Le Dhamma de la Forêt

Dhamma pour les malades

Buddhadāsa Bhikkhu

Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/


Cet enseignement sur le Dhamma vise à stimuler la réflexion et la sagesse des personnes malades. Veuillez le lire attentivement1.

La maladie est ordinaire et naturelle

La maladie doit être considérée comme une occurrence naturelle pour tous les phénomènes physiques, qu'il s’agisse d’un corps humain ou animal, car ces phénomènes – sankhāra – sont soumis au changement. Chaque fois qu' un changement se produit dans le corps, les choses peuvent aller mieux ou moins bien. Un changement vers le mieux est agréable et synonyme de santé ; un changement vers le moins bien est synonyme de douleur ou de maladie. Lorsque les phénomènes physiques vieillissent peu à peu, la plupart des changements sont douloureux et peuvent se transformer en maladie. Il s’agit là de faits inévitables et ils doivent être bien compris comme tels – tous les sankhāra physiques sont ainsi. Autrement dit, la douleur et la maladie sont normales et naturelles pour notre corps qui se compose de sankhāra physiques.

La maladie nous rappelle à la réflexion sage

Examinons la raison pour laquelle cette maladie survient. Nous devons voir cela de manière positive, c'est-à-dire voir que cette maladie survient pour nous avertir. La maladie n'est pas là pour nous faire souffrir ou nous attrister. Il n'y a rien en elle qui donne matière à regrets ou à souffrance, ou qui serait négatif en soi, parce que les sankhāra physiques sont simplement comme cela. Au contraire, la maladie est là pour nous avertir, nous faire réfléchir et éveiller notre sagesse. La maladie nous sollicite, elle nous demande de nous préparer à l'extinction ultime, à la cessation de toute forme de souffrance. Si nous sommes toujours en train de tourner dans le cercle sans fin du samsara, nous souffrons nécessairement de la naissance, du vieillissement, de la maladie et de la mort. Si vous voulez mettre fin à la naissance, au vieillissement, à la maladie et à la mort, arrêtez de tourner dans la roue du samsara.

Pour aller au-delà de la souffrance, il faut éteindre tous les feux

Aujourd’hui la maladie et la fièvre sont arrivées pour vous mettre en garde, pour vous montrer ce qu’est la vie dans le samsara. Si vous souhaitez vous libérer de ce genre d'existence – notamment de la maladie –, vous devez vous préparer à éteindre tous les feux du désir, de l’aversion et de l’ignorance. Cette extinction totale refroidit les sankhāra et ne laisse aucun combustible pour une nouvelle naissance. Même si le corps n'est pas prêt à mourir, le cœur se porte volontaire pour éteindre ces feux. En d’autres termes, nous sommes pleinement disposés à vivre sans notion de « moi » à partir de cet instant. Nous nous portons volontaires pour être libres du « moi » dès maintenant. Notre cœur se libère de tout et abandonne tout ce qui concerne les sankhāra. Mettez fin à toute identification au corps physique afin qu'il n'y ait plus de pensées en termes de « moi » et de « mien ». Nous sommes conscients que vouloir poursuivre l'errance dans les cycles saṃsariques conduit à cela, à la maladie. Il n'y a pas de fin. Si vous souhaitez sortir de ce cercle infernal, cessez d’identifier le corps physique à un « moi » ou de croire qu’il vous appartient. Quand on cesse de croire que quelque chose est moi ou à moi, l’extinction se produit.

Ne prenez pas les choses personnellement

 Les sankhāra tombent malades naturellement. Si nous nous y accrochons en pensant qu’ils nous appartiennent, la douleur et la maladie deviennent nôtres, elles aussi. Alors, nous souffrons, nous sommes tristes ou déçus. Mais si nous sommes intransigeants avec notre nouvelle intention, avec sagesse et fortitude, nous nous engageons à laisser les sankhāra à leur propre histoire. Laissez les phénomènes physiques fonctionner selon leur état, ne vous en saisissez pas comme étant « moi » ou « miens ». De par leur nature, les phénomènes physiques ou sankhāra ne durent pas ; ils sont impermanents ; ils sont dukkha, source de souffrance et peu fiables ; et ils sont anattā, essentiellement impersonnels et éphémères. Ce que nous souhaitons, c'est l'arrêt du cercle infernal, le calme et le refroidissement de la brûlure des sankhāra – autrement dit, la voie du nibbāna.

Libérez l'esprit

L’esprit doit veiller à voir les choses de cette façon afin de ne pas se saisir des problèmes physiques comme étant « miens » ou « me » concernant. Laissez les phénomènes physiques tomber malades ou se décomposer naturellement, afin qu'ils ne soient pas perçus comme ma douleur, ma maladie ou ma mort. Ainsi l'esprit ne sera pas lié à la maladie et à la mort. Au lieu de cela, il sera libéré de la douleur, de la maladie et de la mort. Dans cette liberté, il n'y a ni aller ni retour dans le cycle du samsara.

Voilà l'avertissement que la maladie nous apporte pour nous faire réfléchir avec sagesse. La maladie ne vient pas pour nous faire souffrir. Elle n'exige pas que nous souffrions. Elle nous rappelle simplement qu’il est important d’être pleinement préparé à éteindre complètement le sentiment d’être un « moi » ou de posséder ce corps. Elle nous met au défi d'éteindre le « moi » et le « mien ». Elle ne nous dit pas de nous empresser de mourir, ce qui n’aurait aucun sens. Elle nous rappelle simplement de mettre fin à la saisie du « moi » et à l’attachement à tout ce que nous croyons nôtre. C'est ce que je veux dire quand je déclare que la maladie est là pour nous avertir et nous rappeler qu’il est temps de mettre définitivement fin à tout attachement au corps. Lorsque ce lâcher-prise se produit, il ne reste plus personne pour naître, vieillir, tomber malade et mourir.



1Cette conférence a été adressée à un vaste public parmi lequel de nombreuses personnes âgées avec des croyances bouddhistes traditionnelles sur la vie future. Par ailleurs, à cette époque-là (juillet 1982), la propre santé d’Ajahn Buddhadasa commençait à décliner.