Le Dhamma de la Forêt


Méditation

 Ajahn Chah



Chercheurs du bien qui vous êtes réunis ici, écoutez s’il vous plaît en paix. Ecouter le Dhamma en paix signifie écouter avec un esprit focalisé sur une seule chose, prêter attention à ce que vous entendez et puis lâcher prise. Ecouter le Dhamma est très bénéfique. En écoutant le Dhamma nous sommes encouragés à établir fermement à la fois le corps et l’esprit dans samādhi, parce que c’est une forme de pratique du Dhamma. A l’époque du Bouddha les gens écoutaient le Dhamma attentivement, avec un esprit qui aspirait à la véritable compréhension, et certains réalisaient le Dhamma en écoutant.

Ce lieu est bien adapté à la pratique de la méditation. En ayant passé deux nuits ici je peux voir que c’est un lieu important. Au niveau externe il est déjà paisible, tout ce qui reste, c’est le niveau interne, vos coeurs et vos esprits. Alors je vous demande à tous de faire l’effort d'être attentifs.

Pourquoi vous êtes-vous réunis ici pour pratiquer la méditation ? C’est parce que vos coeurs et vos esprits ne comprennent pas ce qui doit être compris. En d’autres mots, vous ne savez pas vraiment comment sont les choses, ou qu’est-ce qui est quoi. Vous ne savez pas ce qui est faux et ce qui est juste, ce qui vous apporte de la souffrance et vous amène à douter. Alors vous devez d’abord trouver votre calme.

La raison pour laquelle vous êtes venus ici pour développer le calme et la retenue, c’est que vos coeurs et vos esprits ne sont pas à l’aise. Vos esprits ne sont pas calmes, pas mesurés. Ils sont par contre balayés par le doute et l’agitation. Voilà pourquoi vous êtes venus ici aujourd’hui et êtes maintenant en train d’écouter le Dhamma.

J’aimerais que vous vous concentriez et que vous écoutiez attentivement ce que je vais dire, et je demande la permission de parler franchement parce que je suis comme ça. S’il vous plaît, comprenez bien que si je parle parfois avec vigueur, je le fais de bonne intention. Je vous demande pardon si je dis quoi que ce soit qui vous dérange, parce que les coutumes de Thaïlande et celles de l’occident ne sont pas les mêmes. En fait, s’exprimer avec un peu de vigueur peut être bon parce que ça réveille ceux qui auraient autrement tendance à s’assoupir ou à s’endormir et qui, plutôt que de se motiver à écouter le Dhamma, se laissent dériver dans la complaisance et ne comprennent donc jamais rien.

Dans la pratique, bien qu’il semble y avoir plusieurs voies, il n’y en a vraiment qu’une seule. Comme avec les arbres fruitiers, il est possible d’obtenir des fruits rapidement en plantant une bouture, mais l’arbre ne serait pas résilient et ne durerait pas longtemps. Une autre façon est de cultiver un arbre directement à partir d’une graine, qui produit un arbre fort et résilient. Il en va de même dans la pratique.

Quand j’ai commencé à pratiquer, j’ai eu des problèmes à comprendre cela. Tant que je ne savais pas distinguer les choses les unes des autres, la méditation était une véritable corvée, m’amenant parfois jusqu’aux larmes. Parfois je visais trop haut, d’autres fois pas assez haut, sans jamais trouver le lieu d’équilibre. Pratiquer d’une façon paisible signifie placer l’esprit ni trop haut, ni trop bas, mais au point d'équilibre.

Je peux voir que c’est assez confus pour vous qui venez d’endroits différents et qui avez pratiqué de façons différentes avec différents maîtres. Venus pratiquer ici, vous devez être rongés par toutes sortes de doutes. Un maître vous dit de pratiquer d’une certaine manière, un autre vous dit de pratiquer d’une autre manière. Vous vous demandez quelle méthode utiliser, incertains quant à l’essence de la pratique. Le résultat, c’est la confusion. Il y a tant de maîtres et tant d’enseignements que personne ne sait comment harmoniser sa pratique. Par conséquent il y a beaucoup de doute et d’incertitude.

Alors vous devez essayer de ne pas trop penser. Si vous pensez, alors faites-le avec conscience. Mais jusqu’ici votre pensée s’est faite sans conscience. D’abord vous devez rendre votre esprit calme. Là où il y a la connaissance, il n’y a pas besoin de penser, la conscience naîtra à sa place et qui à son tour deviendra de la sagesse (paññā). Mais le type habituel de prolifération mentale n’est pas de la sagesse, c’est simplement l'esprit qui vagabonde et pense sans but ni conscience, ce qui résultent inévitablement en agitation. Ce n’est pas de la sagesse.

A ce stade, vous n’avez pas besoin de penser. Vous avez déjà pensé passablement à la maison, n’est-ce pas ? Ça ne fait qu’agiter le coeur. Vous devez établir de la conscience. La pensée obsessive peut même vous amener aux larmes, vous n’avez qu’à essayer. Se perdre sur un fil de pensées ne vous mènera pas à la vérité, ce n’est pas de la sagesse. Le Bouddha était une personne très sage, il avait appris à cesser de penser.

De la même manière que vous êtes en train de pratiquer ici pour arrêter de penser et ainsi arriver à la paix. Il faut du calme pour commencer, s’il n’y a que de la pensée la sagesse n’apparaîtra pas, il n’y aura pas de conscience de la vérité. Tout ce qui va apparaître sera une prolifération sans fin. Si vous êtes déjà calme ce n’est pas nécessaire de penser, la sagesse apparaîtra à sa place. Tant que vous pensez, la sagesse n’apparaîtra pas.

Pour méditer vous ne devez pas tant penser que vous résoudre maintenant à former l’esprit, et rien d’autre. Ne laissez pas l’esprit filer à gauche ou à droite, devant ou derrière, en haut ou en bas. Notre seul devoir maintenant est de pratiquer la présence d’esprit avec la respiration. Fixez votre attention sur votre tête et amenez-la à parcourir votre corps en descendant jusqu’au bout des pieds, et puis de retour jusqu’au sommet de la tête. Avec votre attention faites un balayage de tout le corps, en observant avec sagesse. Nous faisons ceci pour acquérir une compréhension initiale de l’état dans lequel se trouve le corps. Puis commencez la méditation, en notant bien qu’à ce moment-ci votre seul devoir est d’observer les inhalations et les exhalations. Ne forcez pas la respiration à être plus longue ou plus courte que d’habitude, permettez-lui de continuer facilement. Ne mettez pas de pression sur la respiration, mais plutôt laissez-la couler de façon égale, en lâchant prise avec chaque inspiration et chaque expiration.

Vous devez comprendre qu'en faisant ceci vous lâchez prise, mais il faut tout de même que la conscience soit là. Vous devez maintenir cette conscience, en permettant au souffle de rentrer et de sortir confortablement. Il n’y a aucun besoin de forcer la respiration, permettez simplement qu’elle se fasse avec aise et naturellement. Maintenez cette résolution qu’en ce moment vous n’avez aucun autre devoir ou responsabilité. Les pensées concernant ce qui va arriver, ce que vous allez connaître ou voir pendant cette séance assise peuvent apparaître de temps à autre, mais une fois qu’elle apparaissent laissez-les simplement cesser d’elles-mêmes, ne soyez pas concerné par elles.

Pendant la méditation il n’y a aucun besoin de prêter attention aux impressions des sens. Chaque fois que l’esprit est affecté par une empreinte sensuelle, où que ce soit dans l’esprit, qu’il y ait un sentiment ou une sensation, lâchez prise simplement. Que ces sensations soient bonnes ou mauvaises est sans importance. Il n’est pas nécessaire d’en faire quoi que ce soit, laissez-les juste disparaître et ramenez votre attention à la respiration. Maintenez la conscience de la respiration qui rentre et qui part. Ne créez pas de souffrance à partir de la respiration parce qu’elle est trop courte ou trop longue, observez-la simplement sans essayer de la contrôler ou de la réprimer de quelque façon que ce soit. En d’autres termes, ne vous attachez pas. Permettez à la respiration de continuer comme elle est, et l’esprit se calmera. A mesure que vous continuez l’esprit va progressivement déposer les choses et en venir à se reposer, la respiration s’allégeant de plus en plus jusqu’à ce qu’elle devienne si légère qu’elle semble ne plus se faire du tout. A la fois le corps et l’esprit sembleront légers et ravivés. Tout ce qui restera sera un connaissance focalisée, unie(1). On pourrait dire que l’esprit a changé et a atteint un état de calme.

Si l’esprit s’agite, établissez la présence d’esprit et inspirez profondément jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de place où mettre de l’air, puis relâchez tout jusqu’à ce qu’il n’en reste plus du tout. Ensuite reprenez une inspiration profonde jusqu’à ce que vous soyez plein, et relâchez l’air à nouveau. Faites ceci deux ou trois fois, puis rétablissez votre concentration. L’esprit devrait être plus calme. Si d’autres impressions sensuelles provoquent de l’agitation dans l’esprit, répétez le processus à chaque occasion. De même avec la méditation en marchant. Si, en marchant, l’esprit s’agite, alors arrêtez-vous, calmez l’esprit, rétablissez la conscience de l’objet de votre méditation et puis continuez à marcher. La méditation assise et en marchant sont les mêmes dans leur essence et ne diffèrent que par la position physique employée.

Parfois il peut y avoir du doute, alors vous devez avoir sati, pour être celui qui connaît, en suivant et en examinant l’esprit agité quelle que soit la forme qu’il prenne. C’est ça d’avoir sati. Sati surveille et prend soin de l’esprit. Vous devez maintenir cette connaissance et ne pas être négligeant ou vagabonder, peu importe la condition que prenne l’esprit.

L’astuce c’est de laisser sati prendre le contrôle et superviser l’esprit. Une fois que l’esprit est uni à sati une nouvelle sorte de conscience émergera. L’esprit qui a développé le calme est maintenu et limité dans ses mouvements par ce calme, tout comme une poule dans un poulailler… la poule est incapable d’errer en dehors, mais elle peut encore bouger à l’intérieur du poulailler. Ses allers et retours ne la mettent pas en difficultés parce qu’ils sont restreints par le poulailler. De même, lorsque l’esprit a sati et qu'il est calme, la conscience présente n’engendre pas de problème. Aucune des pensées ou des sensations qui se font dans l’esprit calme ne cause de tort ou de dérangement.

Certaines personnes ne veulent faire l’expérience d’aucune pensée ou sentiment du tout, mais ça c’est aller trop loin. Des sentiments apparaissent dans l’état de calme. L’esprit est en train de faire l’expérience de sentiments et de calme en même temps, sans être dérangé. Quand il y a un tel calme il n’y a pas de conséquences nuisibles. Les problèmes apparaissent lorsque la « poule » s’échappe du « poulailler ». Par exemple, vous pouvez être en train de regarder la respiration qui entre et qui sort et vous vous oubliez, permettant à l’esprit d’errer, de quitter la respiration et d’aller à la maison, aux magasins ou à n’importe quelle quantité d’endroits différents. Peut-être même qu’il passera une demie heure avant que vous vous aperceviez tout à coup que vous êtes sensé pratiquer la méditation et vous vous réprimandez pour votre manque de sati. C’est ici que vous devez être vraiment vigilant, parce que c’est ici que la poule s’échappe du poulailler – l’esprit quitte sa base de calme. Vous devez prendre soin de maintenir la conscience avec sati et essayer de ramener l’esprit. Bien que j’utilise les mots « ramener l’esprit », l’esprit ne va pas vraiment où que ce soit, seul l’objet de la conscience a changé. Vous devez faire en sorte que l’esprit reste juste ici et maintenant. Tant qu’il y a sati il y aura la présence d’esprit. Il vous semble que vous êtes en train de ramener l’esprit, mais en fait il n’est parti nulle part, il a juste changé un peu. Il semble que l’esprit aille ici et là, mais en fait le changement se fait juste à cet endroit précis. Lorsque sati est récupéré, en un éclair vous êtes de retour avec l’esprit sans qu’il n’ait été ramené d’où que ce soit.

Quand il y a une connaissance totale, une conscience continue et ininterrompue à absolument chaque instant, ça s'appelle la présence d'esprit. Si votre attention dérive de la respiration vers d'autres endroits, alors la connaissance est interrompue. Chaque fois qu'il y a la conscience de la respiration, l'esprit est là. Avec la simple respiration et cette conscience régulière et continue vous avez la présence d'esprit. Il faut qu'il y ait à la fois sati et sampajañña. Sati c'est se rappeler et sampajañña est la conscience de soi-même. En ce moment-même vous êtes clairement conscient du souffle. Cet exercice qui consiste à regarder la respiration aide sati et sampajañña à se développer ensemble. Ils partagent le travail.

Avoir à la fois sati et sampajañña c'est comme avoir deux ouvriers pour soulever une grosse planche de bois. Supposez qu'il y ait deux personnes qui essayent de soulever de lourdes planches de bois, mais le poids est tel, l'effort qu'ils font est si grand que ce n'est presque pas possible de l'endurer. Puis une autre personne, pleine de bonne volonté, les aperçoit et s'empresse de les aider. De la même manière, quand il y a sati et sampajañña, alors pañña (la sagesse) va apparaître, au même endroit, et apporter son aide. Alors tous les trois se soutiennent entre eux.

Avec pañña il y aura une compréhension des objets des sens. Par exemple pendant la méditation on fait l'expérience d'objets des sens et ça donne naissance à des sentiments et à des humeurs. Vous pouvez commencer à penser à un ami, mais à ce moment pañña devrait tout de suite le contrer avec "Ça ne fait rien", "Stop" ou "Oublie-le". Ou s'il y a des pensées au sujet d'où vous irez demain, la réponse devrait être alors "Je ne suis pas intéressé, je ne veux pas être concerné par de telles choses". Peut-être commencez-vous à penser à d'autres gens, vous devez alors penser "Non, je ne veux pas m'impliquer", "juste en lâcher prise" ou "Tout ça est incertain et n'est jamais sûr". Voilà comment vous devez gérer les choses dans la méditation, les reconnaître comme "incertaines, c'est incertain", et maintenir cette sorte de conscience. Vous devez abandonner toute ces pensées, le dialogue intérieur et les doutes. Ne vous faites pas prendre par ces choses pendant la méditation. A la fin, tout ce qui restera dans l'esprit sous sa forme la plus pure sera sati, sampajañña et pañña. Chaque fois que ces choses s'affaiblissent, les doutes apparaissent, mais essayez d'abandonner ces doutes tout de suite, en ne laissant que sati, sampajañña et pañña. Essayez de développer sati de cette façon jusqu'à ce qu'il puisse être maintenu en tout temps. Alors vous comprendrez complètement sati, sampajañña et samadhi.

En focalisant l'attention à cet endroit, vous verrez sati, sampajañña, samadhi et pañña ensemble. Que vous soyez attiré vers ou repoussé par des objets des sens extérieurs, vous serez capable de vous dire "C'est incertain". De toute manière ce ne sont que des obstacles à balayer de là jusqu'à ce que l'esprit soit propre. Tout ce qui doit rester est sati, se rappeler; sampajañña, la conscience claire; samadhi, l'esprit ferme et inébranlable; et paññā, la sagesse consommée. Pour le moment je ne dirai que ça au sujet de la méditation.

Maintenant au sujet des outils ou des aides à la pratique de la méditation – il faut qu'il y ait mettā (la bonne volonté) dans votre coeur, en d'autres mots, les qualités de générosité, de gentillesse et de serviabilité. Celles-ci doivent être maintenues comme fondation pour la pureté mentale. Par exemple, commencez par vous débarrasser de lobha, l'égoïsme, par dāna, le don, l'offrande. Quand les gens sont égoïstes, ils ne sont pas heureux. L'égoïsme mène à un sentiment de mécontentement, et pourtant les gens tendent à être très égoïstes sans réaliser combien ça les affecte.

Vous pouvez en faire l'expérience à tout moment, surtout quand vous avez faim. Supposons que vous recevez des  pommes et que vous avez l'occasion de les partager avec un ami; vous y pensez un moment et, bien entendu, l'intention de donner est bien là, mais vous voulez donner la plus petite. Donner la plus grosse serait... juste trop dommage. C'est difficile de penser correctement. Vous lui dites d'y aller et de se servir, mais vous dites ensuite "Prends celle-ci!"... et vous lui donnez la plus petite! Ça c'est une forme d'égoïsme que les gens ne remarque pas d'habitude. Avez-vous jamais été comme ça?

Vous devez vraiment aller à rebrousse-poils pour donner dana. Même si ce que vous voulez vraiment c'est donner la plus petite pomme, il faut vous forcer à donner la plus grosse. Bien sûr, une fois que vous l'avez donnée à votre ami, vous vous sentez vraiment bien. Former l'esprit en allant ainsi à rebrousse-poils demande de l'autodiscipline – vous devez savoir donner et abandonner, ne pas permettre à l'égoïsme de coller. Une fois que vous apprenez à donner aux autres votre esprit sera joyeux. Si vous ne savez toujours pas comment donner, si vous êtes encore en train d'hésiter quant au fruit à  donner, alors pendant que vous délibérez vous serez troublé, et même si vous donnez le plus gros il y aura encore un sentiment de le faire à contrecoeur. Mais dès que vous décidez fermement de donner le plus gros, l'histoire est terminée. Ça c'est aller à rebrousse-poils de façon correcte.

En faisant ceci vous gagnerez la maîtrise de vous-même. Si vous n'arrivez pas à le faire, vous serez vaincu par vousmême et continuerez à être égoïste. Nous avons tous été égoïstes dans le passé. C'est une souillure qui doit être abandonnée. Dans les écritures Pali, donner se dit "dana", ce qui veut dire apporter le bonheur aux autres. C'est une de ces conditions qui aident à purifier l'esprit de ses souillures. Réfléchissez-y et développez-le dans votre pratique.

Vous pourriez penser que pratiquer comme ça implique de se persécuter, mais ce n'est pas vraiment le cas. En fait il s'agit de persécuter la soif (tanhā) et les souillures. Si des souillures apparaissent en vous, vous devez faire quelque chose pour y remédier. Les souillures sont comme un chat. Si vous luidonnez autant de nourriture qu'il veut, il reviendra toujours en chercher d'avantage, mais si vous cessez de lui donner à manger, après quelques jours il arrêtera de revenir. Il en va de même avec les souillures, elles ne viendront pas vous déranger, elles laisseront votre esprit en paix. Alors plutôt que d'avoir peur des souillures, faites-leur peur vous-même. Pour faire peur aux souillures, vous devez voir le Dhamma à l'intérieur de vos esprits ici et maintenant.

Où le Dhamma naît-il ? Il naît avec notre connaissance et notre compréhension le long de ce chemin. Tout le monde est capable de connaître et de comprendre le Dhamma. Ce n'est pas quelque chose à trouver dans les livres, vous n'avez pas besoin de faire beaucoup d'études pour le voir, réfléchissez simplement maintenant et vous pouvez voir ce dont je parle. Tout le monde peut le voir parce qu'il existe juste ici dans nos coeurs. Tout le monde a des souillures, n'est-ce pas ? Si vous êtes capable de les voir, alors vous pouvez comprendre. Dans le passé vous avez pris soin de vos souillures et les avez dorlotées, mais à présent il vous faut connaître vos souillures et ne pas leur permettre de venir vous déranger.

La prochaine chose qui constitue la pratique est la retenue morale (sila). Sila prend soin de la pratique et la nourrit de la même manière que les parents prennent soin de leurs enfants. Maintenir une retenue morale ne signifie pas seulement éviter de causer du tort aux autres, mais aussi les aider et les encourager. Tout au moins il vous faut maintenir les cinq préceptes, qui sont :

1. Non seulement ne pas tuer ou délibérément causer du tort aux autres, mais d'étendre de la bienveillance à tous les êtres.

2. Etre honnête, éviter d'empiéter sur les droits des autres; en d'autres mots, ne pas voler.

3. Connaître la modération dans les relations sexuelles : dans la vie en ménage il existe la structure familiale, basée sur le mari et la femme. Sachez qui est votre mari ou votre femme, sachez être modéré, sachez quelles sont les justes limites de l'activité sexuelle. Généralement les gens ne connaissent pas les limites. Un seul mari ou femme ne suffit pas, ils doivent en avoir un ou une deuxième, voir un ou une troisième. La façon dont je le vois, vous ne pouvez même pas consommer un partenaire entièrement, alors d'en avoir deux ou trois, c'est juste de la pure indulgence. Vous devez essayer de purifier l'esprit et le former à connaître la modération. Connaître la modération est la vraie pureté, sans ça il n'y a pas de limites à votre comportement. En mangeant des nourritures délicieuses, ne vous étendez pas sur le goût que ça a, pensez à votre estomac et considérez ce qui est approprié à ses besoins. Si vous mangez trop vous avez des problèmes, alors il vous faut connaître la modération. La modération est le meilleur moyen. Un seul partenaire est suffisant, deux ou trois est de l'indulgence et ne vous causera que des soucis.

4. Etre honnête dans la parole – ceci aussi est un outil pour éradiquer les souillures. Vous devez être honnête et droit, vrai et intègre.

5. Eviter de prendre des substances intoxicantes. Vous devez connaître la retenue et de préférence abandonner complètement la consommation de ces substances. Les gens sont déjà suffisamment intoxiqués par leurs familles, leurs proches et leurs amis, leurs possessions matérielles, leurs richesses et tout le reste. C'est déjà pas mal sans empirer les choses en consommant des substances intoxicantes. Ces choses ne font que créer de l'ombre dans l'esprit. Ceux qui en consomment de grandes quantités doivent essayer de diminuer progressivement et au bout du compte d'arrêter complètement. Peut-être devrais-je vous demander de m'excuser, mais je parle ainsi par souci pour votre bien-être, pour que vous compreniez ce qui est bon. Il vous faut distinguer leschoses les unes des autres. Quelles sont les choses qui vous oppressent dans vos vies quotidiennes ? Quels sont les actes qui causent cette oppression ? Les bonnes actions amènent de bons résultats et les mauvaises actions amènent de mauvais résultats. Voilà les causes.

Une fois que la retenue morale sera pure, il y aura un sentiment d'honnêteté et de gentillesse envers les autres. Ceci amènera du contentement et vous vaudra d'être libre de soucis et de remords. Les remords qui résultent de comportements agressifs et blessants ne seront pas là. Ça c'est une forme de bonheur. C'est presque comme un état divin. Il y a le confort, vous mangez et dormez confortablement avec le bonheur qui naît de la retenue morale. C'est ça le résultat; le maintien de la retenue morale est la cause. Ceci est un principe de la pratique du Dhamma – éviter les mauvaises actions pour que la bonté puisse apparaître. Si la retenue morale est ainsi maintenue, le mal disparaîtra et le bien naîtra à sa place. Ça c'est le résultat de la pratique correcte.

Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. Une fois que les gens ont atteint un peu de bonheur, ils ont tendance à ne plus être attentifs et à ne pas aller plus loin dans la pratique. Ils restent collés au bonheur. Ils ne veulent pas progresser d'avantage; ils préfèrent le bonheur du "ciel". C'est confortable, mais il n'y a pas de véritable compréhension. Vous devez continuer à réfléchir pour éviter d'être trompé. Réfléchissez encore et encore aux désavantages de ce bonheur. Il est transitoire, il ne dure pas pour toujours. Bientôt vous en serez séparé. Ce n'est pas une chose sûre; une fois que le bonheur disparaît, la souffrance naît à sa place et les larmes reviennent. Même les "dieux "et les "déesses" finissent par pleurer et souffrir.

Donc le seigneur Bouddha nous a appris à réfléchir aux désavantages, au fait que le bonheur a un côté insatisfaisant. D'habitude quand on fait l'expérience de ce genre de bonheur, on n'en a pas de véritable compréhension. La paix qui est vraiment certaine et durable est recouverte par ce bonheur décevant. Ce bonheur n'est pas une sorte de paix certaine et permanente, mais plutôt une sorte de souillure, une forme raffinée de souillure à laquelle nous nous attachons. Tout le monde aime être heureux. C'est le bonheur précisément à cause de cet attrait. Si à n'importe quel moment il n'y a pas d'attrait, alors la souffrance apparaît. Nous devons réfléchir à ce bonheur pour en voir

l'incertitude et les limites. Une fois que les choses changent, la souffrance apparaît. Cette souffrance aussi est incertaine, ne pensez pas qu'elle est fixe ou absolue. Ce type de réflexion s'appelle adinavakatha, la réflexion sur l'insuffisance et les limites du monde conditionné. C'est réfléchir au bonheur plutôt que le prendre comme argent comptant. Si vous voyez que c'est incertain, vous ne devez pas vous y accrocher. Vous devez le prendre mais ensuite le relâcher, en voyant à la fois le bénéfice et le désavantage du bonheur. Pour méditer habilement vous devez voir les désavantages inhérents au bonheur. Réfléchissez ainsi. Lorsque le bonheur apparaît, contemplez-le minutieusement jusqu'à ce que les désavantages soient apparents.

Lorsque vous voyez que les choses sont inadéquates(2), votre coeur en viendra à comprendre le nekkhammakatha, la réflexion sur le renoncement de la sensualité. L'esprit se désintéressera et cherchera un moyen de s'en sortir. Le désintérêt vient du fait d'avoir vu comment les formes sont vraiment, comment les goûts sont vraiment, comment l'amour et la haine sont vraiment. Par désintérêt nous entendons qu'il n'y a plus le désir de s'attacher ou de s'accrocher aux choses. Il y a un retrait qui se fait vis-à-vis de cet "accrochage", au point où vous pouvez supporter les choses confortablement, en observant avec une égalité d'âme qui est libre d'attachement. Ça c'est la paix qui naît dela pratique.


(1) Dans la traduction anglaise : one-pointed knowing.
(2) dukkha


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