dans la nature des sankhara d’apparaître et de disparaître. Toute autre vision des choses relève d’un dhamma impur, c’est l’enseignement de l’ignorance logée dans le cœur. Dans ce cas, il n’y aura pas de cessation, la roue continuera à tourner : pas de solution, pas de fin, aucun moyen de l’arrêter. C’est comme lorsque des insectes rampent sur le rebord d’une barrique d’eau : ils sont sans cesse en mouvement mais ils ne vont nulle part, se contentant de tourner en rond sur le rebord. Les pensées des êtres ordinaires peu évolués sont pareilles : ne connaissant ni fin ni solution, elles font du sur-place. Nous croyons peut-être que nous nous dirigeons très loin en avant mais nous ne faisons que tourner en rond et revenons sans cesse au même point. Si nous ne voyons pas ce cercle vicieux dans notre cœur, c’est parce que la sagesse est absente. Nous nous reposons sur des concepts erronés, les prenant pour de la sagesse, tandis que la vraie sagesse nous échappe. Ensuite cette ignorance prend les commandes et, comme il n’y a plus de normes pour orienter la pratique, tout part à vau-l’eau. Ce n’est pas le dhamma. Dans le dhamma qu’enseigne le Bouddha, on cherche à voir ce qui est tel que c’est. Cela signifie voir qu’il n’y a pas de solution, qu’il n’y a rien à changer ni à adapter, parce que le dhamma est toujours parfait tel qu’il est. Nous abandonnons ainsi le désir de tout contrôler.

Nous avons tendance à penser que les choses ne sont pas justes, qu’elles sont trop grandes ou trop petites, alors nous essayons de les les rapetisser ou de les agrandir. Mais pourquoi nous semblent-elles trop grandes ou trop petites ? Du fait de notre perception. Tel est le désir de ceux qui ont une vision erronée des choses. Mais nous ne pouvons rien changer à ce qui est. Souhaiter le contraire est aussi ridicule et épuisant que de se battre contre un arbre et de le boxer. C’est pourquoi le Bouddha nous a conseillé de voir selon le dhamma.

Tout ce qui entre dans le champ de nos perceptions existe selon la nature, un point c’est tout. Si notre conscience comprend les choses selon le dhamma, quoi qu’il arrive, rien de fâcheux ne pourra en résulter. Quoi que subisse notre corps, nous n’en serons pas affectés. Nous ne chercherons plus à retirer quoi que ce soit des agrégats composant notre corps et notre esprit, et nous demeurerons tranquillement à notre place, inébranlables et en paix. Le Bouddha nous a recommandé de bien étudier le corps, les sensations et les sentiments, l’esprit et les états mentaux — les quatre fondements de l’attention. Il n’y a rien à résoudre ou à défaire, seulement connaître les choses pour ce qu’elles sont en réalité.

Le corps fait l’expérience de la naissance, du vieillissement et de la mort. Il n’y a rien de stable en lui. Sachez que cette réalité est dhamma. C’est la vérité et il n’y a rien à changer, à détruire ou à résoudre. Quand vous en arrivez là, il n’y a plus rien à dire. Il n’y a plus de poids à porter. Si vous connaissez cette réalité, où que vous soyez vous n’agissez pas négligemment, sans attention. Vous voyez simplement les choses telles qu’elles sont, comme des conditions qui apparaissent et disparaissent. Que reste-t-il à chercher ? Sur quoi allez-vous pleurer et vous lamenter ? A quoi vous épuiserez-vous ? De quoi souffrirez-vous ? Que voulez-vous avoir ou être ? Quand direz-vous que les choses sont grandes ou petites, longues ou courtes ? Au bout du compte, que direz-vous de la nature des choses ? Il y a ce cycle d’existence et puis c’est tout. Quand on voit cette profonde vérité, on trouve la paix, on est libre, sans chagrin, en conflit avec personne.

Voir les conditions naturelles apparaître et évoluer s’appelle étudier le dhamma. Une fois que vous avez entendu et compris cela, vous devez vous y entraîner. La personne qui est encore esclave de ses désirs ne voit pas. S’il y a en vous de la colère et que vous vous laissez perturber par les gens et les situations, c’est parce que vous n’avez pas pénétré le dhamma. Vous vous laissez tromper par les choses, vous n’avez aucune liberté. Apprendre le dhamma contrecarre cette tendance et vous permet de mettre un terme aux problèmes. S’il y a des problèmes, c’est seulement parce que vous croyez en l’existence d’un « moi » et d’un « mien ». Quand vous croyez que les choses fonctionnent ainsi, quand des pensées de moi et de mien surgissent, une infinité de problèmes se présentent à vous. L’égoïsme et toutes sortes de malaises apparaissent.

Quand un voyageur arrive dans un hôtel, il négocie un prix pour la chambre et informe le personnel de la durée de son séjour. Mais s’il se sent bien à son aise, il se peut qu’il en vienne à considérer l’hôtel comme sa maison et, au bout d’un certain temps, il oublie qu’il est censé partir. Quand le directeur de l’hôtel lui annonce qu’il doit rendre la chambre, il refuse de partir : « C’est ici que j’habite ! Pourquoi devrais-je partir ? » Il y a un malentendu et cela entraîne des conflits.

Quand nous commençons à nous identifier à notre corps et à notre esprit et que nous pensons que cette vie nous appartient, nous sommes comme le voyageur qui refuse de quitter l’hôtel. Nous avons une idée fausse sur ce lieu de passage et nous nous retrouvons dans les problèmes et les conflits. Les enfants d’une même famille finissent pas se battre, les gens d’un même village n’arrivent pas à s’entendre, les citoyens d’un même pays s’opposent, et tout cela à cause de cet attachement à ce qu’ils croient être un soi et aux choses appartenant à ce soi.

Alors le Bouddha a dit de revenir à l’observation du corps. Voilà un dhamma à étudier. Il n’y a rien à défaire ou à changer. Il est dit : « Celui qui voit les sankhara et qui est libéré de tout attachement a trouvé le bonheur. » L’esprit est sankhara. Le corps est sankhara. Les sankhara ne sont pas nous ni nôtres. Ainsi, ceux qui voient la réalité des sankhara sont en paix. Ils voient l’esprit et le corps non comme un soi mais comme des sankhara.

Si quelque chose vient à l’existence, ce n’est qu’un sankhara. Il n’y a pas là un être ou une personne ; il n’y a pas quelqu’un qui est heureux ou qui souffre. Il n’y a que des sankhara libérés du bonheur comme de la souffrance ; il n’y a personne qui soit affecté. Si vous voyez les sankhara ainsi, vous voyez le dhamma. Nul n’est une quelconque entité, une personne, un individu ou un être. Il n’y a personne qui soit joyeux ou malheureux, personne qui s’énerve ou s’attache, personne qui meurt — il n’y a que des choses qui apparaissent. Les sankhara sont ainsi. Voir le dhamma est ainsi. Quelles que soient les choses qui apparaissent dans l’esprit du pratiquant, sa connaissance du dhamma est liée à ce critère. Si telle est sa vision des choses, on appelle cela « mérite » et tous les mérites se retrouvent ici, au cœur de la paix.

Si nous essayons d’adapter ou de modifier le dhamma du fait du manque de clarté de notre vision, il s’ensuivra de la souffrance. Prenons l’exemple de la respiration. L’air entre et sort sans cesse, le corps dépend de lui pour survivre, c’est sa nourriture. Comme la nourriture, il entre dans le corps et le soutient. L’air entre et sort pour que le sankhara puisse survivre. Mais s’il entre sans sortir ou qu’il sort sans entrer à nouveau, il y a un problème. Pourtant nous sommes nés et nous ne voulons pas vieillir, nous ne voulons pas mourir. Nous sommes bien ensemble et nous ne voulons pas nous séparer. Nous possédons des choses et nous ne voulons pas les perdre. Mais la vie ne peut pas s’aligner sur nos désirs parce que les lois de la nature fonctionnent autrement.

Tous les dhamma apparaissent à partir de causes et de conditions. Quand les causes et les conditions existent, le résultat correspondant apparaît. Qui a créé cela ? C’est simplement une loi de la nature. Et quand ce résultat disparaît, c’est encore la nature. On appelle cette loi le dhamma.

L’enseignement formel qui explique cela est simplement une question de langage et de mots adéquats. Ce n’est pas le véritable dhamma lui-même mais simplement une façon de montrer la voie pour aider les gens à comprendre la vérité. Mais quand nous écoutons le dhamma et que nous croyons l’avoir compris, nous estimons que nous « possédons » le dhamma, que nous « sommes » le dhamma, que nous sommes le dhamma. Si c’était vraiment le cas, nous ne ressentirions plus d’avidité ni d’aversion et nous n’aurions plus de concepts erronés. Si nous connaissions vraiment le dhamma, si nous le voyions et que nous l’incarnions, nous serions libérés de tout cela — or nous sommes toujours esclaves de la souffrance. Quand la vision juste s’éveille, la souffrance et ses causes s’évaporent. Le dhamma profond est ainsi.

Il y a aussi le dhamma qui consiste à pratiquer un mode de conduite de façon à pouvoir vivre en société dans la modération et le respect d’autrui. Cela s’appelle siladhamma ou « la voie de la conduite vertueuse », vivre avec les autres sans querelles ni conflits. C’est le dhamma que tout le monde, à tous les niveaux de la société, doit pratiquer pour être heureux. Mais une fois ce bonheur atteint, la souffrance commence. C’est déjà mieux que ce que vivent les gens qui n’ont aucune connaissance ni moralité mais, une fois ce bonheur créé, on va essayer de le préserver, ce qui va engendrer la souffrance. Cette pratique de siladhamma à elle seule ne libère pas mais elle est une bonne base. Quant à créer les causes et les conditions pour une Libération totale, c’est une autre affaire.

Alors, quand vous écoutez le dhamma, ne croyez pas que c’est tout ce qu’il y a à faire. Prenez-le à cœur et pratiquez-le ! Faites-en la cause et la condition qui vont vous permettre d’atteindre le nirvana, l’au-delà de la mort, la cessation de la souffrance et la véritable paix.

En tant que Bouddhistes, nous avons besoin d’étudier cela, de l’absorber progressivement et de le mettre en pratique dans la méditation. S’il y a encore en nous désir, négativité et ignorance, soyons-en simplement conscients. Quand ils apparaissent, nous les reconnaissons et, du même coup, nous connaissons le dhamma. Il faut savoir que ces voiles mentaux sont nos ennemis. Inutile de se lamenter en disant : « Oh, quand disparaîtront-ils ? » Nous les faisons disparaître, étape par étape, grâce à une pratique soutenue et régulière — pas en dormant régulièrement ! Pratiquez sila et pratiquez le dhamma. Il restera des attachements, mais vous aurez conscience de leur présence. Même si vous souffrez, ne permettez pas à cette souffrance de prendre trop de place, mettez-lui une barrière et restez-y attentif. Quand un homme garde un troupeau de vaches ou de buffles, il sait que les bêtes risquent de piétiner son champ et, en conséquence, il les surveille de près. Les buffles brouteront peut-être quelques jeunes pousses, mais l’homme ne les laissera pas en manger trop. Ils n’en mangeront peu que parce que le gardien contrôle la situation. S’il passe la journée à dormir, ils avaleront probablement toute sa récolte. L’homme ne peut donc pas se permettre d’être inattentif.

Quand on vient étudier et pratiquer dans un monastère de la forêt, c’est pour permettre à l’esprit de voir le dhamma. Quand l’esprit voit le dhamma, la souffrance prend fin. Inutile de nous demander pourquoi nous pratiquons. Nous avons des yeux et des oreilles, nous avons des jambes qui fonctionnent. Si nous avons ouvert les yeux, nous faisons ce qu’il y a à faire, sans attendre les aveugles ni dépendre d’eux. Nous sommes capables de parler, nous ne sommes pas muets, alors quand nos yeux s’ouvrent, nous parlons avant les autres. Nous nous réveillons les premiers et nous prenons la route de bonne heure, sans attendre ceux qui dorment encore.

Pourquoi ? Parce que ce lieu est dangereux ; il y règne une extrême agitation, une grande confusion ; c’est un monde imparfait rempli de pièges. Le Bouddha a enseigné que, si l’on sait, on doit avancer et ne pas attendre les plus lents. Si vos jambes peuvent vous porter, n’attendez pas ceux qui ont les jambes cassées. Pourquoi ? Pour échapper à l’ennemi, peu à peu, jusqu’à la clarté de la libération, ce qui signifie développer vertu et connaissance. Ainsi vous développez des causes bénéfiques jusqu’au jour où vous serez libéré de tout mal et cette libération devient à son tour la cause dédiée à la libération de tous les êtres. Eveillez-vous !

Les lotus d’un même étang ne poussent pas au même rythme. Tandis que certains sont en fleur, d’autres sont encore sous l’eau et d’autres ont juste atteint la surface de l’eau. Chacun doit faire tout ce qu’il peut en fonction de ses capacités. Si vous attendez les autres, vous risquez d’être dévoré par les poissons et les tortues.

Quand le feu fait rage et menace de brûler votre maison, vous ne pouvez pas prétendre qu’il ne se passe rien et vous reposer. Vous possédez certaines choses que vous devez récupérer et puis sortir en vitesse de la maison. L’avidité, l’aversion et les concepts erronés nous brûlent de la même manière. La mort nous suit tout le temps, chaque jour, sans trêve. A tout le moins, nous devrions réduire notre devenir et notre naissance dans la ronde des existences. Dans toutes nos activités méritoires et autres activités spirituelles, nous récitons : « Puisse ceci être une cause pour la réalisation du nirvana. » Que devrions-nous faire pour créer les causes du nirvana ? La méditation est essentielle. Il ne suffit pas de vous asseoir ici et d’écouter des mots ; ce ne sera pas une cause suffisante de réalisation. D’abord vous écoutez, ensuite vous devez réfléchir au sens des paroles entendues. Les choses que vous êtes censés abandonner, abandonnez-les ! Cessez de regarder les autres en vous disant : « Oh, celui-ci n’y est pas encore » ou : « Celle-là, je me demande bien comment elle pratique. » N’entretenez pas de telles pensées. Ne repoussez pas le problème chez les autres. Si un tigre vous poursuit, n’attendez pas que quelqu’un d’autre coure ­— comment échapperiez-vous au tigre ainsi ? C’est à vos trousses qu’est le danger !

Le nirvana n’est pas un endroit où l’on puisse aller ou demeurer. On peut même dire que c’est « ne pas aller et ne pas s’arrêter ». Cela ne fonctionne pas en termes d’avance, de recul ou d’arrêt. Comprenez bien cela. Quand vous pénétrez le dhamma et que vous voyez le dhamma, le fruit vient de lui-même. Alors voyez le dhamma, bénéficiez de cette connaissance et puis, même si vous n’avez pas atteint le bout du chemin, vous serez libre de tout doute.

Cet enseignement est destiné à ceux d’entre vous qui viennent ici étudier le dhamma. En dehors du dhamma du Bouddha, notre maître, il n’y a rien qui puisse nous permettre de vivre en harmonie ensemble, de dépasser les moments de souffrance et d’insatisfaction, et de réaliser le bonheur et la paix.

Le dhamma est bien supérieur à tout ce que l’on peut trouver dans une vie de famille. Les choses que l’on a à la maison ne causent en général que des ennuis ou, en tous cas, elles n’apportent pas la paix. Dans le domaine de la famille comme des possessions matérielles, il y a tant d’occasions de souci, d’inquiétude et de conflit — toutes choses qui nous font souffrir. Le dhamma a beaucoup plus de valeur que cela.

Par contre, si vous vivez effectivement dans le monde, vous avez grand besoin du dhamma. Si le dhamma n’est pas là pour équilibrer les situations du quotidien, celles-ci n’ont aucun sens. Alors, ne soyez pas négligents ! Si vous comprenez vraiment le dhamma et que vous le contemplez, vous verrez toute sa valeur. La vie dans le monde continuera mais, si vous voyez le dhamma, vous cesserez de la subir. Il y aura encore l’agitation et l’engagement dans le monde mais vous saurez ce qu’ils sont réellement et vous ne croirez plus en leur réalité absolue.

C’est comme avoir affaire à un enfant qui dit : « Maman, il s’est passé ceci. Papa, j’ai besoin de cela. Hé ! Regardez-moi ! » Les parents répondent : « Oui … Bien sûr… Ah bon … D’accord », mais ne le prennent pas très au sérieux. Ils répondent pour faire plaisir à l’enfant et pour le rassurer, mais leur esprit n’entre pas dans les histoires qu’il raconte parce qu’ils fonctionnent différemment. De même, vous pouvez vivre en famille et assumer vos responsabilités dans le monde, sans pour autant fonctionner comme tout le monde. Vous agissez en gardant le cap sur la paix et le détachement, pas l’esclavage et l’engagement. C’est ce qui s’appelle la réalisation et l’appréciation de la richesse. On peut avoir richesse et propriétés tout en sachant ce qu’elles sont en réalité et en sachant comment les utiliser et vivre au-dessus d’elles.

Si vous pouvez pratiquer ainsi, vous découvrirez l’immense valeur du dhamma. Mais pour cela il faut absolument comprendre, réfléchir et pratiquer.





Si on croit à la réalité absolue des choses, souffrance et peur s’ensuivent inexorablement. On a peur des différentes façons dont les choses peuvent tourner. Partout où l’on pose les yeux il y a la peur. En fait, on a seulement peur de soi-même, des pensées qui viennent à l’esprit. Avant la peur, il faut qu’il y ait la pensée. C’est la pensée qui trompe en créant une image qui éloigne de la vérité. Pour les gens qui ont peur comme cela, qu’ils aillent dans une maison ou une forêt, il y aura aussitôt des fantômes pour les hanter. Même s’ils entendent des souris courir, ils croient qu’il s’agit de fantômes. La peur les prend instantanément mais en réalité il s’agit d’une image trompeuse créée par la conscience.

Ou bien il y a un problème à la maison et, à cette seule pensée, on a envie de pleurer. Les couples se critiquent : « Il ne m’aime pas ! » « Elle est sans cesse après moi ! » Et l’esprit poursuit sa course dans cette direction. En fait, celui qui crée ces images est le seul à agir. Si on crée de telles images, on se perd et tout se termine dans les larmes. Quand on est très heureux, on crée aussi des images. Que celles-ci mènent au rire ou aux larmes, il s’agit toujours d’une fabrication mentale. « C’est bon, c’est vraiment bon ! » On s’oublie, on se perd dans la joie et les rires. Et puis l’esprit va évoquer quelque chose de répugnant et on est aussitôt envahi par la répulsion. Ensuite il évoque une chose que l’on adore et on en est aussitôt obsédé jusqu’à la folie, et il n’y a plus moyen d’arrêter les larmes. Tant que l’on continue à fonctionner ainsi, à fabriquer des images auxquelles on réagit, ce cycle sera sans fin.

Tout cela n’est que fabrication mentale. Que se passe-t-il en réalité ? Rien. Il n’y a rien qui fasse rire ou pleurer, rien qui, en soi, mérite l’amour ou la haine — seulement l’esprit qui se laisse tromper. C’est pourquoi le Bouddha a dit de travailler sur notre esprit, de le remettre sur les rails de la vérité à l’endroit précis où il se laisse tromper. Le dhamma est authentique ; c’est quelque chose de sûr ; c’est la vérité. C’est nous qui ne sommes pas vrais. Nous rions et nous pleurons, nous aimons et nous détestons, nous réagissons aux choses. Nous croyons que les choses sont bonnes ou mauvaises et nous partons à leur poursuite. Tout cela parce que nous croyons que nous existons en tant qu’entités personnelles et que les choses nous appartiennent. Cela s’appelle avoir une vision erronée des choses.

Par conséquent, vous ne devez rien considérer comme absolument réel — ni le corps en bonne ou en mauvaise santé, ni l’esprit joyeux ou déprimé — sinon vous ne faites que vous détruire. Le Bouddha a dit que, quand le bonheur arrive, il ne faut pas trop y croire. Il ne mérite pas que l’on en rit ou l’on en pleure. Il n’a pas d’existence réelle. Il n’existe qu’ici, en nous, là où les choses se passent, où les résultats naissent de causes. Il n’y a rien en réalité, seulement notre saisie mentale qui donne cette apparence de réalité aux choses. Quand on ne voit pas le dhamma, on passe son temps à donner de la réalité à ce qui n’en a pas.

Quand on dit que les choses ne sont pas réelles, certaines personnes s’imaginent qu’elles ne peuvent plus rien faire, mais cela ne signifie pas être complètement passif et abattu. Sans aller dans les extrêmes et croire trop à la réalité des choses, on peut faire ce que l’on a à faire avec soin et considération. Tant qu’un objet n’est pas cassé, tant que le corps n’est pas malade, on en prend soin pour en faire bon usage. Et puis quand les choses se cassent, on les laisse aller sans larmes, on ne pleure pas inutilement sur les phénomènes, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Nous avons l’habitude de considérer le corps et l’esprit comme un soi. Nous disons qu’ils sont « nous » ou « nôtres ». Mais quand nous fonctionnons dans la saisie comme cela, nous sommes en dehors du dhamma et la seule chose qui en résulte, c’est que nous souffrons.





Il faut que vous compreniez que le but de la pratique est d’amener l’esprit à voir le dhamma et à « être » dhamma. Si vous voyez le dhamma et que vous aviez l’habitude de vous mettre en colère ou d’avoir une grande avidité, même si la colère et l’avidité reviennent, elles reviendront avec moins d’énergie. Ceci est dû à la compréhension et à la sensibilité qui sont apparus dans l’esprit grâce à une pratique correcte et un regard juste sur les choses. A partir de là, votre vie ne peut que s’améliorer. N’essayez pas de résoudre des choses qui sont déjà passées. Résolvez les choses qui ne sont pas encore des faits accomplis. Si vous essayez d’aplanir un morceau de bois qui est plein de nœuds et dur comme le roc, il faut savoir quand abandonner — ou bien préférez-vous rester là à vous lamenter ? Et si un autre morceau de bois est déjà lisse et verni, inutile de le raboter davantage ! Au lieu d’essayer d’adapter le dhamma pour qu’il vous convienne, adaptez-vous pour convenir au dhamma.

Le dhamma est la vérité. Si vous atteignez la vérité, il n’y a plus de grand ou de petit, plus de bonheur ou de souffrance — il y a la paix. Même si des pensées surgissent, l’esprit est en paix. Les événements de la vie sont acceptés tels quels, vous ne cherchez pas à les modifier dans un sens ou un autre. Les caractéristiques de l’esprit sont telles que, quand il entre en contact avec des objets et des situations, il est empreint de cette vérité.

C’est comme être assis dans une pièce où il n’y a qu’une seule chaise, celle que vous occupez ; quand d’autres personnes arrivent, elles n’ont nulle part où s’asseoir. L’esprit est ainsi : une certaine souffrance mentale peut surgir mais comme le dhamma habite l’esprit, cette souffrance ne peut s’installer nulle part et elle est obligée de passer son chemin. Si vous êtes pleinement attentif et conscient, quand les contacts sensoriels et l’activité mentale font apparaître des habitudes de désir, de colère ou de vision erronée, celles-ci ne trouvent pas de place pour s’installer dans l’esprit. Il y a un seul siège et vous l’occupez déjà, de sorte que les habitudes doivent quitter les lieux — elles ne peuvent pas vous éloigner du dhamma. Le dhamma et la souffrance se battent pour occuper cette place dans votre esprit. Si personne n’est assis là, la souffrance va pouvoir s’y installer et prendre possession du lieu. Cela signifie que vous n’êtes pas présent en esprit. Vous ne comprenez pas le dhamma, alors la vision erronée s’empare du siège. Dès lors il n’y a pas de fin à la souffrance.

La Voie et les impuretés se combattent ainsi. Si la Voie est amenée à complétude, au moment où quelque chose survient dans l’esprit, nous rencontrons le dhamma. Il faut de l’énergie pour en arriver là. Ceux qui manquent d’énergie se retireront à ce moment-là. Les facteurs engagés ici sont simplement l’esprit et ses objets intérieurs et extérieurs. Si l’esprit ne se laisse pas tromper par ces objets, où est le problème ? Les objets sont des objets, l’esprit est l’esprit. Entendre clairement ceci, c’est écouter le dhamma pour lui permettre d’atteindre l’esprit. Quand cela se produit, que l’on pratique correctement et que le dhamma pénètre l’esprit, il n’y a plus aucun problème : la voie extermine la souffrance.

Quand il n’y a personne à la maison, des indésirables peuvent entrer et s’installer à leur aise. Ils s’assoient, mangent et mettent du désordre. Est-ce ce que vous souhaitez ? C’est parce que vous ne connaissez pas le dhamma, que vous ne distinguez pas le vrai du faux, le bien du mal, et que vous n’êtes pas conscient de la façon dont l’esprit entre en contact avec les objets et réagit, que ces choses vous bousculent dans tous les sens. Si les choses vous paraissent bonnes, vous allez sourire et rire ; sinon elles vont vous perturber, peut-être même vous faire pleurer. C’est comme pour la maison en l’absence de son propriétaire. Quand on se laisse bousculer de droite et de gauche par les événements, quand on est incapable de distinguer la réalité des apparences, on est un pratiquant du dhamma qui n’a pas une réelle connaissance du dhamma. On fonctionne à perte. Il faut donc que vous méditiez pour faire pénétrer le dhamma dans votre esprit. C’est pourquoi nous écoutons le dhamma à chaque jour lunaire d’observance et lors des autres célébrations.

Apprenez donc à agir avec discernement dans toutes vos activités et dans toutes les situations. Quand les objets des sens se présentent, voyez-les clairement en vous souvenant qu’ils sont une chose et que l’esprit en est une autre. Séparez bien les choses ainsi, sinon vous ne les connaîtrez pas pour ce qu’elles sont. Vous suivrez ce que vous percevez comme bon ou mauvais et cela vous conduira à la souffrance. L’esprit se laisse tromper par les objets, l’esprit manque de discernement ; alors mettez en place un présence attentive et une claire conscience.

Il est dit également que, dans toutes les postures, on doit garder en esprit la méditation sur bouddho, la répétition du mantra « bouddho ». Bouddho signifie « ce qui sait ». C’est une présence connaissante qui est en nous à tout moment. Si elle est éveillée, quand les choses se présentent on en est conscient, on est en mesure de les résoudre et d’en voir clairement la vérité. Tel est le fruit de bouddho. Pratiquez bouddho pour permettre à ce qui sait de se manifester en vous. On appelle cela entendre le dhamma et réaliser ses fruits, connaître le dhamma et le pratiquer. Vous devez le pratiquer et le voir pour devenir dhamma dans votre esprit. Celui qui en est là comprend et voit. C’est ainsi que l’enseignement du Bouddha porte ses fruits.