Le Dhamma de la Forêt




La prison de la vie

Buddhadasa Bhikkhu


Traduit par Hervé Panchaud

http://www.dhammadelaforet.org/



Un enseignement donné à des méditants étrangers le 10 février 1988 à Suan Mokkhabalarama.

Aujourd'hui, nous allons parler d'une chose appelée « prison ». Cela devrait nous permettre de mieux comprendre ce que nous appelons « la vie » et de mieux connaître le Dhamma, ce qui nous aidera à vivre sans dukkha (l'insatisfaction, la douleur, les tensions et la souffrance). Nous allons aujourd'hui parler de cette chose que nous appelons « prison ». Veuillez, s'il vous plaît, écouter attentivement.

Partout où les conditions et les caractéristiques de la prison sont présentes, dukkha est présent. Vous devez observer que toutes les formes et tous les types de dukkha ont les caractéristiques de la prison. Etre retenu, entravé, enchaîné et être plongé au milieu des difficultés et des tourments sont les caractéristiques de dukkha. Si vous comprenez cela, alors vous comprendrez plus clairement la signification de ce que nous nommons « upadana », l'attachement. Là où il y a upadana, il y a une prison. Upadana porte en germe les conditions de l'emprisonnement.

Où il y a upadana, il y a servitude. Celle-ci peut être positive ou négative, mais ces deux formes de servitudes sont des entraves pareillement. En voyant les choses comme étant « moi » ou étant « miennes », la servitude apparaît. Quand nous sommes attachés à quelque chose, nous sommes enchaînés, de la même manière que nous le serions dans une prison.

Tous les principes du Dhamma enseignés par le bouddhisme peuvent être résumés ainsi : upadana est la cause de dukkha, dukkha est créé par upadana. Nous devons tous comprendre clairement cette notion d'upadana. Afin de mieux la comprendre, nous devons la voir comme étant une prison – une prison mentale, une prison spirituelle. Nous sommes ici pour étudier le Dhamma, développer samadhi (le calme et la stabilité de l'esprit) et vipassana (la claire vision intérieure), ceci, afin de vaincre upadana. Ou, pour parler de manière métaphorique, nous étudions le Dhamma et entraînons notre esprit en vue de détruire la prison qui nous tient incarcérés.

Nous parlons d'une prison mentale ou spirituelle, mais celle-ci a les mêmes caractéristiques qu'une prison véritable. C'est la même chose que les prisons dans lesquelles des gens sont incarcérés partout à travers le monde. Mais maintenant, nous parlons de cette forme de prison, strictement spirituelle. Cette prison est un peu étrange, voire extraordinaire, en ce sens que nous ne pouvons pas la voir avec nos yeux. Ce qui est plus extraordinaire encore, c'est que les gens viennent s'y enfermer de leur plein gré. Les gens sont ravis de se laisser incarcérer dans la prison de l'esprit. C'est un aspect vraiment paradoxal de la prison spirituelle.


La Libération c’est trouver le Salut hors de la prison

Vous devez vous souvenir de ces mots « salut » et « libération », qui sont employés dans toutes les religions. L'objectif ultime de toutes les religions est le salut ou l'émancipation, ou tout autre mot équivalent dans toutes les langues du monde. Mais tous ces mots ont la même signification – être sauvé. Toutes les religions enseignent le Salut. Mais de quoi devons-nous être sauvés ? Nous devons être sauvés de cette prison spirituelle. Le fait est que, tous, à ce moment précis, vous désirez et vous réclamez cette chose appelée « liberté » ou « libération » ; c'est-à-dire tout simplement : vous voulez vous échapper de votre prison. Que cette prison soit physique, matérielle, ou qu'elle soit une prison mentale ne change rien à l'affaire. Dans tous les cas, nous voulons la liberté.

Ceux à qui la sagesse fait défaut ne peuvent voir et craindre que les prisons de pierre et de ciment. Mais ceux qui possèdent la sagesse (pañña) d'observer plus en profondeur verront combien plus terrifiante et dangereuse est la prison de l'esprit. De fait, on peut constater que peu de gens sont incarcérés dans les prisons ordinaires, alors que tout le monde est retenu dans la prison de l'esprit. Par exemple, aucun de vous qui êtes assis ici n'est dans une prison ordinaire, mais, tous, vous êtes retenus dans une prison spirituelle. Ce qui nous pousse à nous intéresser au Dhamma, à étudier le Dhamma, à pratiquer le développement de l'esprit, c'est l'oppression et la contrainte d'être retenus dans cette prison spirituelle. Que vous le ressentiez ou pas importe peu. Cela nous oblige, quoi qu'il en soit, à lutter et à chercher une manière de sortir de cet emprisonnement spirituel. Que vous soyez conscient ou pas, cela vous oblige néanmoins à rechercher la libération de l'esprit. C'est pour cela que vous venez ici ou dans des endroits comme celui-ci.

Bien que ce qui nous tient emprisonnés ne soit qu'une seule et même chose, à savoir : upadana, cette prison peut revêtir différentes formes. Si nous prenons le temps d'étudier chaque type de prison, cela pourra nous aider à mieux comprendre ce phénomène. De la sorte, nous comprendrons mieux upadana et nous comprendrons mieux tanhā (la soif, le désir) et les kilesa (les souillures de l'esprit) qui sont, selon les enseignements du Bouddha, les causes de dukkha (l'insatisfaction, la souffrance). Nous comprendrons mieux la notion de dukkha si nous comprenons, clairement et de manière approfondie, ce que nous appelons « prison ».

Je souhaiterais que vous utilisiez le terme « upadana » plutôt que celui d' « attachement » (ou tout autre mot de votre langue). Ces mots sont toujours mal interprétés. Vous n'en aurez peut-être pas tout de suite une compréhension claire mais essayez d'employer ce mot « upadana » afin d'y habituer votre bouche, votre esprit et votre ressenti. Nous devons prendre conscience que l'élimination d'upadana constitue le cœur du bouddhisme. Le cœur du bouddhisme est ce qui permet de se défaire d'upadana, de l'éradiquer. Alors, il n'y a plus de prison, il n'y a plus de dukkha.

Vous devez combiner ensemble la signification des mots français « attachement », « saisie » et « avidité » afin de pouvoir appréhender la signification du mot « upadana ». Il est cependant préférable de conserver le mot « upadana ». Son sens est plus large et il va nous permettre d'en étudier la signification d'une manière plus complète et approfondie.


La nature particulière du bouddhisme

Ce n’est peut-être qu’un simple mot, mais upadana est la notion la plus importante. Le cœur du bouddhisme est de trouver le moyen de déraciner et de se défaire d'upadana. C'est le moyen d'en finir avec dukkha. Veuillez comprendre que ceci est le cœur de l'enseignement bouddhiste, quelle que soit l'école ou la tradition. Theravada, mahayana, zen, tibétaine, quelle que soit l'école bouddhiste dont vous vous sentez proche, seuls changent le nom, les pratiques et les rituels extérieurs. Mais, intrinsèquement, l'objectif est partout le même : éradiquer upadana.

Ne soyez pas triste, déçu ou inquiet si vous ne pouvez pas apprendre les enseignements de toutes les écoles du bouddhisme. Ne soyez pas inquiet si vous n'avez pas été en mesure d'aller apprendre le bouddhisme au Tibet, au Sri Lanka, en Birmanie, en Chine ou n'importe où ailleurs. C'est une perte de temps. Il y a une essence ou un cœur unique à tous ces enseignements, à savoir : l'élimination d'upadana. Les étiquettes « theravada », « mahayana », « tibétain » ou « chinois » ne concernent que l'enveloppe extérieure de ce qui semble être différentes formes du bouddhisme. Si différences il y a, elles ne sont qu'externes et superficielles ; juste un assemblage de cérémonies et de rituels. Le cœur véritable de la question, le cœur de toutes les formes du bouddhisme reste le même : l'élimination d'upadana.

Aussi, contentez-vous d'étudier cet unique sujet. Ne perdez pas votre temps à vous attrister de n'avoir pas pu étudier toutes les formes du bouddhisme. Etudiez cette seule question : l'élimination d'upadana ; c'est bien assez.

Si vous souhaitez réellement devenir un expert du bouddhisme mahayana, vous devrez aller apprendre le sanskrit. Vous pouvez passer toute votre vie à essayer d'apprendre le sanskrit et ne vraiment rien connaître de plus. Si vous voulez bien connaître le zen, vous allez devoir apprendre le chinois. Vous passerez votre vie à apprendre le chinois pour, au final, ne pas comprendre le zen. Pour connaître le vajrayana, le bouddhisme tibétain, vous devrez apprendre le tibétain. Apprendre ces langues occupera la majeure partie de votre existence et vous n'aurez vraiment pas appris grand-chose. Vous n'aurez pas pénétré le cœur du bouddhisme. Ces choses sont superficielles ; elles sont apparues plus tard comme des « nouveaux développements ». Vous devez comprendre quel est le cœur de tout ceci et apprendre cet unique sujet : l'élimination d'upadana. De la sorte, vous connaîtrez l'essence du bouddhisme, qu'il soit étiqueté « mahayana », « theravada », « zen » ou « vajrayana ». Qu'il vienne de Chine, du Japon, de Corée ou d'ailleurs, tout tient en seul point : l'élimination d'upadana.

Dans la seule école du bouddhisme théravadin, il existe différentes traditions. Il y a aussi différentes manières d'entraîner le mental. Il y a la forme de méditation de la tradition birmane, où il faut observer l'abdomen se soulever et s’abaisser. ll existe d'autres formes basées sur la répétition de mantras, tels que « samma araham » ou « bouddho, bouddho ». Il existe encore d'autres méthodes, mais pour que cela soit correct et bénéfique, le cœur de chaque méthode doit être au même endroit : la nécessité d'éradiquer upadana. Si l'on ne vous enseigne pas l'élimination d'upadana, alors ce n'est pas un enseignement bouddhiste véritable, et il ne vous sera d'aucune utilité et d'aucun bénéfice. Pourquoi ne pas vous intéresser à cette étude : l'élimination d'upadana ; ou, pour parler de manière imagée, la destruction de la prison ? Le mieux, alors, est de parler de cette prison.


Découvrir la prison de l'intérieur

Pour être plus précis, l'étude des livres, des techniques et des différents enseignements ne pourra pas nous apporter la connaissance véritable. Pour en recevoir tous les bienfaits, nous devons apprendre à partir de la chose elle-même, à savoir la prison véritable. Il nous faut étudier dukkha pour ce qu'il est, cette prison pour ce qu'elle est. Ainsi aurons-nous une meilleure vision et compréhension de cette prison.

A ce stade, nous sommes confrontés à une alternative : allez-vous apprendre de l'extérieur ou bien allez-vous apprendre de l'intérieur ? Cette distinction est cruciale. Le Bouddha a enseigné qu'il fallait étudier depuis l'intérieur, en soi-même. Les enseignements extérieurs sont les livres, les cérémonies, les rituels et toutes ces choses. Tout ce que nous devons apprendre, l'Eveillé l'a enseigné à partir de ce corps, qui est encore vivant. C'est-à-dire : un corps vivant, avec un esprit vivant, et non un corps déjà mort. C'est à partir de là que vous pourrez tirer le véritable enseignement. Etudier de l'intérieur, cela signifie étudier en vous-mêmes, tant que vous êtes encore vivants, avant que vous ne mouriez. Ce qui est étudié à partir des livres, des différents rituels et cérémonies n'apporte pas grand chose qui vaille. Aussi, veuillez étudier à partir de ce qui est à l'intérieur. Retenez bien ceci : « Etudier ce qui est à l'intérieur ».

S'entraîner à samadhi et vipassana (la concentration et la vision intérieure), c'est-à-dire : l'entraînement à la pleine conscience de la respiration (anapanasati-bhavana), comme nous le faisons ici, est un apprentissage depuis l'intérieur. Pratiquer de la sorte demande une bonne dose de patience et d'endurance ; mais pas tant que cela. En fait, en comparaison avec ce que peuvent faire certaines personnes qui pratiquent des sports de haut niveau, la gymnastique ou l'acrobatie, l'entraînement à samadhi et vipassana n'est pas si difficile. Pourtant, certaines personnes ont l'endurance et la persévérance suffisantes pour parvenir à faire de telles choses. Faites preuve seulement d'une endurance moyenne, et vous serez capable de pratiquer samadhi et vipassana, par la méthode de l'attention à la respiration. Certaines personnes n'en sont pas capables et elles se sont déjà enfuient ! Nous avons fait preuve d'assez d'endurance pour arriver où nous sommes ; si nous persévérons encore un peu, nous serons à même de recevoir les bienfaits des efforts consentis. Je vous prie donc de vous essayer à cette observation de l'intérieur et de le faire avec la patience et la persévérance nécessaires.


La vie elle-même est une prison

Utiliser des métaphores rend plus aisée la compréhension du sujet dont nous allons parler. Aussi, nous allons procéder de cette manière aujourd'hui. La première prison que vous devez chercher à observer est la prison de la vie elle-même. Si vous voyez la vie comme une prison, et si vous voyez de quelle sorte de prison il s'agit, alors on peut dire que vous avez une assez bonne compréhension de la vérité de la nature. La plupart des gens, cependant, voit la vie comme quelque chose d'agréable, une occasion de faire l'expérience de nombreux plaisirs. Ils souhaitent vivre pour connaître ces plaisirs de la vie. Ils deviennent attachés, épris de la vie, laquelle se transforme alors en prison.

Si nous pouvons voir la vie comme une prison, c'est que nous avons su voir upadana dans cette vie. Si nous ne voyons pas upadana dans la vie, nous ne voyons pas que la vie est une prison, et nous plaisons à penser que la vie est un paradis. Il y a dans la vie tant de choses pour nous satisfaire, pour nous piéger et nous aveugler mais, dans tout ce que nous trouvons plaisant, attirant et digne d'intérêt, il y aura upadana et ces choses deviendront autant de prisons. Du fait d'upadana, plus nous aimons une chose, plus celle-ci nous retiendra emprisonnés. C'est une forme positive d'upadana. Dès que nous nous mettons à haïr ou que nous ressentons de l'aversion pour quelque chose, cela devient une forme négative d'upadana, ce qui est aussi une prison. Etre séduit ou trompé par l'une ou l'autre forme d'upadana, positive ou négative, est une prison tout pareillement. Et cette prison se transforme en dukkha.

Et encore, on est en capacité de voir que, quand il y a upadana dans la vie, celle-ci devient une prison mais, quand il n'y a pas d'upadana, la vie n’est pas une prison du tout. Vous pouvez en faire l'observation dès à présent et voir si, dans votre existence, il y a upadana ou pas. « Ma vie est-elle, ou non, une prison ? », « Ne suis-je donc pas en train de vivre dans une prison d'upadana ? » Chacun de vous peut en faire l'observation approfondie en lui-même et voir de manière précise si sa vie est, ou non, une prison. Avez-vous une prison en vous ? Vivez-vous dans une prison ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi venir ici pour méditer et entraîner votre esprit ? Par essence, le but réel du développement mental est la destruction de nos prisons. Que vous parveniez ou pas, par l'étude et la pratique, à détruire cette prison est une autre affaire ! Néanmoins, notre but et objectif véritable est la destruction de la prison de la vie.

Il faut prendre cela en considération. Si nous ne reconnaissons pas upadana, nous sommes emprisonnés, sans même voir cette prison qui nous entrave. Nous sommes emprisonnés sans même être conscients de cette prison. De plus, nous sommes satisfaits et épris de cette prison, tout comme nous sommes attachés et épris de la vie. Parce que nous sommes attachés et épris de la vie, nous sommes attachés à la prison de la vie. Que pouvons-nous faire qui ne soit pas une prison ? C'est à cette question que nous devons apporter une réponse correcte et précise.

Comment devons-nous vivre pour que cette vie ne soit pas une prison ? Cela signifie que, de manière ordinaire et naturelle, la vie n'est pas une prison, mais que nous la rendons ainsi à cause d'upadana. Du fait de notre ignorance, de notre propre bêtise, de notre manque de compréhension, nous laissons upadana s'installer dans notre vie, laquelle devient alors une prison pour nous-mêmes. Dans la langue thaïe, il y a une expression à la fois brutale et moqueuse : « Som nam naa man » que l'on peut traduire par : « C'est bien fait pour toi ! » La vie n'est, en soi, ni une prison ni rien de ce genre mais, du fait de notre bêtise, upadana naît de notre ignorance (avijja) et, alors seulement, se crée une prison. Que pouvons-nous dire si ce n'est : « Som nam naa man – c'est bien fait pour toi ! »

Si vous pratiquez anapanasati-bhavana (l'attention à la respiration) avec diligence, vous comprendrez le sens de la vie. Vous reconnaîtrez clairement upadana et vous ne devrez plus subir upadana dans cette chose que nous appelons « la vie ». Toutes les formes de prison déjà apparues vont se dissoudre et disparaître, et aucune prison nouvelle n'apparaîtra. Cette sorte de vie est des plus bénéfiques, mais savoir qui peut l'atteindre est une autre question. Veuillez essayer de comprendre ces choses. Elles vous motiveront à pratiquer avec énergie et patience, afin d'être en capacité de détruire les prisons.

Une manière de regarder ceci est d'observer que la vie se déroule selon la loi de la nature ; ou que nous devons nous-mêmes nous conformer à cette loi naturelle. Nous devons nous nourrir, faire de l'exercice, dormir, nous détendre, nous devons travailler pour subsister et continuer à vivre. Nous devons faire toutes ces choses et bien d'autres encore. Il n'est pas concevable que nous ne le fassions pas. Cela aussi est une prison. Le fait de toujours devoir suivre la loi de la nature est une forme de prison. Comment allons-nous pouvoir sortir de cette prison-ci ?

Pourquoi sommes-nous dans cette forme particulière de prison qu'est le fait de devoir vivre selon la loi de la nature ? Cette prison vient de l'upadana engendré par la représentation que nous avons de nous-mêmes, la représentation que nous avons de notre vie. Quand il y a upadana envers notre vie, alors le « soi », le « je suis » apparaît. Ce « je suis » est anxieux, il s'inquiète, il a peur et s'angoisse face aux responsabilités de la vie qui sont les siennes et cela le rend malheureux. Ces difficultés viennent d'upadana. S'il n'y avait pas d'upadana concernant ce « moi », toutes les contingences de l'existence ne seraient pas des prisons. Nous pourrions répondre à nos besoins, gagner notre vie, nous entraîner et prendre soin de notre corps sans être malheureux, si nous ne ressentions pas upadana pour la vie. C'est très subtil ; cela reste un mystère pour nombre de gens. C'est la subtilité de la loi naturelle. Comment devons-nous vivre afin de n'engendrer aucune forme de dukkha lié au fait que tout acte de l'existence doit être effectué en conformité avec la loi de la nature ?


Les instincts sont des prisons

La prison suivante que nous devons prendre en considération est le fait que nous vivons sous la domination de nos instincts. Nous sommes sous l’emprise des instincts. Tous les êtres vivants – humains, animaux et plantes – ont des instincts. Ces instincts nous forcent en permanence à agir en fonction de nos préoccupations et de nos besoins. C'est plus particulièrement vrai pour ce qui concerne l'instinct sexuel et de reproduction. Combien ceux-ci nous tourmentent, quel pouvoir ils ont sur nous et comme ils nous compliquent l'existence ! L'instinct sexuel et de reproduction ne cesse de nous bousculer, de nous oppresser et de nous perturber profondément ; il nous entraîne dans bien des difficultés. Mais nous ne pouvons pas les réfréner. Parfois même, préférons-nous qu'il en soit ainsi. Nos enfants grandissent jusqu’au moment où l'instinct sexuel s'exprime ouvertement et, à leur tour, les enfants sont pris dans la prison de cet instinct.

Enfin, même l'instinct de paraître, de se montrer, peut avoir une emprise sur notre vie. Beaucoup de gens ne voient pas cela comme étant un instinct, pourtant, même les animaux en sont pourvus. Le besoin de paraître, de se vanter, de s'afficher est un instinct. Les animaux eux-mêmes possèdent cette caractéristique de vouloir montrer qu'ils sont beaux, forts ou agiles. Même cet instinct, le plus ridicule et le plus fou, est une prison. Nous avons le désir de nous montrer et de nous vanter. Si ce n'était pas une prison, cet instinct ne nous contraindrait ni ne nous opprimerait pas le moins du monde. Mais voilà ! Il nous force à acheter de beaux vêtements, de belles parures, de belles chaussures ... et en grande quantité encore !

Pourquoi avons-nous besoin d'autant de belles chemises et de belles paires de chaussures ? Pourquoi avons-nous besoin de tout cela ? (Et pardonnez-moi si je m'adresse plus particulièrement aux femmes ici.) Cet instinct de se montrer existe et c'est une forme de prison. Parce que les gens ne peuvent canaliser cet instinct, ils sont contraints de le suivre et de dépenser sans compter pour toutes sortes de choses. L'instinct de se montrer est le plus risible et le plus ridicule de tous. C'est pourtant une prison véritable, et à cause de lui, les gens n'ont jamais assez d'argent. Veuillez observer et réfléchir attentivement à toutes les manifestations de cet instinct que nous avons énumérées ici, car ce sont autant de prisons.

A ce propos, si nous faisons le compte de toutes nos dépenses, nous verrons que certaines personnes dépensent davantage en vêtements, en bijoux et pour s'embellir qu'elles n'en dépensent pour leur nourriture. De plus, ces personnes aiment décorer et embellir leur demeure, ce qui accroît encore leurs dépenses. Pris ensemble, ces deux postes de dépenses dépassent ce qu'elles dépensent pour se nourrir, ce qui est nécessaire pour vivre. Nous mettons plus d'argent pour des choses inutiles à la vie que pour des choses indispensables, comme la nourriture. C'est encore une autre manière d'être pris dans la prison des instincts.


Les sens sont des prisons

Nous arrivons ensuite à la plus amusante des prisons, celle qui est la plus proche de nous. Ce sont les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l'esprit : les six ayatana, les six bases (ou portes) des sens. Ce sont, elles aussi, des prisons. Observez-les longuement et scrupuleusement. Veuillez écouter attentivement afin de bien comprendre comment nos yeux, nos oreilles, notre nez, notre langue, notre corps et notre esprit – les six sens – deviennent des prisons.

En pali, nous les nommons les ayatana. La racine de ce mot signifie littéralement « outils ou moyens pour communiquer avec le monde extérieur » – endroits, mécanismes, moyens divers pour entrer en contact ou communiquer avec le monde extérieur. Nous les appelons « ayatana ». Si vous le voulez bien, je vous propose d’employer le terme pali « ayatana ». Nous ne savons pas vraiment comment les nommer en français, peut-être « outils sensoriels » ou « connecteurs ». Quoi qu’il en soit, ces six ayatana sont tous des prisons.

Nous ressentons upadana pour la vie, pour nous-mêmes qui avons ces six portes des sens pour ressentir, pour communiquer ou pour percevoir et goûter les objets des sens. Quand il y a upadana lié à ces six sens, nous nous mettons à leur service et devenons leurs esclaves. Nous nous mettons au service des yeux pour satisfaire les yeux ; nous nous mettons au service des oreilles pour satisfaire les oreilles ; nous nous mettons au service du nez pour satisfaire le nez ; nous nous mettons au service de la langue pour rassasier la langue. Nous nous mettons au service de la peau et du corps en général pour qu'il ait son confort. Nous nous mettons au service de l'esprit, du mental, afin de l'apaiser et de le réconforter. Ainsi, toutes nos actions ont pour seul objectif de satisfaire ces ayatana. Quoi que nous fassions, nous le faisons pour le bien de nos six ayatana. Nous leur sommes dévoués au point d'en devenir leurs esclaves. Ils nous commandent et nous contrôlent ; nous ne pouvons leur échapper. Nous appelons cela : « se laisser enfermer dans la prison des ayatana ».

Voyez s'il y a quelqu'un, l'un d'entre vous, qui ne soit pas l’esclave servile de ses six sens. Voyez comment vous vous mettez volontiers à leur service. Vous êtes capable d'endurer toutes sortes de difficultés et de vous plier en quatre pour trouver les meilleurs moyens de satisfaire les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l'esprit. Nous devons donc admettre que nous sommes esclaves. Les gens qui manquent de sagesse resteront esclaves des ayatana, ils resteront retenus dans la prison des ayatana. Par une pratique correcte et accomplie de l'attention à la respiration, nous pouvons échapper à cette prison. Si nous pratiquons anapanasati de façon imparfaite et incomplète, nous resterons dans la prison des ayatana … qui sait pour combien de temps.


La superstition est une prison

La prison suivante que nous voulons mentionner est celle qui consiste à être trompé par ce que l'on nomme « sayasatr »1. Toutes les croyances et les rituels superstitieux sont sayasatr. Plus il y a d'ignorance, plus le manque de connaissance se fait sentir et plus on est piégé par les prisons de la superstition. Aujourd'hui, l'éducation et la science (vidayasatr) se sont développées, ce qui entraîne une meilleure compréhension des vérités physiques et naturelles. Il reste, cependant, de très nombreux pièges qui nous retiennent dans la prison des superstitions. Cela dépend de chacun ; certaines personnes sont piégées par les superstitions, d'autres le sont moins. Les gens sont piégés à différents degrés et de différentes manières, mais nous pouvons dire qu'il y a encore des gens qui sont retenus dans la prison des sayasatr, enchaînés par la superstition.

Bien que, d'une manière générale, la superstition ait reculé du fait de l'avancée des sciences, il reste encore beaucoup de sayasatr dans les églises et dans les monastères Veuillez me pardonner de parler ainsi, mais les lieux où nous pouvons trouver le plus de superstition sont les temples, les églises et autres lieux similaires. Même si la superstition a tendance à régresser, elle reste tenace dans ces endroits. Là où il y a des autels, où les gens se prosternent devant des objets considérés comme saints et sacrés, il y a de place pour que perdure la « science des endormis ». La superstition, sayasatr, est pour ceux qui sont endormis ; elle attire ceux qui n'ont pas une compréhension claire des choses, ceux qui sont ignorants. On nous fait croire à toutes ces choses alors que nous sommes encore enfants, avant que nous ayons l'intelligence et la capacité de raisonnement. Les enfants croient à tout ce qu'on leur dit, et des soi-disant « adultes » leur apprennent de nombreuses superstitions. Si vous croyez que le chiffre « 13 » est un chiffre porte-malheur, c'est une forme de sayasatr. Vous êtes encore endormis. Il y a plein d'autres superstitions qu'il vaut mieux ne pas citer ; certaines personnes pourraient se sentir offensées. Ces choses-là sont des prisons. Pourquoi ne pas les observer de près pour les voir comme elles sont ? Même le chiffre « 13 » peut devenir une prison pour qui est insensé.


Les institutions sacrées sont des prisons

Nous allons poursuivre avec ces institutions ou établissements qui sont tenus pour saints et sacrés, ou réputés et vénérés. Ou encore, ces lieux tellement uniques et prestigieux que quiconque en devient membre devient, de fait, à son tour, unique et prestigieux. Il existe partout bon nombre de lieux et d'institutions de la sorte. Dès qu'elles adhèrent à telle association, telle organisation, tel institut ou établissement, certaines personnes commencent à se monter la tête et tirer orgueil de cette affiliation. Elles pensent : « Nous sommes meilleurs qu'eux », « Nous seuls avons raison, les autres ne sont que des ignorants ». Ces personnes adhèrent sans la moindre réflexion préalable, ou pensée critique. C'est ainsi que certaines institutions, voire certaines églises – il faut bien le dire – deviennent des prisons. Aussi, je vous prie, ne pensez pas que Suan Mokkh soit un lieu saint ou miraculeux, sinon Suan Mokkh deviendra une prison. S'il vous plaît, ne faites pas de Suan Mokkh votre prison. Vous devez pouvoir penser librement, étudier les choses avec attention et pouvoir les évaluer de manière critique ; comprendre et n'accepter que ce qui est vraiment bénéfique. Ne restez pas prisonniers de l'une ou l'autre de ces institutions prestigieuses ou réputées.


Les maîtres sont des prisons

Maintenant, nous arrivons à cette prison appelée « Ajahn » (enseignant, maître ou gourou), ces fameux maîtres dont le nom résonne jusque très loin. En Birmanie, il y a « Sayadaw Ceci » ; au Sri Lanka, « Bhante Cela » ; au Tibet, « Lama Untel et Untel » ; en Chine, « Maître Machin » ... Chaque lieu a son célèbre enseignant dont le nom est réputé. Quels que soient le pays, la région, la province ou la commune, chaque endroit a son « Grand Gourou ». Les gens s'attachent à l'idée que leur maître est le seul maître véritable, celui qui possède la vérité, les autres étant tous dans l'erreur totale. Ils refusent d'écouter les autres enseignants mais ils ne réfléchissent pas pour autant aux enseignements de leur propre Ajahn, ils ne les approfondissent pas. Ils sont piégés dans la « prison du Maître ». Ils transforment leur maître en prison et s'y laissent enfermer. Ceci est un attachement vraiment ridicule. Que ce maître soit réputé ou non, il s’agit tout de même d’upadana. Ils continuent à bâtir des prisons à partir de l'idée qu'ils se font de leurs maîtres et gourous. Veillez à ne pas vous laisser piéger, même par cette forme de prison.


Les choses saintes sont des prisons

La prison suivante est celle des écritures saintes que l'on peut trouver partout. Ce sont parmi les gens ayant peu de sagesse que l'on trouve ceux qui sont le plus attachés à ces choses et qui les considèrent comme « sacrées ». Celles-ci peuvent même devenir des doublures ou des substituts à Dieu. C’est comme si le simple fait de mentionner les livres sacrés équivalait à trouver véritablement de l’aide. Cela conduit à la multiplication des objets sacrés : saintes reliques, eau bénite et toute une variété d'objets de croyance. Soyez attentif à ce mot « sainteté » car il pourrait se transformer en prison avant même que vous ne vous en aperceviez. Plus une chose vous paraît sacrée, plus elle peut vous piéger. Méfiez-vous de tout ce qui est considéré comme « saint » ou « sacré ».

Vous devez savoir qu'il n'y a rien de plus sacré que la Loi de la Conditionnalité – Idappaccayata –, elle est la plus sainte de toutes les choses. Le reste n’est considéré comme « saint » que par convention ou parce qu'un grand nombre de gens s'accordent à penser ainsi ; c’est upadana qui crée cette sainteté. Là où il y a sainteté du fait d'upadana, il y a prison. Idappaccayata, la Loi de la Conditionnalité, est sacrée en elle-même, sans qu'il y ait besoin d’attachement. Il n'y a pas de place pour upadana. Elle commande déjà tout et elle est véritablement sainte par elle-même. S'il vous plaît, ne vous laissez pas piéger dans la prison des objets sacrés. Ne faites pas de ces objets sacrés une prison pour vous-même.


La bonté est une prison

La prison suivante est très importante parce qu'elle nous entraîne dans toutes sortes de complications. Cette prison est ce que l'on appelle « bonté ». Tout le monde aime faire le « bien » et on enseigne tous aux autres à faire le bien. Puis on s'attache à ce qui est « bien ». Dès lors, upadana se mêle à ce qui est bon et cette bonté devient une prison. Vous devez être bon, pratiquer la bonté, sans ajouter upadana – alors cette bonté ne sera pas une prison. Mais s'il y a upadana, elle deviendra une prison. Comme nous l’avons dit, les gens s’entichent des bonnes actions, s’enivrent de bonnes actions, se perdent dans les bonnes actions jusqu’à ce que cela devienne un problème. Soyez donc extrêmement attentif à ne pas transformer la bonté en prison. Mais il n'y a rien que nous puissions faire maintenant, tout le monde est captif de la prison de la bonté – aveuglément, inconsciemment emmuré dans la prison du « bien ».

Si vous êtes chrétien, je vous propose de bien réfléchir et de beaucoup méditer sur ce qu'enseigne le Livre de la Genèse où Dieu interdit à Adam et Eve de manger le fruit de l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. N'allez pas le manger ! Sinon, il vous amènera à faire la distinction entre le bien et le mal ; de ce fait, vous serez lié par upadana au bien et au mal, et le bien et le mal deviendront des prisons. Cet enseignement est très profond et bénéfique, des plus sages et intelligents qu'il soit, mais personne ne semble bien le comprendre. Les gens n'y prêtent que peu d'intérêt et ne peuvent donc être de vrais chrétiens. S'ils étaient de véritables chrétiens, ils ne s'attacheraient pas ainsi avec upadana au bien et au mal. Nous ne devons pas transformer le bien et le mal en prisons. Cela signifie qu'il ne faut pas se laisser prendre dans la prison de la bonté.

Nous avons mangé le fruit : est venue la connaissance du bien et du mal. Nous avons ensuite été pris et tiraillés entre le bien et le mal. Nous connaissons depuis lors ce problème incessant. C'est ce que l'on appelle : « le péché originel », ou parfois « le péché perpétuel ». C’est devenu une « prison originelle » ou « prison perpétuelle ». Soyez vigilants, ne vous laissez pas prendre dans cette prison originelle ou perpétuelle. Ne vous laissez jamais enfermer dans cette prison.

Etre tenu emprisonné par la bonté, ou le bien, amène à chercher une bonté plus grande, à rechercher la bonté suprême. La bonté suprême deviendra alors la prison suprême. Et, poursuivant ainsi, Dieu deviendra la prison suprême. J’espère que vous comprendrez et vous souviendrez que c’est ainsi qu’upadana construit des prisons.


Les opinions sont des prisons

La prison suivante est notre propre ditthi Le terme pali ditthi est difficile à traduire. La connaissance, les pensées, les idées, les théories, les opinions, les croyances, les interprétations – tout cela est ditthi. Ditthi désigne toutes nos pensées personnelles, nos opinions, nos théories et nos croyances. Ce ne sont pas seulement certaines opinions et croyances mineures, mais la globalité de celles-ci, toute notre vision des choses. Tout ce qui nous permet d’évaluer notre vécu est appelé ditthi. Nous sommes pris dans la prison de notre vision des choses. Nous n'obéissons à rien d'autre qu'à notre ditthi. C'est la plus terrifiante des prisons parce que nous fonçons tête baissée, de manière impétueuse, téméraire et précipitée au gré de nos propres idées. Nous tournons le dos aux choses qui nous seraient bénéfiques, nous les perdons de vue parce que notre esprit se ferme à tout se qui est différent de nos idées, nos croyances et nos opinions. Ainsi, ces opinions deviennent-elles une horrible prison qui nous retient et nous enferme dans une compréhension bornée. Méfiez-vous de la prison de votre propre ditthi.


La pureté est la plus subtile des prisons

Nous en venons ensuite à une forme de prison vraiment étrange et merveilleuse, que vous pourriez appeler « la plus subtiles des prisons ». Cette prison raffinée est ce que l'on nomme « innocence » ou « pureté ». Il est difficile de comprendre exactement ce que l'on entend par ces mots. Nous entendons un tas de discours au sujet de l'innocence et de la pureté, mais les gens ne semblent jamais savoir de quoi ils parlent. On s’attache et on se lie à cette pureté, on l’apprécie tant et plus, on la vénère, on l’utilise pour s’en vanter ou se comparer aux autres, on s’enorgueillit de ce « je » si pur ! Mais s'il y a upadana, ce n'est alors que de la pureté mêlée d'upadana, et non de la pureté véritable. Il y a différentes formes de pureté que l’on affiche par attachement comme les bains rituels, les incantations, les différentes formes de bénédictions par onction, aspersion, etc., et toute une myriade de rites et de cérémonies de « purification ». Cette forme de pureté est de l’attachement pur, et la pureté liée à l'attachement est une prison. S'il vous plaît, ne vous perdez pas, ne finissez pas dans cette prison nommée « pureté ».

C'est quelque chose de pitoyable à voir. Etre à ce point attaché à l'ego, être à ce point attaché à la pureté que certaines croyances religieuses vont jusqu'à enseigner une forme de pureté éternelle où une sorte d'âme éternelle demeurerait dans une espèce d’éternité. Tout cela vient de l'attachement à la pureté à travers upadana, attachement qui amène à se retrouver emmuré dans une prison éternelle. Cela ne peut que se terminer en une prison éternelle.


La vacuité n'est pas une prison

Il s’agissait là de la dernière, de l'ultime prison. Echappez-vous de la prison de la plus grande pureté ! Evadez-vous de la prison la plus pure pour entrer dans la vacuité, libre de toute âme et de tout « moi ». Ne pas avoir de soi, vivre libéré de l'ego, l'absence d'un soi, de toute sensation de soi, effacer toute idée et notion de soi – voici la pureté vraie. Toute pureté vraiment éternelle ne peut en aucun cas être une prison à moins d'en avoir une compréhension erronée et de s'y attacher comme à une forme de soi ou d'âme, auquel cas cela devient à nouveau une prison. Lâcher prise sans équivoque, être libéré de toute notion de soi : voilà la pureté réelle. Ce n'est pas une prison. La vacuité est la pureté qui n'emprisonne pas.

On découvre ainsi que la prison véritable, qui est l'assemblage de toutes les prisons que nous venons de mentionner ici, est ce que l'on appelle « atta » en pali, le « soi » ou « l'âme ». La prison est soi. Cet ego est la prison. Toutes les formes de prisons sont comprises dans ces mots : « ego » ou « moi ». Tout revient à cela. S'attacher au soi en tant qu'entité et penser que cela est mien, être épris de ce « je », ce « mien », telle est la prison véritable, le cœur et l'âme de toutes les formes de prison. Toutes les prisons sont réunies dans ce mot « atta ». Arrachez la folie qui crée l'atta, en même temps que l 'atta lui-même, et toutes les prisons disparaîtront. Si vous pratiquez anapanasati (l'attention à la respiration) de manière correcte jusqu’à y parvenir parfaitement et réellement – pas simplement l’imaginer – vous détruirez complètement toutes les prisons. C'est ainsi, en détruisant atta, que toutes les prisons disparaîtront et que vous n’en bâtirez plus de nouvelles. Puissiez-vous connaître le succès dans la destruction de toutes les prisons, c'est-à-dire d’atta – du soi.

Le but d'anapanasati est de supprimer tous les vestiges d'upadana liés au soi. La suppression totale de tout attachement au soi est l'extinction définitive et parfaite de dukkha, qui apporte la libération, le salut. L'objectif premier de toutes les religions est le salut dont la valeur et les bienfaits sont indescriptibles. S'il vous plaît, essayez ! Anapanasati, quand il est correctement pratiqué, conduit à la libération d'atta. J’ai fait de mon mieux et je suis disposé à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider chacun à comprendre anapanasati et à le mettre en pratique avec succès, afin que nous puissions tous échapper à toutes les formes de prisons de l'humanité.

1 Sayasatr (le "r" en final est muet):  mot de la langue thaïe qui signifie « superstition ».