Le Dhamma de la Forêt



Les Trésors de Sagesse
qu’il nous a légués


Ajahn Dune Atulo


Traduction de Jeanne Schut

Pour dhammadelaforet.org

© Février 2015




Ajahn Dune Atulo





Bienvenue dans le Dhamma

Le 18 décembre 1979, le roi et la reine de Thaïlande sont venus voir Luang Pu à titre privé. Après avoir pris des nouvelles de sa santé et de son bien-être, ils ont posé des questions sur le Dhamma. Le roi a dit : « Quand on décide d’abandonner les kilesa2 qui obscurcissent l’esprit lesquelles doivent être abandonnées en premier ? »

Luang Pu a répondu : « Tous les kilesa apparaissent ensemble dans l’esprit. Posez toute votre attention juste là, au niveau de l’esprit. Et, quel que soit le kilesa qui apparaîtra en premier, ce sera celui qu’il faudra abandonner en premier. »



À propos des quatre Nobles Vérités

Un moine aguerri de la tradition méditative est venu rendre hommage à Luang Pu le premier jour de la Retraite des Pluies de 1956. Après lui avoir donné des instructions et un certain nombre d’enseignements sur des sujets profonds, Luang Pu a résumé ainsi les quatre Nobles Vérités :

« L’esprit qui s’évade est à l’origine de la souffrance.
La conséquence d’un esprit qui s’évade est la souffrance.
L’esprit qui observe l’esprit est la Voie.
La conséquence de l’esprit qui observe l’esprit
est la cessation de la souffrance. »



Au-dessus et au-delà des mots

Un jour, un laïc très instruit qui bavardait avec Luang Pu lui a dit : « Je crois vraiment que, de nos jours, il y a plus de moines que l’on croit qui ont atteint la Voie, ses fruits et le Nibbāna3. Alors, pourquoi ne le font-ils pas savoir publiquement pour que ceux qui sont intéressés par la pratique sachent quel niveau d’éveil ils ont atteint ? Ce serait une façon de leur donner de l’espoir et de les encourager à faire tous les efforts dont ils sont capables. »

Luang Pu a répondu : « Ceux qui se sont éveillés ne parlent pas de ce à quoi ils se sont éveillés parce que cela se situe au-dessus et au-delà de tous les mots. »



Vrai mais pas pour de vrai

Il est normal que les gens qui commencent à pratiquer la concentration aient des doutes sur leurs expériences. Ils peuvent, par exemple, avoir des visions étranges ou commencer à voir des parties de leur propre corps. De nombreuses personnes sont venues voir Luang Pu en lui demandant de les libérer de leurs doutes ou de leur donner des conseils pour poursuivre leur pratique. Plusieurs disaient que, quand ils méditaient, ils voyaient l’enfer ou le paradis, ou des sphères paradisiaques ou encore une image du Bouddha dans leur corps. Et ils demandaient : « Ce que j’ai vu était-il vrai ? »

À quoi Luang Pu répondait : « La vision que vous avez eue était réelle mais ce que vous avez vu dans cette vision ne l’était pas. »



Lâcher les visions

Il arrivait alors que la personne demande : « Vous dites que toutes ces visions sont extérieures à moi, que je ne peux en faire aucun usage et que, si je m’y accroche, je n’avancerai pas. Est-ce parce que j’ai entretenu trop longtemps ces visions que je ne peux pas les éviter ? Chaque fois que je m’assois pour méditer, dès que l’esprit s’apaise, il va directement à ce niveau-là. Pouvez-vous me donner un conseil sur la façon de lâcher efficacement les visions ? »

Luang Pu répondait : « Oh, certaines de ces visions peuvent être très amusantes et nous absorber complètement, vous savez, mais si vous y restez attaché, c’est une perte de temps. Il existe une méthode très simple pour les abandonner : ne pas regarder ce qui se présente dans la vision mais voir ce qui voit. Alors les choses que vous ne voulez pas voir disparaîtront d’elles-mêmes. »



S’arrêter pour avoir la connaissance

En mars 1964, un grand nombre de moines à la fois érudits et méditants vint rendre hommage à Luang Pu. Il s’agissait du premier groupe de « missionnaires du Dhamma ». Ils venaient aussi pour demander à Luang Pu des enseignements et des conseils pour mener à bien leur tâche de transmission du Dhamma. Luang Pu leur a donné un enseignement au plus haut niveau, pour qu’ils l’enseignent à d’autres mais aussi pour qu’ils l’intègrent eux-mêmes à leur pratique et atteignent ainsi ce niveau de vérité.

Pour conclure, il leur a donné quelques paroles de sagesse à emporter avec eux et contempler : « Vous pouvez penser tant que vous voudrez, vous n’en obtiendrez pas la connaissance. C’est seulement quand vous cesserez de penser que vous aurez la connaissance. Cependant, vous dépendez de la pensée pour obtenir la connaissance. »



Pourquoi souffrent-ils ?

Une femme d’âge moyen vint un jour rendre hommage à Luang Pu. Elle décrivit sa situation sociale qui était bonne et expliqua qu’elle n’avait jamais manqué de rien. Pourtant, dit-elle, elle était très perturbée à cause de son fils qui était désobéissant, agité et qui s'était engagé dans toutes sortes d'occupations malsaines. Il était en train de dilapider la fortune de ses parents et de leur briser le cœur ; c'était vraiment insupportable pour eux. Elle demanda à Luang Pu de la conseiller pour qu'elle parvienne à moins souffrir mais aussi pour que son fils cesse de mal se comporter.

Luang Pu lui a donné quelques conseils et lui a aussi appris à apaiser son esprit et à savoir lâcher prise. Après son départ, il a déclaré : « De nos jours, les gens souffrent à cause de leurs pensées. »



Paroles inspirées

Luang Pu a enchaîné avec un enseignement.

Il a dit : « Les choses matérielles sont déjà là, dans le monde, parfaites et complètes. Les gens qui n'ont pas la capacité et le discernement voulus ne peuvent pas en profiter, de sorte qu'ils ont du mal à pourvoir à leurs besoins. Ceux qui ont la capacité et le discernement nécessaires peuvent jouir des biens de ce monde en quantité, et leur vie est facile et agréable en toutes circonstances. Quant aux Nobles Êtres, ils essaient de se comporter de façon à se libérer de toutes ces choses, à entrer dans un état où ils n'ont rien du tout parce que, dans le domaine du monde, on possède ce que l'on a mais, dans le domaine du Dhamma, on a ce que l'on ne peut pas posséder. »



Encore des paroles inspirées

« Quand on peut séparer l'esprit de toutes les choses qui l'encombrent, il n'est plus lié à la souffrance. Que les sensations qui lui arrivent par les yeux, les oreilles, le nez, la langue ou le toucher soient agréables ou désagréables ne dépend que de la façon dont l'esprit s'emploie à les façonner. Si l'esprit manque de sagesse, il interprète mal les choses et, quand il interprète mal les choses, il tombe sous l'influence trompeuse de tout ce qui nous attache, physiquement et mentalement. Les conséquences néfastes et les châtiments dont nous souffrons physiquement peuvent être soulagés par les autres, jusqu'à un certain point. Quant aux conséquences néfastes qui ont pour effet d'obscurcir l'esprit et de le rendre esclave du désir, nous devons apprendre à nous en libérer par nous-mêmes. 

« Les Nobles Êtres se sont libérés des deux types de conséquences néfastes. Voilà pourquoi l'insatisfaction et la souffrance ne peuvent les atteindre. »



Toujours plus de paroles inspirées

« Quand un homme se rase la tête et la barbe et revêt le vêtement ocre, c'est le symbole de son statut de moine – mais uniquement à l’extérieur. C'est seulement quand il se libère des complications du mental et que son cœur est délivré de toute préoccupation insignifiante que l'on peut vraiment l’appeler ‘moine’.

« Quand une tête a été rasée, les petits insectes comme les poux ne peuvent pas s'y loger. De même quand un esprit s'est libéré de ses préoccupations et de ses élucubrations, la souffrance ne peut absolument plus s'y loger. Quand ceci devient votre état d'esprit normal, on peut dire que vous êtes véritablement un moine. »



À quoi ressemble bouddho

Le 31 mars 1978, Luang Pu a été invité à donner un enseignement sur le Dhamma à Bangkok. Lors de son exposé, certaines personnes ont exprimé des doutes quant au sens du mot bouddho4. Luang Pu a eu la bonté de leur répondre :

« Quand vous méditez, ne laissez pas l'esprit s'envoler vers l'extérieur. Ne vous fixez sur aucune connaissance particulière. Quelles que soient les connaissances qui vous viennent de vos lectures ou d'un maître, ne les laissez pas intervenir pour compliquer les choses. Lâchez toutes vos préoccupations et permettez ensuite que toute connaissance vienne de ce qui se passe dans l'esprit. Quand l'esprit sera calme, vous le saurez par vous-même. Mais il faut continuer à méditer beaucoup. Quand le moment sera venu pour que les choses évoluent, elles évolueront d'elles-mêmes.

« Que toute connaissance vienne de votre propre esprit. La connaissance qui arrive à un esprit calme est extrêmement subtile et profonde. Alors, permettez que votre connaissance jaillisse à partir d'un esprit calme et immobile.

« Que votre esprit n'ait qu'une seule préoccupation. Ne le laissez pas s'échapper vers l'extérieur. Qu'il reste tourné sur lui-même, qu'il médite seul. Qu'il soit celui qui répète 'bouddho, bouddho' et ensuite le véritable bouddho apparaîtra dans l'esprit. Alors vous saurez à quoi ressemble bouddho. Voilà tout ce qu'il y a à faire. Ce n'est pas grand-chose... »



Pour ceux qui veulent quelque chose de bon

Au début du mois de septembre 1983, des représentantes de l'Association des Ménagères du Ministère de l'Intérieur dirigée par Mme Juap Jirarote sont venues dans le nord-est pour animer une œuvre de charité. Elles ont profité de l'occasion pour passer au monastère, un soir, à 18h20, et rendre hommage à Luang Pu.

Après l'avoir salué et pris des nouvelles de sa santé, elles ont reçu des amulettes puis, voyant qu'il ne se sentait pas très bien, elles sont vite reparties, à l'exception d'une dame qui s'est attardée. Elle voulait saisir cette rare opportunité pour demander quelque chose à Luang Pu : « J'aimerais quelque chose de bon (euphémisme pour une amulette) de votre part, Luang Pu. »

Luang Pu a dit : « Si vous voulez quelque chose de bon, il faut que vous méditiez. Quand vous méditerez, votre esprit sera en paix, vos paroles et vos actes seront paisibles, vos paroles et vos actes seront bons. En menant ainsi une bonne vie, vous serez naturellement heureuse. »

La dame a répondu : « J'ai beaucoup d'obligations et pas de temps pour méditer. Je suis complètement dévouée à mon travail auprès du gouvernement, comment trouverais-je du temps pour méditer ? »

Luang Pu a répliqué : « Si vous avez le temps de respirer, vous avez le temps de méditer. »



Oui mais non

En 1979, Luang Pu est allé à Chantaburi se reposer et rendre visite à Ajahn Somchai. À cette occasion, un moine de Bangkok – Phra Dhammavaralankan du monastère Wat Buppharam, chef ecclésiastique du sud du pays – était également présent, venu pratiquer la méditation dans son grand âge (il n'avait qu'un an de moins que Luang Pu). Quand il a entendu dire que Luang Pu était un grand méditant, il s'est montré très intéressé et s'est lancé dans une grande conversation sur les effets de la méditation. Il a parlé de ses responsabilités, disant qu'il avait perdu une grande partie de sa vie à faire des études et du travail administratif jusqu'à un âge avancé. Il a discuté plusieurs points de la pratique méditative avec Luang Pu et, finalement, lui a posé cette question : « Vous arrive-t-il encore de ressentir de la colère? »

Luang Pu a répondu spontanément: « Oui, mais je n’en tiens pas compte. »



Être conscient à temps

Quand Luang Pu suivait un traitement à l'hôpital Chulalongkorn de Bangkok, de très nombreuses personnes sont venues lui rendre hommage et l'écouter parler du Dhamma. Mr Bamrungsak Kongsuk faisait partie de ceux qui s'intéressaient à la pratique de la méditation. C'était un disciple d'Ajahn Sanawng de Wat Sanghadana dans la province de Nonthaburi, l'un des centres de méditation stricts de notre époque. Il a abordé le thème de la pratique du Dhamma en demandant : « Luang Pu, comment fait-on pour couper la colère? »

Luang Pu a répondu : « Il n'y a personne qui la coupe. Il faut seulement en être conscient à temps. Quand on en est conscient à temps, elle disparaît toute seule. »



Ne rien laisser passer

De nombreux moines et novices qui veillaient sur Luang Pu, tard le soir, à l'hôpital de Chulalongkorn, étaient perplexes et stupéfaits quand parfois, vers une heure du matin, ils l'entendaient exposer le Dhamma pendant une dizaine de minutes et puis chanter une bénédiction comme s'il s'adressait à de nombreuses personnes en face de lui. Au début, personne n'osait le questionner mais, au bout de plusieurs fois, les moines n'ont pas pu contenir leurs doutes et lui ont posé la question.

Luang Pu leur a répondu : « Ces doutes et ces questions ne sont pas la voie pour pratiquer le Dhamma. »


Bref dans ses mots

Un large groupe de pratiquants du Dhamma conduits par Bunchai Sukhontamat, lieutenant de police et procureur de la province de Buriram, est venu rendre hommage à Luang Pu, écouter le Dhamma et poser des questions sur la façon de progresser davantage dans la pratique. La plupart d’entre eux avaient médité avec tous les grands maîtres qui leur avaient expliqué la pratique de diverses façons, pas toujours cohérentes entre elles, ce qui avait engendré de plus en plus de doutes. Ils ont donc demandé à Luang Pu des conseils sur une manière de pratiquer qui soit à la fois juste et facile car ils avaient aussi du mal à trouver du temps pour méditer. Si seulement on pouvait leur donner une technique vraiment facile, ce serait merveilleux pour eux.

Luang Pu répondit : « Observez l’esprit juste au niveau de l’esprit. »



Simple mais difficile à faire

Le groupe de Duangporn Tharichat de la station de radio Air Force 01 à Bang Syy, conduit par Akhom Thannithate, arriva dans le nord-est pour faire des offrandes et rendre hommage aux maîtres de plusieurs monastères. Quand ils s’arrêtèrent pour voir Luang Pu, ils offrirent leurs présents et reçurent de petits souvenirs. Ensuite, certains allèrent faire des courses au marché, tandis que d’autres cherchèrent un endroit pour se reposer. Cependant, quatre ou cinq personnes restèrent près de Luang Pu et lui demandèrent de leur donner une méthode simple pour se libérer de la détresse émotionnelle et de la dépression dont ils étaient régulièrement victimes. Quelle méthode, demandèrent-ils, donnerait les résultats les plus rapides ? »

Luang Pu répondit : « Ne laissez pas votre esprit s’échapper vers l’extérieur. »



Jetez-le

Après avoir entendu Luang Pu donner un enseignement sur la pratique du Dhamma, une femme enseignante à l’université lui demanda quelle était la façon juste de « porter la souffrance » (expression idiomatique en Thaï pour dire « porter le deuil »).

Elle ajouta : « De nos jours, les gens ne ‘portent pas la souffrance’ comme il faut, selon la tradition pourtant établie par le roi Rama VI au temps de son règne. Quand un membre de la famille proche ou une personne âgée de l’entourage plus lointain décédait, l’usage voulait que l’on ‘porte la souffrance’ pendant sept, cinquante ou cent jours. Mais aujourd’hui les gens ne suivent aucun usage. Voici donc ma question : Quelle est la manière correcte de ‘porter la souffrance’ ? »

Luang Pu répondit : « La souffrance est une chose qui doit être comprise. Quand on la comprend, on la laisse aller. Pourquoi vouloir la porter ? »



Une vérité vraie

Après avoir rendu hommage à Luang Pu, une dame chinoise lui dit : « Je dois déménager dans le district de Prakhonchai, dans la province de Buriram, pour monter un magasin près de l’endroit où vit ma famille. Le problème, c’est que mes parents m’ont recommandé de vendre telles et telles marchandises, persuadés qu’elles se vendraient bien, mais je ne suis pas sûre de ce qui se vendrait bien, alors je suis venue vous demander votre avis pour savoir ce qu’il serait bon que je vende. »

Luang Pu répondit : « Tout est bon à vendre tant qu’il y a des gens pour l’acheter. »



Ce n’était pas son but

Le 8 mai 1979, une dizaine d’officiers de l’armée sont arrivés en fin de journée pour rendre hommage à Luang Pu avant de continuer leur voyage sur Bangkok. Deux d’entre eux avaient le grade de Lieutenant Général. Après avoir conversé un moment avec Luang Pu, les membres du groupe retirèrent les amulettes qu’ils portaient autour du cou et les posèrent sur un plateau pour que Luang Pu les bénisse par la puissance de sa concentration. C’est ce qu’il fit avant de leur rendre leurs amulettes. L’un des généraux lui demanda alors : « J’ai entendu dire que vous aviez fait toutes sortes d’amulettes. Lesquelles sont notoires ? »

Luang Pu répondit : « Aucune n’est notoire. »



Rien en commun

Un groupe de trois ou quatre jeunes gens d’une lointaine province sont venus voir Luang Pu alors qu’il était assis sur le porche de la grande salle. À voir leur comportement, leur façon négligée de s’asseoir et de parler, il était clair que les moines auxquels ils avaient eu affaire jusque-là étaient de type peu scrupuleux. En outre, ils semblaient croire que Luang Pu s’intéressait aux talismans car ils commencèrent à lui parler de tous les grands maîtres tantriques qui leur avaient donné des talismans aux pouvoirs magiques extraordinaires. Ils finirent par sortir leurs talismans et à se les montrer les uns aux autres devant lui. L’un avait une défense de sanglier, un autre un croc de tigre, un autre une corne de rhinocéros. Comme chacun vantait les pouvoirs exceptionnels de son talisman, l’un finit par dire : « Hé, Luang Pu, lequel est vraiment le meilleur et le plus extraordinaire ? »

Luang Pu semblait particulièrement amusé et il répondit en souriant : « Aucun n’est bon, aucun n’a de pouvoirs extraordinaires. Ils viennent tous d’animaux très ordinaires. »



Une seule chose

Un jour, Luang Pu a dit : « Lors de la Retraite des Pluies de 1952, j’ai fait le vœu de lire tout le Canon Pāli pour voir où menaient les enseignements du Bouddha, où se situait la fin des Nobles Vérités, la fin de la souffrance, et voir comment le Bouddha l’avait résumée. J’ai lu le Canon jusqu’au bout, en le méditant tout au long, mais aucun passage ne pénétra suffisamment profondément dans mon esprit pour que je puisse dire avec certitude : ‘Telle est la fin de la souffrance. Telle est la fin de la Voie et de ses fruits, le Nibbāna.’

« Sauf un passage : celui où le Vénérable Sariputta vient d’atteindre la cessation de la souffrance et le Bouddha lui dit : ‘Sariputta, ta peau est particulièrement lumineuse et ton teint particulièrement clair. Où se situe ton esprit ?’ Et Sariputta répond : Mon esprit se trouve dans la vacuité.’

« Voilà la seule chose qui a pénétré dans mon esprit. »



Ce qu’il faut étudier et ce qu’il ne faut pas étudier

Le Vénérable Ajahn Suchin Sucinno avait obtenu, longtemps auparavant, son diplôme de Droit de l’Université Dhammasat et il avait toujours tenu le Dhamma en grande estime. Pendant de nombreuses années, il avait été l’élève de Luang Pu Lui et ensuite, ayant entendu parler de Luang Pu Dune, il était venu pratiquer auprès de lui et avait fini par se faire ordonner moine. Quelque temps plus tard, il a demandé à partir pour pouvoir vagabonder et vivre en solitaire.

Luang Pu lui a donné ce conseil : « Pour ce qui concerne le Vinaya5, tu dois étudier les textes jusqu’à parfaitement comprendre chacune des règles, au point de pouvoir les appliquer sans faute. Quant au Dhamma, si tu lis beaucoup, tu vas spéculer beaucoup, donc ne le lis pas du tout. Absorbe-toi uniquement dans la pratique méditative et cela suffira. »



Ce qu’il faut observer

Luang Ta Naen avait été ordonné très tard. Il ne savait ni lire ni parler un mot de Thaï classique mais il avait d’autres qualités : il était bien intentionné, d’un abord facile et appliqué dans ses tâches, au point qu’on ne pouvait rien lui reprocher. À force de voir des moines partir pour vagabonder en solitaire ou étudier avec d’autres maîtres, il s’est dit qu’il aimerait partir, lui aussi. Il est donc allé voir Luang Pu pour obtenir sa permission. Celui-ci la lui accorda mais, plus tard, le vieil homme s’inquiéta : « Je ne sais pas lire, je ne connais pas d’autre dialecte que le mien. Comment pourrai-je pratiquer avec les autres ? »

Alors, Luang Pu lui donna ce conseil : « La pratique n’est pas une question de lettres de l’alphabet ou de mots parlés. Le fait de savoir que tu ne sais pas est un bon point de départ. Voilà comment il faut pratiquer : dans le domaine du Vinaya, prends exemple sur eux, prends exemple sur le maître, et ne dévie en aucune manière. Dans le domaine du Dhamma, monte la garde juste au niveau de ton esprit. Pratique juste là, au niveau de l’esprit. Quand tu comprendras ton esprit, cela suffira à te faire comprendre tout le reste. »


Problèmes et responsabilités

L’un des problèmes, quand on gère un Sangha6en plus d’avoir à régler toutes les situations plus ou moins graves qui peuvent survenir – c’est la difficulté à trouver un moine qui accepte la charge d’abbé du monastère. On entend parfois des histoires de moines qui se battent pour devenir abbés mais en ce qui concerne les disciples de Luang Pu, il fallait les persuader, parfois même les forcer, pour qu’ils aillent diriger d’autres monastères. Chaque année, sans exception, des groupes de laïcs venaient voir Luang Pu pour lui demander de charger l’un de ses disciples de devenir abbé de leur monastère. Si Luang Pu voyait qu’il serait bon pour un certain moine d’y aller, il le pressait de le faire mais, la plupart du temps, le moine ne le souhaitait pas. L’excuse habituelle était : « Je ne connais rien aux travaux de construction, je ne sais pas former d’autres moines, je ne sais pas donner d’enseignements, je ne suis pas doué pour les relations publiques ni pour accueillir les visiteurs. Voilà pourquoi je ne peux pas accepter. »

Luang Pu répondait : « Ces choses-là ne sont pas indispensables. Ta seule responsabilité est d’accomplir tes devoirs de tous les jours : quêter la nourriture, prendre ton repas, méditer assis et en marchant, entretenir l’espace du monastère et suivre de près les règles du Vinaya. C’est largement suffisant. Quant aux travaux de construction, cela dépend du soutien des laïcs. Qu’ils ajoutent ou pas des constructions au monastère ne dépend que d’eux. »



Plus on est pauvre, mieux c’est

Jusqu’à la fin de sa vie, Luang Pu prenait chaque jour, à 17 heures, un bain dans de l’eau tiède, assisté par un moine ou un novice. Après s’être séché, il se sentait rafraîchi et prononçait souvent quelques mots sur le Dhamma qui lui venaient à l’esprit.

Par exemple, il a dit un jour : « Nous, les moines, si nous établissons en nous un sentiment de satisfaction quant à notre statut de moine, nous ne connaîtrons que le bonheur et la paix. Par contre, si nous avons le statut de moine et que nous aspirons à un autre statut, nous serons tout le temps submergés par la souffrance. Arrêter d’aspirer à autre chose, arrêter de chercher, voilà la véritable façon d’être un moine. Quand on est vraiment un moine, plus on est pauvre, plus on est heureux. »



Moins on possède, mieux c’est

« Même si vous avez lu tout le Canon Pāli et que vous vous souvenez de nombreux enseignements ; même si vous pouvez expliquer le Dhamma de manière touchante et que de nombreuses personnes vous respectent ; même si vous faites construire de nombreux monastères et que vous êtes capables d’expliquer l’impermanence, la souffrance et le non-soi dans les moindres détails, si vous manquez encore d’attention, c’est que vous n’avez même pas commencé à goûter à la saveur des enseignements du Bouddha car toutes ces autres choses sont extérieures. Tous les buts qu’elles servent sont extérieurs : elles profitent à la société, à d’autres gens, à la postérité ou elles sont un symbole de la religion. Mais la seule chose qui serve véritablement votre propre but, c’est la libération de la souffrance.

« Et vous pourrez vous libérer de la souffrance seulement quand vous connaitrez l’esprit unique. »



Ils n’avaient pas pensé à ça

Dans l’un des monastères affiliés à Luang Pu vivaient cinq ou six moines qui souhaitaient être particulièrement stricts dans leur pratique. Un jour, ils ont pris la résolution de ne pas parler pendant les trois mois de la Retraite des Pluies. Autrement dit, pas un mot ne devait sortir de leurs lèvres en dehors des chants quotidiens et de la récitation du Patimokkha tous les quinze jours. À la fin de la Retraite des Pluies, ils sont venus rendre hommage à Luang Pu et lui ont parlé de cette résolution qu’ils avaient pu tenir : en plus de toutes leurs fonctions, ils avaient réussi à ne pas parler pendant ces trois mois.

Luang Pu a eu un petit sourire puis il a dit : « Ce n’est pas mal. Quand on ne parle pas, on ne risque pas de commettre de fautes par la parole. Mais quand vous dites que vous avez arrêté de parler, c’est tout simplement impossible. Seuls les Nobles Éveillés qui ont atteint la finesse de la libération ultime où cessent la perception et la sensation sont capables d’arrêter de parler. Tous les autres parlent à longueur de temps, de jour comme de nuit. Et c’est d’autant plus vrai pour ceux qui ont pris la résolution de ne pas parler. Ils parlent plus que quiconque ; simplement ils ne font pas de bruit et les autres ne les entendent pas. »



N’allez pas dans la mauvaise direction

En plus des paroles de sagesse qui lui venaient spontanément du cœur, Luang Pu citait parfois des passages du Canon Pāli. Quand il estimait qu’un enseignement était important et pouvait servir de leçon brève et directe pour la pratique, il nous le répétait. Voici, par exemple, une des phrases du Bouddha qu’il aimait citer : « Moines, on ne choisit pas de mener une vie de pratique pour tromper le monde, gagner le respect des autres, faire de l’argent, obtenir offrandes et gloire, pas plus que pour fustiger d’autres voies religieuses. Cette vie sainte est menée par amour de la simplicité, du renoncement, du détachement et pour la cessation de la souffrance. »

Et Luang Pu ajoutait : « Ceux qui se font ordonner et ceux qui pratiquent doivent aller dans cette direction. Toutes les autres directions sont impropres. »



Selon les paroles du Bouddha

Luang Pu a dit un jour : « Tant qu’ils n’ont pas compris la pratique, les gens, ont leur fierté et leurs opinions. Tant qu’ils ont leur fierté, il leur est difficile de s’entendre entre eux. Quand leurs opinions divergent, ils se querellent et se disputent. Par contre, un Être Noble qui a réalisé le Dhamma n’a rien qui pourrait l’amener à se quereller avec quiconque. Quelle que soit la façon dont les autres voient les choses, il considère que ce sont leurs affaires. Comme l’a dit le Bouddha : ‘Moines, quand les sages de ce monde disent qu’une chose existe, moi aussi je dis qu’elle existe. Quand les sages de ce monde disent qu’une chose n’existe pas, moi aussi je dis qu’elle n’existe pas. Je ne me querelle pas avec le monde ; c’est le monde qui me cherche querelle’. »



Ceux qui ne commettent aucune faute par la parole

Le 21 février 1983, tandis que Luang Pu était gravement malade à l’hôpital Chulalongkorn de Bangkok, Luang Pu Sam Akiñcano vint lui rendre visite. À ce moment-là, Luang Pu se reposait. Luang Pu Sam s’est assis près de lui et a levé les mains en signe de respect. Luang Pu lui a répondu en levant les mains en signe de respect. Et puis ils sont tous deux restés assis là, parfaitement immobiles, pendant un long moment. Finalement, après un très long moment, Luang Pu Sam a de nouveau levé les mains en signe de respect et a dit : « Je vais partir, maintenant. »

« D’accord », a répondu Luang Pu.

Pendant les deux heures qu’ils avaient passées ensemble, ce furent les seuls mots que je les ai entendu dire. Après le départ de Luang Pu Sam, je n’ai pas pu m’empêcher de demander à Luang Pu : « Luang Pu Sam est venu et il est resté assis ici pendant longtemps. Pourquoi ne lui avez-vous rien dit ? »

Luang Pu a répondu : « Le travail est fini. Il n’y a plus besoin d’ajouter quoi que ce soit. »



La vertu de l’endurance

Tout au long des années que j’ai passées auprès de Luang Pu, je ne l’ai jamais vu montrer que quelque chose l’ennuyait à en être insupportable et je ne l’ai jamais entendu se plaindre de la moindre difficulté. Par exemple, quand il était invité quelque part et qu’il se trouvait être le plus ancien des moines, il ne créait jamais de difficultés, n’exigeait jamais que ses hôtes changent quoi que ce soit pour lui. Quand il devait rester assis très longtemps ou que le temps était particulièrement chaud et humide, il ne se plaignait jamais. Quand il était malade et qu’il souffrait ou si son repas arrivait en retard, même s’il avait très faim, il ne grognait jamais. Si la nourriture était fade et insipide, il ne demandait jamais de condiment pour lui donner plus de goût. Par contre, s’il voyait un autre moine qui avait de l’ancienneté et qui faisait des histoires pour obtenir un traitement de faveur, il disait :

« Vous ne pouvez pas supporter ce petit inconvénient ? Si vous ne pouvez pas supporter cela, comment allez-vous vaincre les kilesa et le désir ? »



Aucun problème causé par ses paroles

Luang Pu était pur dans ses paroles car il ne disait que ce qui était utile. Ses paroles ne causaient jamais de problème, que ce soit pour lui-même ou pour les autres. Même quand les gens essayaient de l’inciter à critiquer les autres, il ne mordait pas à l’hameçon.

Souvent les gens venaient le voir pour lui dire : « Luang Pu, comment se fait-il que certains de nos moines connus dans tout le pays aiment attaquer les autres, dénoncer la société ou critiquer d’autres moines ? Même si on me payait, je ne pourrais pas respecter ce genre de moines. »

À quoi Luang Pu répondait : « C’est là qu’ils en sont sur le plan de la connaissance et de la compréhension. Ils disent ce qui leur vient le plus facilement à l’esprit, compte tenu de leur niveau de connaissance. Personne ne va vous payer pour que vous les respectiez. Si vous ne voulez pas les respecter, ne les respectez pas. Ils s’en moqueront, probablement. »



Des moines qui persécutent les esprits

En général, Luang Pu encourageait volontiers les moines et les novices à s’intéresser tout particulièrement à la pratique de tudong qui consiste à marcher et méditer dans la forêt tout en observant certaines pratiques ascétiques autorisées par le Bouddha. Un jour, alors qu’un grand nombre de ses disciples de plus ou moins longue date s’étaient réunis autour de lui, il les a encouragés à rechercher la solitude dans la nature, à vivre en haut d’une montagne ou dans des grottes pour faire avancer leur pratique. Ils pourraient ainsi se libérer de leurs états d’esprit les plus négatifs. L’un des moines dit alors, sans réfléchir : « Je n’ose pas aller dans ces lieux, Vénérable. J’ai peur que les esprits me persécutent. »

Luang Pu rétorqua vivement : « Où y a-t-il jamais eu des esprits qui persécutaient des moines ? Il n’y a que des moines qui persécutent des esprits – et, en plus, ils font ça très bien ! Réfléchissez un peu. Presque tous les dons matériels que les laïcs font au monastère ont pour but d’en dédier le mérite à l’esprit de leurs ancêtres décédés : parents, grands-parents, frères et sœurs. Et nous, les moines, nous comportons-nous correctement ? Quelles vertus avons-nous dont nous pourrions dédier le mérite à ces esprits ? Attention à ne pas devenir un moine qui persécute les esprits ! »



Bien joli mais…

De nos jours, beaucoup de méditants s’enflamment pour de nouveaux enseignants ou de nouveaux centres de méditation. Tout comme les exaltés du loto s’enflamment pour des moines censés prédire les numéros gagnants ou les exaltés des amulettes s’enflamment pour des moines censés fabriquer de puissants porte-bonheur, les exaltés de Vipassana s’enflamment pour des enseignants de Vipassana. Quand ils sont vraiment enthousiasmés par un maître, beaucoup d’entre eux vont chanter ses louanges à la ronde et essayer de persuader tout le monde de partager leur opinion et leur respect pour ce maître. De plus, à notre époque en particulier, il y a de célèbres enseignants du Dhamma qui enregistrent leurs enseignements et les vendent dans tout le pays. Un jour, une femme a apporté plusieurs cassettes des discours d’un célèbre orateur pour les faire écouter à Luang Pu mais il les a laissées de côté. L’une des raisons, c’est que, de toute sa vie, il n’avait jamais eu de radio ou de magnétophone et, même s’il en avait eu un, il n’aurait pas su le mettre en marche. Plus tard, une femme a apporté un magnétophone et a fait écouter plusieurs de ces cassettes à Luang Pu. Ensuite, elle lui a demandé ce qu’il en pensait.

Il a répondu : « Quand on écoute un enseignement, on doit pouvoir y trouver la saveur de l’étude, de la pratique et de la réalisation. C’est alors que l’on sent la substance. »



Les méditants qui doutent

À notre époque, beaucoup de gens qui s’intéressent à la pratique de la méditation sont dans la plus extrême confusion et ne savent pas du tout comment s’y prendre pour méditer correctement. C’est particulièrement vrai pour les gens qui débutent dans la pratique parce que les enseignants de méditation donnent souvent des conseils contradictoires. Pire encore, au lieu d’expliquer les choses de manière simple et objective, ces enseignants rechignent à reconnaître que d’autres maîtres ou d’autres méthodes de pratique peuvent aussi convenir. En fait, nombreux sont ceux qui montrent un réel mépris pour tout ce qui ne vient pas d’eux.

Comme de nombreuses personnes pleines de doutes venaient souvent voir Luang Pu pour lui demander conseil, je l’ai fréquemment entendu expliquer les choses ainsi :

« Quand on commence à pratiquer la méditation, on peut utiliser n’importe quelle méthode parce qu’elles mènent toutes aux mêmes résultats. S’il y a tellement de façons de faire, c’est parce que les gens sont tous différents. Pour certains, il est bon d’avoir des images sur lesquelles focaliser leur attention, pour d’autres ce sera un mot à répéter, comme bouddho ou araham. Ce sont des techniques qui permettent de donner à l’esprit un point sur lequel se poser et s’ancrer – c’est la première étape. Quand l’esprit s’est stabilisé, qu’il est immobile, l’objet de méditation tombe de lui-même. C’est pourquoi toute méthode relève de la même catégorie, a la même saveur. Autrement dit, ce qui va permettre de la dépasser, c’est la sagesse et son essence est la libération. »



Garder l’esprit au-dessus de tout

Tous ceux qui sont venus rendre hommage à Luang Pu disaient la même chose : même âgé de presque cent ans, son teint était clair et sa santé solide. Ceux d’entre nous qui ont toujours vécu près de lui ont rarement vu son visage s’assombrir, paraître fatigué ou se crisper de mécontentement ou de douleur. Son état normal était d’être paisible et joyeux en toutes circonstances. Il était rarement malade et on le trouvait toujours de bonne humeur, jamais perturbé par les situations ni touché par les louanges ou les critiques.

Un jour, au milieu d’un groupe de moines méditants avancés qui parlaient et se demandaient comment caractériser l’état normal de ceux qui vivent au-delà de la souffrance, Luang Pu a déclaré : « Là où il n’y a aucun souci ni aucun attachement. Voilà où demeure l’esprit de ceux qui pratiquent. »



À la recherche de nouveaux maîtres

Aujourd’hui, les gens qui pratiquent le Dhamma sont de deux types. Les premiers sont ceux qui, après avoir appris les principes de la pratique ou reçu les conseils d’un maître s’engagent sur la voie et la suivent avec détermination au maximum de leurs capacités. Les autres sont ceux qui, malgré les bons conseils de leur maître et une bonne technique de méditation, ne s’engagent pas sincèrement. D’une part, leur pratique est nonchalante et, d’autre part, ils ont plaisir à chercher d’autres maîtres dans d’autres lieux. Chaque fois qu’ils entendent dire qu’il y a un bon centre de méditation, ils y vont. Les méditants de ce type sont nombreux.

Un jour, Luang Pu a donné ce conseil à ses disciples : « Quand on va dans beaucoup de lieux différents et que l’on étudie avec beaucoup de maîtres différents, la pratique ne progresse pas car c’est comme si on recommençait à zéro à chaque fois. On ne parvient pas à asseoir des principes sûrs et il arrive que l’on soit dans le doute et la consternation. L’esprit n’a aucune stabilité. La pratique dégénère et n’avance pas. »



Saisir la connaissance ou la mettre de côté ?

Les étudiants et les pratiquants du Dhamma sont de deux sortes. Les premiers étudient et pratiquent vraiment pour atteindre la libération de la souffrance. Les seconds étudient et pratiquent pour se vanter de leurs succès et passer leur temps à argumenter ; ils croient que mémoriser beaucoup de textes ou pouvoir citer de nombreux maîtres est une marque de leur importance. À de nombreuses occasions, quand des gens de cette sorte venaient voir Luang Pu, au lieu de lui demander conseil sur la façon de pratiquer, ils étalaient leurs connaissances et leurs opinions pour qu’il les entende dans le détail. Pourtant, il restait toujours assis à les écouter.

En fait, quand ils avaient fini de parler, il ajoutait un commentaire aux leurs : « Ceux qui sont obsédés par les Écritures et les maîtres ne parviendront pas à se libérer de la souffrance. Pourtant, il est vrai que ceux qui veulent se libérer de la souffrance doivent nécessairement s’appuyer sur les Écritures et sur les maîtres. »



Quand l’esprit refuse de se calmer

Dans la pratique de la concentration, il est certain que chacun progresse à un rythme différent. Certains obtiennent des résultats très rapidement, d’autres lentement. Il y en a même qui semblent ne jamais goûter à la saveur de la tranquillité de l’esprit. Pourtant, ils ne doivent pas se décourager. Le simple fait de fournir un effort au niveau du cœur est, en soi, une forme de mérite et de talent supérieure aux offrandes ou à l’observation des préceptes. Nombre des disciples de Luang Pu lui disaient : « J’essaie de pratiquer la concentration depuis longtemps mais mon esprit ne s’apaise jamais. Il ne cesse de s’évader vers l’extérieur. Y a-t-il une autre manière de pratiquer qui pourrait me convenir ? »

Luang Pu recommandait parfois cette autre méthode : « Quand l’esprit n’est pas calme, vous pouvez au moins faire en sorte qu’il ne s’éloigne pas trop. Utilisez votre attention pour la tourner uniquement vers le corps. Observez-le et voyez qu’il est constamment changeant, source d’insatisfaction et qu’il n’est pas ‘vous’. Développez ce regard qui perçoit le corps comme déplaisant et sans aucune substance réelle, personnelle. Quand l’esprit voit les choses clairement ainsi, apparaît un sentiment de consternation, de désillusion et de détachement. Voilà une autre façon de trancher les agrégats d’attachement. »



Le réel fondement du Dhamma

Il y a une question que les méditants adorent se poser entre eux : « Que vois-tu quand tu t’assois en méditation ? Qu’est-ce qui t’apparaît quand tu médites ? » Ou bien ils se plaignent d’avoir médité pendant longtemps sans que rien ne leur soit apparu. Ou encore, ils racontent qu’ils ont toujours la même vision qui se présente à eux. De ce fait, certaines personnes se méprennent sur la pratique et pensent que, lorsqu’on médite, on parvient à voir ce que l’on veut voir.

Luang Pu mettait ces personnes en garde: une telle aspiration est erronée car le but de la méditation est de pénétrer dans le réel fondement du Dhamma.

« Le réel fondement du Dhamma est l’esprit ; alors, concentrez-vous sur l’observation de l’esprit. Faites en sorte de comprendre votre propre esprit de tout votre cœur. Quand vous comprenez votre esprit de tout votre cœur, vous touchez, juste là, le réel fondement du Dhamma. »



Un avertissement pour ne pas être négligent

Pour éviter que ses moines et ses novices ne se comportent négligemment, sans attention, Luang Pu avait une manière très directe de les réprimander :

« Les laïcs travaillent dur pour gagner leur vie, traversent de nombreuses difficultés pour obtenir les biens matériels, la nourriture et l’argent dont ils ont besoin pour entretenir leur famille, leurs enfants et leurs petits-enfants. Quel que soit leur degré de fatigue ou d’épuisement, il faut qu’ils continuent à se battre. En même temps, ils veulent gagner du mérite et c’est pour cette raison qu’ils sacrifient une partie de leurs possessions et qu’ils se lèvent tôt le matin pour préparer de la nourriture qu’ils mettront dans nos bols. Avant de la mettre dans nos bols, ils la portent à leur front et font un vœu ; après l’avoir mise dans le bol, ils reculent, s’accroupissent et portent à nouveau leurs mains jointes au front en signe de respect. Ils agissent ainsi parce qu’ils espèrent gagner du mérite en soutenant notre pratique.

« Et quel mérite y a-t-il dans notre pratique que nous puissions leur offrir ? Vous êtes-vous comporté assez bien pour mériter leur nourriture et la manger ? »



Il pouvait être dur, parfois

Ajahn Samret avait été ordonné quand il était encore enfant et il était resté moine jusqu’à presque soixante ans. Il avait enseigné la méditation, était strict dans sa pratique, de bonne réputation et respecté par beaucoup… mais il n’était pas arrivé au bout de la voie. Son état d’esprit s’était détérioré quand il était tombé amoureux de la fille de l’un de ses disciples. Il alla donc prendre congé de Luang Pu pour qu’il l’autorise à quitter la communauté monastique et à se marier.

Tout le monde était sous le choc et avait du mal à le croire car, à le voir pratiquer, on pensait qu’il resterait dans la vie contemplative jusqu’à la fin de ses jours. Si la nouvelle était vraie, ce serait un coup terrible pour tous les méditants. C’est pourquoi les moines plus anciens et ses propres disciples firent tout leur possible pour le dissuader de partir. Quant à Luang Pu, il le fit appeler et essaya de le détourner de ses projets mais sans résultat. Finalement Ajahn Samret lui dit : « Je ne peux pas rester. Chaque fois que je m’assois en méditation, je vois son visage flotter devant moi. »

Luang Pu rétorqua vertement : « C’est parce que tu ne médites pas sur ton esprit comme tu le devrais. Tu médites sur son derrière. Alors, bien sûr que tu vas continuer à voir son derrière. Sors d’ici ! Tu es libre de partir où tu veux. »



Jamais égaré

J’ai vécu avec Luang Pu pendant plus de trente ans, je l’ai servi jusqu’à son dernier jour et j’ai pu constater que sa vie était rigoureusement en harmonie avec le Dhamma et le Vinaya, en harmonie avec la Voie qui mène uniquement à la libération de la souffrance. Il ne s’est jamais égaré dans des pouvoirs magiques, des talismans sacrés ou autres activités douteuses de ce genre, pas le moins du monde.

Quand les gens lui demandaient de les bénir en leur soufflant sur la tête, il répliquait : « Pourquoi souffler sur votre tête ? » Quand ils lui demandaient de dessiner un porte-bonheur sur leur voiture, il rétorquait : « Pourquoi dessiner un porte-bonheur ? » Quand on lui demandait quel serait le jour ou le mois favorable pour une certaine activité, il répondait : « Tous les jours sont bons. » Ou bien, s’il mâchait du bétel et que quelqu’un réclamait les restes qu’il avait mâchés, il disait : « Mais pourquoi voudriez-vous cela ? C’est sale. »



Un simple geste

Il y a eu des fois où je me suis senti mal à l’aise, craignant d’avoir mal agi en intercédant en faveur de personnes qui essayaient de persuader Luang Pu de faire des choses qu’il n’avait pas envie de faire. La première fois, c’est quand il a participé aux cérémonies d’ouverture du musée d’Ajahn Mun au monastère Wat Pa Sutthavat de Sakon Nakhorn. Il y avait de nombreux maîtres de méditation et beaucoup de laïcs qui allaient vers les maîtres pour leur rendre hommage et leur demander des bénédictions. Plusieurs personnes ont demandé à Luang Pu de leur souffler sur la tête7 mais il restait assis là, sans réagir, alors je suis intervenu : « Je vous en prie, Vénérable. Faites-le et puis c’est tout. » Alors, il leur a soufflé sur la tête.

Parfois, quand il n’arrivait pas à se dépêtrer de ce genre de requêtes, il dessinait aussi des porte-bonheur sur la voiture des gens. Quand il en a eu assez de leur demande d’amulettes, il a permis que l’on fasse des amulettes en son nom. Et quand il avait pitié d’eux, il allumait «  la bougie de la victoire » lors des rituels chantés et participait à une cérémonie de consécration des amulettes.

Mais ensuite, j’ai été très soulagé quand Luang Pu a dit : « Je fais cela simplement comme un geste physique extérieur en accord avec les habitudes sociales. Ce n’est pas un geste de l’esprit qui entraîne des états de devenir, des niveaux d’être ou qui mène à la Voie, à ses fruits et au Nibbāna – absolument pas. »



Saisissez l’occasion

« Les 84.000 sections du Dhamma sont simplement des stratégies pour pousser les gens à tourner le regard vers l’esprit. Les enseignements du Bouddha sont nombreux parce que les pollutions mentales des gens sont nombreuses. Mais il n’y a qu’une seule manière de mettre fin à la souffrance : le Nibbāna. Cette occasion que nous avons de pratiquer le Dhamma est très rare. Si nous la laissons passer, nous n’aurons aucune chance d’être libérés de la souffrance dans cette vie et nous serons obligés de nous perdre dans une vision erronée du monde pendant très, très longtemps avant de pouvoir retrouver ce même Dhamma un jour. Alors, maintenant que nous avons accès aux enseignements du Bouddha, nous devrions nous dépêcher de pratiquer pour trouver la libération. Autrement, nous passerons à côté de cette excellente occasion. Quand les nobles vérités sont oubliées, l’ombre enferme les êtres dans une masse de souffrance pendant très longtemps. »



Les limites de la science

À de nombreuses reprises Luang Pu a enseigné le Dhamma en usant de comparaisons.

Une fois, il a dit : « La sagesse extérieure est la sagesse des suppositions. Elle ne peut pas éveiller l’esprit au Nibbāna. Il faut s’appuyer sur la sagesse du Noble Sentier si l’on veut entrer dans le Nibbāna. La connaissance des scientifiques comme Einstein est bien informée et très capable. Elle permet de fractionner le plus petit atome et d’entrer dans la quatrième dimension. Cependant, Einstein n’avait aucune idée de ce qu’est le Nibbāna et c’est pourquoi il ne l’a pas trouvé.

« Seul l’esprit qui a été éveillé dans le Noble Sentier peut mener à l’Éveil authentique, l’Éveil complet, l’Éveil total. C’est la seule façon d’atteindre la fin de la souffrance, le Nibbāna. »



Comment faire cesser la souffrance

En 1977, de nombreux événements désagréables ont accablé les principaux officiers du Ministère de l’Intérieur : ils ont perdu leur fortune et leur position sociale, ils ont été vilipendé et en ont souffert. Et, bien entendu, la douleur et le chagrin ont également atteint leurs épouses et leurs enfants. Un jour, certaines de ces épouses sont venues rendre hommage à Luang Pu et lui ont parlé de leurs souffrances pour qu’il les conseille sur la façon de s’en libérer.

Il leur a dit : « Il ne faut pas éprouver tristesse ou regrets à propos de choses extérieures au corps qui sont passées et ont disparu car ces choses ont parfaitement rempli leur fonction jusqu’au bout. »



La vérité est toujours la même

Beaucoup de gens instruits disaient que les enseignements de Luang Pu étaient très proches de ceux du Zen ou du Soutra de l’Estrade8. Je lui ai très souvent posé des questions à ce propos et, finalement, il m’a répondu de manière impersonnelle :

« Toutes les vérités du Dhamma sont présentes dans le monde. Quand le Bouddha s’est éveillé à ces vérités, il les a extraites pour les enseigner aux êtres du monde. Or, comme ces êtres avaient des dispositions différentes – grossières ou raffinées – il a dû utiliser beaucoup de mots : 84.000 sections de Dhamma en tout. Quand des sages essaient de sélectionner les mots les plus justes pour exprimer la vérité pour ceux qui souhaitent atteindre la vérité, ils doivent utiliser les méthodes de la vérité qui, à la réflexion, sont les plus correctes et les plus complètes, sans le moins du monde se préoccuper des mots ni se fixer sur les lettres des textes. »



Raffiné

Ajahn Bate du monastère de forêt Khoke Mawn est venu parler avec Luang Pu de la pratique de la concentration. Il a dit : « Je pratique la concentration depuis longtemps, au point d’être capable d’entrer dans une absorption méditative (appana samadhi) pendant de longues périodes. Quand je sors de cet état, il arrive que je me sente merveilleusement bien, des heures durant. Parfois, c’est comme s’il y avait une lumière brillante et j’ai une totale compréhension de la nature du corps. Y a-t-il autre chose que je doive faire ensuite ? »

Luang Pu a répondu : « Utilisez la force de cette concentration pour examiner l’esprit. Ensuite lâchez toute préoccupation pour qu’il ne reste rien du tout. »



Vacuité

Plus tard, Ajahn Bate est revenu, accompagné de deux autres moines et d’un grand nombre de laïcs qui voulaient rendre hommage à Luang Pu. Après que celui-ci leur ait donné des instructions pour pratiquer la méditation, Ajahn Bate a posé de nouvelles questions à Luang Pu à propos des conseils qu’il avait reçus lors de sa précédente visite. « Je ne peux lâcher les pensées que momentanément, dit-il. Je ne peux pas maintenir cet état très longtemps. »

Luang Pu a répondu : « Même si vous réussissez à lâcher toutes les pensées pendant un instant, si vous n’observez pas vraiment correctement l’esprit ou si votre attention n’est pas totale, il est possible que vous ayez seulement lâché les pensées les plus évidentes pour vous poser sur une pensée plus subtile, moins évidente. Vous devez donc arrêter toutes les pensées et laisser l’esprit se poser sur la vacuité. »



Pas si clair que cela

Quelqu’un a dit : « J’ai lu un passage de votre biographie où il est dit que, lors de vos pérégrinations, vous êtes parvenu à comprendre comment l’esprit crée les kilesa (poisons mentaux) et comment, à leur tour, les kilesa créent l’esprit. Qu’est-ce que cela signifie ? »

Luang Pu a répondu : « Quand on dit que l’esprit crée des kilesa, cela veut dire qu’il nous pousse à manifester des pensées, des paroles et des actes qui seront bons ou mauvais et qui auront des conséquences karmiques. Ensuite nous allons nous en saisir en pensant : ‘C’est moi. Je suis cela. Ceci est à moi et cela est à eux.’ 

« Et quand on dit que les kilesa créent l’esprit, cela signifie que les choses extérieures arrivent à l’esprit et tentent de le façonner de toute leur force, de sorte qu’il s’accroche à l’idée qu’il a un ‘moi’ et croit à des choses qui le maintiennent éloigné de la vérité. »



Connaissance qui vient de l’étude et connaissance qui vient de la pratique

Quelqu’un a dit à Luang Pu : « À partir de livres et en suivant divers maîtres, j’ai mémorisé de nombreux enseignements à propos de la vertu, la concentration et la sagesse. Sont-ils fondamentalement en accord avec votre vision des choses ? »

Luang Pu a répondu : « La vertu, c’est l’état naturel de l’esprit libre de toute faute, l’esprit qui s’est protégé contre toute possibilité de mal agir. La concentration, c’est la conséquence naturelle de ce comportement vertueux ; l’esprit est ferme et sa stabilité lui donne la force nécessaire pour passer à l’étape suivante. La sagesse – ‘ce qui sait’ –, c’est un esprit libre, léger et détendu qui voit les choses clairement, telles qu’elles sont vraiment, jusque dans les moindres détails. La libération, c’est un esprit qui entre dans la vacuité à partir de cette vacuité. Autrement dit, il lâche le bien-être et il ne reste alors qu’un état où il n’est rien, où il n’a rien, où il ne reste absolument aucune pensée. »



Stratégie pour se défaire de l’attachement

Quelqu’un a dit : « Quand j’arrive à calmer mon esprit, j’essaie de le maintenir fermement dans ce calme mais, dès qu’il entre en contact avec une pensée ou une préoccupation, il perd cette stabilité que j’essayais de protéger. »

Luang Pu a répondu : « Dans ce cas, cela prouve que votre concentration n’est pas assez résistante. Si ces préoccupations sont particulièrement lourdes – et surtout si elles concernent vos points faibles – vous devez utiliser les techniques de vision pénétrante. Commencez par la contemplation du plus grossier des phénomènes naturels, le corps, en l’analysant dans ses moindres détails. Quand tout sera parfaitement clair, continuez en contemplant les phénomènes mentaux, n’importe lesquels, deux par deux, comme noir et blanc, sombre et clair, etc. »



À propos de la nourriture

Un groupe de moines est venu rendre hommage à Luang Pu avant la Retraite des Pluies, et l’un d’eux a déclaré : « Je médite depuis longtemps et j’ai atteint un certain degré de paix mais j’ai un problème avec la viande. Le simple fait de regarder un plat de viande me fait aussitôt penser à l’animal dont c’est la chair et je suis désolé quand je pense à cet animal dont la vie a été sacrifiée simplement pour que je m’en nourrisse. J’ai l’impression de vraiment manquer de compassion. Et quand je commence à y penser, j’ai du mal à trouver la paix de l’esprit.

Luang Pu a répondu : « Quand un moine fait usage de l’une des Quatre Nécessités9, il doit commencer par méditer dessus. S’il ressort de cette contemplation que le fait de manger de la viande est une forme d’oppression et exprime un manque de compassion envers les animaux, il doit s’abstenir de manger de la viande et se limiter à une nourriture végétarienne. »



Autres paroles sur la nourriture

Trois ou quatre mois plus tard, le même groupe de moines est revenu rendre hommage à Luang Pu après la Retraite des Pluies. Ils ont dit : « Nous nous sommes limités à une nourriture végétarienne pendant toute la retraite, mais cela a été très difficile. Les villageois de Khoke Klang, dans le district de Prasat, ne connaissaient rien à la nourriture végétarienne. Nous avons eu du mal à en trouver et nous avons causé du souci aux personnes qui voulaient bien remplir nos bols. De plus, certains moines se sont affaiblis et d’autres ont eu du mal à aller jusqu’au bout de la retraite. Finalement, nous n’avons pas pu consacrer autant d’effort à la méditation que nous l’aurions dû. »

Luang Pu a répondu : « Quand un moine fait usage des Quatre Nécessités, il doit commencer par méditer dessus. Si, lors de cette contemplation il voit que la nourriture devant lui – qu’il s’agisse de légumes, de viande, de poisson ou de riz – est pure des trois manières, c’est-à-dire qu’il n’a pas vu, entendu dire ou suspecté qu’un animal a été tué spécifiquement pour le nourrir, qu’il a obtenu cette nourriture honnêtement et que les personnes qui la lui ont offerte étaient motivées par la foi, il devrait simplement manger cette nourriture. C’est ainsi que nos maîtres ont eux-mêmes pratiqué. »



Toujours à propos de la nourriture

Le deuxième jour de la lune décroissante du troisième mois de 1979, Luang Pu séjournait au monastère de forêt de Prakhonchai. Après vingt heures, un groupe de moines qui aimaient voyager et qui s’arrêtaient généralement à proximité de zones populeuses, est arrivé au monastère pour y passer la nuit. Après avoir salué Luang Pu, ils ont abordé un sujet qui selon eux, était l’aspect le plus marquant de leur pratique : « Ceux qui mangent de la viande encouragent l’abattage des animaux. Ceux qui ne mangent que des légumes font preuve d’un haut niveau de compassion. La preuve en est, quand on devient végétarien, l’esprit est plus paisible et calme. »

Luang Pu a répondu : « C’est très bien. Le fait que vous puissiez être végétariens est très bien et je tiens à vous exprimer mon admiration. Quant à ceux qui mangent encore de la viande, si cette viande est pure de trois manières – s’ils n’ont pas vu, entendu dire ou suspecté qu’un animal a été tué spécifiquement pour les nourrir – et s’ils l’ont obtenu honnêtement, dans ce cas le fait de manger de la viande ne s’oppose pas au Dhamma ni au Vinaya. Mais quand vous dites que votre esprit s’apaise et se calme, il s’agit de la force qui résulte de la ferme intention de pratiquer correctement en harmonie avec le Dhamma et le Vinaya. Cela n’a rien à voir avec la nourriture récente ou passée qui est dans votre estomac. »



Pratiques de marchands et pratique du Dhamma

Un groupe de marchands a dit : « En tant que marchands, nous avons des règles à suivre. Cela signifie que parfois, nous devons exagérer les choses ou faire des profits excessifs mais nous sommes très intéressés par la pratique de la concentration et nous avons déjà commencé. Mais certaines personnes nous ont dit que notre façon de gagner notre vie ne nous permet pas de pratiquer la méditation. Qu’en dites-vous, Luang Pu ? Ils disent que vendre pour faire des bénéfices est mal. »

Luang Pu a répondu : « Pour survivre, chacun doit avoir une activité et toute activité a ses propres normes quant à ce qui est juste et approprié. Si vous suivez ces normes correctement, c’est considéré comme neutre : ni méritoire ni mal. Quant à pratiquer le Dhamma, c’est quelque chose que vous devez faire car seuls ceux qui pratiquent le Dhamma sont aptes à travailler en toutes circonstances. »



Souvenirs enterrés

Un jour, alors que Luang Pu séjournait au monastère de forêt de Yothaprasit, un grand nombre de moines et de novices sont venus lui rendre hommage. Ils ont écouté son enseignement et ensuite Luang Ta Ploi – qui avait été ordonné sur le tard mais qui avait une bonne pratique – a dit à Luang Pu : « Je suis moine depuis pas mal de temps maintenant mais je n’arrive toujours pas à couper mes attachements au passé. J’ai beau essayer de fixer mon esprit sur le présent, mon attention se relâche et je dérape à nouveau. Pourriez-vous m’enseigner une autre méthode pour arrêter ce genre de chose ? »

Luang Pu a répondu : « Ne laisse pas l’esprit courir derrière des préoccupations extérieures. Si ton attention se relâche, dès que tu t’en aperçois, ramène-la. Ne la laisse pas partir vers des pensées bonnes ou mauvaises, agréables ou douloureuses. Ne te laisse pas embarquer par elles mais n’utilise pas non plus la force pour les trancher. »



À sa manière

Dans le courant de l’année 1977, Luang Pu fut invité à une célébration au monastère Dhammamongkon, rue Sukhumvit à Bangkok. Pendant la cérémonie, on lui a demandé de « s’asseoir en protection » pour consacrer des représentations du Bouddha et des amulettes. Après la cérémonie, il est sorti se reposer dans une petite cabane où il a parlé avec un grand nombre de ses disciples moines qui étudiaient à Bangkok à ce moment-là. L’un d’eux a fait remarquer qu’il n’avait jamais vu Luang Pu participer à une cérémonie de ce genre et il se demandait si c’était la première fois. Et puis il a demandé comment on fait pour s’asseoir « en protection ».

Luang Pu a répondu : « Je n’ai pas la moindre idée de ce que font les autres ajahns quand ils s’assoient ‘en protection’ ou ‘en bénédiction’. En ce qui me concerne, je m’assois simplement en concentration à ma manière habituelle. »



« Je veux réussir dans mes études »

Une jeune fille a dit un jour à Luang Pu : « J’ai entendu Luang Por Sorasak Kawngsuk dire que si on veut être intelligent et réussir dans ses études, on doit commencer par pratiquer la méditation assise pour apprendre à concentrer l’esprit dans le calme. Je veux être intelligente et réussir dans mes études, alors j’ai essayé de méditer et de calmer mon esprit mais il n’a jamais voulu se calmer. Il m’arrive même d’être encore plus agitée qu’avant. Si mon esprit refuse de s’apaiser ainsi, comment puis-je réussir dans mes études ? »

Luang Pu a répondu : « Concentre-toi simplement pour savoir ce que tu es en train d’étudier et ce sera suffisant pour t’aider à réussir dans tes études. Quand l’esprit n’est pas calme, fais en sorte qu’il sache qu’il n’est pas calme. C’est parce que tu veux tellement qu’il soit calme qu’il ne l’est pas. Continue à méditer tranquillement et le jour viendra où ton esprit se calmera comme tu le souhaites. »



Le but de l’errance

Après la Retraite des Pluies, certains moines et novices aiment partir en groupe pour errer dans différents endroits. Ils font toute une histoire pour préparer les choses qui leur sont nécessaires et les accessoires du dhutanga10. Mais beaucoup d’entre eux partent dans un esprit qui n’est pas celui de l’errance où l’on est censé rechercher des conditions d’isolement pour mieux pratiquer. Par exemple, certains transportent leurs accessoires de dhutanga dans des cars à air conditionné, tandis que d’autres vont rendre visite à leurs vieux amis qui travaillent dans des bureaux.

C’est pourquoi Luang Pu a dit un jour, au milieu d’un rassemblement de moines méditants : « Faire en sorte d’être un ‘beau’ moine errant n’est pas du tout convenable. Cela va à l’encontre du but même de l’errance des moines. Chacun de vous doit réfléchir longuement sur le sujet. Il n’y a qu’un seul but dans l’errance en méditation : entraîner l’esprit et le polir pour qu’il se libère de ses impuretés. Partir méditer seulement physiquement sans y mettre tout son cœur n’a rien du tout de louable. »



Pour vous arrêter, vous devez savoir comment faire

Un méditant a dit un jour à Luang Pu : « J’ai essayé d’arrêter de penser comme vous l’avez enseigné mais je n’ai jamais pu y arriver. Pire encore, cela m’a frustré et il m’a semblé que mon cerveau devenait tout confus. Mais je suis bien convaincu que ce que vous avez enseigné n’est pas faux, alors je viens vous demander conseil sur ce que je dois faire maintenant. »

Luang Pu a répondu : « De toute évidence, tu n’as pas compris. On te dit d’arrêter de penser mais tout ce que tu fais c’est penser à arrêter de penser – alors comment veux-tu que ça s’arrête ? Débarrasse-toi de toute ton ignorance à propos d’arrêter de penser. Abandonne tes pensées sur l’arrêt des pensées et on n’en parlera plus. »



Résultats semblables mais pas pareils

Le deuxième jour de la lune descendante du onzième mois, jour de l’anniversaire de Luang Pu, tombe chaque année deux jours après la fin de la Retraite des Pluies. Ses étudiants, aussi bien les moines érudits que les moines méditants, ont toujours été heureux de venir lui rendre hommage à cette occasion pour lui demander conseil sur la pratique ou parler des résultats de leur pratique pendant la Retraite des Pluies. C’est une tradition qu’ils ont suivie tout au long de sa vie.

Un jour, après avoir donné des conseils détaillés sur la façon de pratiquer, Luang Pu a conclu en disant : « Étudier le Dhamma à travers la lecture des textes et l’écoute d’enseignements apporte des perceptions et des concepts. Étudier le Dhamma en le mettant en pratique apporte de réels niveaux de Dhamma dans le cœur. »



Il n’y a qu’un seul endroit

Phra Maha Thawesuk a été le premier élève de Luang Pu à réussir le neuvième et dernier niveau d’examens de Pāli, de sorte que le monastère Wat Burapha a organisé une petite réception pour fêter son succès.

Phra Maha Thaweesuk a rendu hommage à Luang Pu et celui-ci lui a fait un petit sermon : « Être capable de réussir le neuvième niveau des examens montre que tu es très travailleur, assez intelligent, et expert dans le Canon Pāli puisque c’est le plus haut niveau de ces études. Mais ne s’intéresser qu’aux études ne peut pas apporter la libération de la souffrance. Tu dois aussi t’intéresser à la pratique qui consiste à entraîner l’esprit.

« Les 84.000 sections du Dhamma sont sorties de l’esprit du Bouddha. Tout sort de l’esprit. Tout ce que tu veux connaître, tu peux le chercher dans l’esprit. »



Le monde et le Dhamma

Le 12 mars 1979, Luang Pu est allé au monastère de la grotte de Sri Kaew sur la montagne Phu Phan dans la province de Sakon Nakorn pour passer une dizaine de jours de solitude et de repos. Le soir qui a précédé son départ, Ajahn Suwat et quelques moines et novices du monastère sont venus lui rendre hommage.

Luang Pu a fait remarquer : « C’était bien agréable de se reposer ici. L’air est bon et la méditation vient facilement. Cela me rappelle l’époque où je pratiquais en tudong. »

Ensuite il a donné un enseignement où il a dit, notamment : « Tout ce qui peut être connu relève du monde. Quant à ce qui n’a rien qui puisse être connu, c’est le Dhamma. Les choses du monde arrivent toujours par deux mais le Dhamma est un, du début à la fin. »



Doit-on poser la question ?

Beaucoup de gens qui s’intéressent à la pratique, aussi bien laïcs qu’ordonnés, ne se limitent pas à pratiquer ; ils aiment aussi rechercher des maîtres aptes à enseigner.

Une fois, un groupe de moines méditants du centre de la Thaïlande est arrivé pour passer plusieurs jours à écouter le Dhamma de Luang Pu et ses conseils sur la méditation. L’un des moines lui a fait part de son sentiment : « Je suis allé à la rencontre de beaucoup de maîtres et, même s’ils enseignent tous bien, ils ne parlent généralement que du Vinaya ou de tudong avec ses pratiques ascétiques ou encore de la félicité et du calme qui résultent de la pratique de la concentration. Mais vous, vous enseignez la voie qui mène tout droit au but ultime : le non-soi, la vacuité, le Nibbāna. Pardonnez-moi d’oser vous poser la question mais, pour parler du Nibbāna, l’avez-vous déjà atteint vous-même ? »

Luang Pu a répondu : « Il n’y a rien qui atteindra et rien qui n’atteindra pas. »



Le but de la pratique

Ajahn Bate, proche parent de Luang Pu, vivait au monastère de Khoke Mawn. Il avait été ordonné sur le tard mais était extrêmement strict dans sa méditation et dans les pratiques ascétiques. Luang Pu l’a félicité une fois en disant que sa pratique avait porté des fruits. Quand Ajahn Bate est tombé gravement malade et qu’il approchait de la mort, il a demandé à voir Luang Pu une dernière fois pour lui dire adieu avant de mourir. J’en ai informé Luang Pu qui est allé le voir. À son arrivée, Ajahn Bate s’est levé de sa couche, s’est prosterné devant lui puis s’est recouché sans dire un mot mais on voyait bien à son sourire et à l’expression de son visage qu’il était heureux.

D’une voix claire et douce à la fois, Luang Pu lui a dit : « Toutes les pratiques que tu as essayé de faire ont précisément pour but de t’être utile à cet instant. Quand l’heure est venue de mourir, unifie l’esprit. Ensuite arrête de te concentrer et lâche tout. »



Espérer des résultats lointains

En général, quand des laïcs venaient voir Luang Pu, il ne leur posait pas des questions bien compliquées. Il demandait : « Avez-vous déjà médité ? » et certains répondaient « oui », d’autres « non ».

Une femme qui avait dit n’avoir jamais médité était plus directe que les autres. Elle a dit : « D’après ce que je comprends, il n’y a aucune raison de se compliquer la vie à méditer. Chaque année j’entends le sermon de Mahachad11 au moins treize fois dans de nombreux temples différents et les moines là-bas disent que le fait d’écouter cette histoire me garantit que je vais renaître à l’époque du Bouddha Maitreya et, qu’à ce moment-là, je ne connaîtrai que plaisir et bien-être. Alors pourquoi me compliquerais-je la vie en méditant ? »

Luang Pu a rétorqué : «  Il y a d’excellentes choses sous vos yeux maintenant et vous ne vous y intéressez pas du tout. Vous préférez mettre tous vos espoirs dans de lointaines projections qui ne sont que des ouï-dire. C’est caractéristique d’une personne dont il n’y a rien à tirer. Aujourd’hui la voie, les fruits et le Nibbāna enseignés par le Bouddha Gautama sont encore vivants parmi nous, parfaitement complets et pourtant vous les esquivez et ne montrez aucun intérêt pour eux. Le jour où les enseignements du Bouddha Maitraya arriveront, vous les esquiverez encore plus. »



Rien de plus

Parfois, quand Luang Pu voyait que les gens qui venaient pratiquer avec lui n’arrivaient pas à vraiment s’engager, qu’ils étaient toujours attirés par le plaisir des choses du monde au point qu’ils n’étaient pas prêts à les lâcher pour pratiquer le Dhamma, il leur donnait un enseignement pour qu’ils aient de quoi réfléchir et puissent voir les choses clairement telles qu’elles sont :

« Je vous demande à tous de réfléchir au bonheur pour voir exactement quel a été le moment le plus heureux de votre vie. Quand vous le regarderez vraiment de près, vous verrez que ce n’était finalement pas grand-chose de plus que ce que vous avez vécu par ailleurs. Pourquoi n’était-ce pas plus que cela ? Parce que le monde n’a rien de plus. C’est tout ce qu’il a à offrir. Toujours la même chose et rien de plus :seulement la naissance, le vieillissement, la maladie et la mort, encore et encore. Il faut bien qu’il y ait un bonheur plus extraordinaire que cela, plus excellent, plus sûr que cela. C’est pourquoi les Nobles Êtres sacrifient un bonheur limité pour rechercher le bonheur qui vient de l’apaisement du corps, l’apaisement de l’esprit, l’apaisement des pollutions mentales. Voilà le bonheur qui est sûr et que rien ne peut égaler. »



C’est facile si vous n’êtes pas attaché

Wat Burapha où Luang Pu a passé toutes les Retraites des Pluies, sans exception, pendant plus de cinquante ans, est situé au centre de la ville de Surin, juste en face des Bureaux de la province et à côté du Tribunal de la province. C’est la raison pour laquelle le bruit des voitures et des camions dérangeait constamment la paix et le calme du monastère. En particulier pendant la foire annuelle des éléphants – ou n’importe quelle fête – il y avait du bruit et des lumières pendant une ou deux semaines d’affilée. Les moines et novices dont l’esprit n’était pas encore bien posé étaient spécialement perturbés par tout cela.

Quand ils en parlaient à Luang Pu, celui-ci leur faisait toujours la même réponse :

« Pourquoi perdre votre temps à vous intéresser à ces choses-là? Il est dans la nature de la lumière d’éclairer ; il est dans la nature du bruit d’être fort. C’est à cela qu’ils servent. Si vous ne posez pas votre attention sur l’écoute, il n’y a plus de problème. Agissez de telle sorte que vous ne soyez pas en opposition avec votre environnement parce que les choses sont simplement comme elles sont. Utilisez une sagesse profonde pour trouver une réelle entente avec ce qui est. C’est tout ce qu’il y a à faire. »



Parfois ce que j’entendais me stupéfiait

L’une de mes faiblesses, c’est que j’aimais plaisanter un peu avec Luang Pu. Il est vrai qu’il ne s’en formalisait jamais et qu’il était toujours disponible pour les moines et les novices qui vivaient près de lui. Un jour, je lui ai dit : « Il est écrit que les deva12 arrivaient par milliards pour écouter le Bouddha. Y avait-il assez de place pour tous ? Sa voix était-elle assez forte pour qu’ils puissent tous l’entendre ? »

La réponse de Luang Pu m’a stupéfié et étonné car je n’avais jamais rien lu de tel dans les textes et je n’avais jamais entendu personne dire cela avant. En outre, il n’a prononcé ces paroles qu’à l’époque où il était gravement malade et proche de la mort.

Il a dit : « Il n’y aurait pas eu de problème même si les deva s’étaient réunis par dizaines de milliards car l’espace d’un seul atome peut contenir jusqu’à huit deva. »



Même ce genre de question

Le problème insoluble que les gens, enfants ou adultes, intelligents ou stupides, se posent inutilement sans jamais arriver à s’entendre est celui-ci : Qu’est-ce qui est arrivé en premier, l’œuf ou la poule ? En général, les gens s’amusent simplement à argumenter sans jamais arriver à une conclusion. Pourtant certaines personnes venaient poser la question à Luang Pu, pensant qu’il ne répondrait probablement pas à ce genre de question. Mais finalement, je l’ai entendu donner une réponse comme personne n’en avait jamais fait, quand un jour Phra Berm, venu lui masser les pieds, lui a demandé : « Luang Pu, qu’est-ce qui est arrivé en premier, l’œuf ou la poule ? »

Luang Pu a répondu : « Ils sont arrivés en même temps. »



Une sévère leçon

Il y avait des fois où Luang Pu n’était pas loin d’être agacé par des gens qui, ayant à peine commencé à méditer, lui demandaient comment accélérer les choses pour qu’ils puissent voir des résultats tout de suite. Il leur donnait une sévère leçon :

« Nous pratiquons pour trouver la modération, pour parvenir au renoncement, pour nous détacher de nos désirs, pour mettre un terme à la souffrance, pas pour avoir des visions de palais célestes. Nous n’essayons même pas de voir le Nibbāna. Continuez simplement à pratiquer sans vouloir voir quoi que ce soit. Après tout, le Nibbāna est vacuité et sans-forme. Il n’a aucune fondation et ne peut être comparé à rien. C’est seulement en persévérant dans la pratique que vous le découvrirez par vous-même. »



Abandonner une chose pour être piégé par une autre

L’un des disciples laïcs de Luang Pu est venu lui rendre hommage et lui parler fièrement des progrès qu’il avait faits dans sa pratique : « Je suis très heureux de vous voir aujourd’hui parce que j’ai suivi vos conseils de pratique et, peu à peu, j’ai obtenu des résultats. Quand je commence à méditer, je lâche toutes les perceptions extérieures et l’esprit cesse de s’agiter. Il s’unifie, s’apaise et tombe en concentration. Toutes les autres préoccupations disparaissent, ne laissant que le bonheur, un bonheur immense, frais et rafraîchissant. Je peux rester dans cet état aussi longtemps que je veux. »

Luang Pu a souri et dit : « C’est bien que tu voies des résultats. Quand tu parles du bonheur qu’apporte la concentration, c’est bien vrai. Il n’y a rien de comparable. Mais si tu restes attaché à ce niveau, tu n’en obtiendras rien de plus. Il ne génère pas la sagesse du Noble Sentier qui peut éradiquer le devenir et la naissance, le désir et l’attachement. Alors, l’étape suivante consiste à lâcher ce bonheur et à contempler les cinq agrégats pour en voir clairement la nature. »



Une comparaison

« L’esprit d’un Être Noble qui a atteint le transcendant, même s’il vit dans le monde et quel que soit son environnement, ne peut pas être perturbé ou désorienté par toutes les complications du monde. Autrement dit, les affaires du monde (profits et pertes, compliments et critiques, plaisir et douleur, statut social et perte de statut) ne peuvent pas l’atteindre, ne peuvent pas le faire revenir au niveau de l’esprit d’une personne ordinaire. Il ne pourra plus jamais être esclave des pollutions mentales ou du désir.

« C’est comme le lait de coco. Une fois qu’on l’extrait de la chair de la noix de coco et qu’on le fait bouillir à haute température jusqu’à ce que l’huile se sépare, on ne peut plus en refaire du lait de coco. On aura beau mélanger l’huile avec un autre lait de coco, on ne pourra absolument pas transformer l’huile en lait de coco. »



Une autre comparaison

« La voie, les fruits de la voie et le Nibbāna sont ‘personnels’ dans la mesure où on est seul à vraiment pouvoir les voir. Ceux qui pratiquent jusqu’à ce niveau les verront par eux-mêmes, seront sûrs de ce qu’ils auront vu par eux-mêmes et mettront définitivement fin aux moindres doutes concernant les enseignements du Bouddha. Si vous n’avez pas atteint ce niveau, tout ce que vous pouvez faire, c’est continuer à spéculer. Même si quelqu’un essaie de vous l’expliquer en profondeur, votre connaissance demeurera une spéculation. Et tout ce qui est spéculation est nécessairement incertain.

« C’est comme la tortue et le poisson. La tortue vit dans deux mondes, sur terre et dans l’eau, tandis que le poisson ne vit que dans un seul monde, celui de l’eau. S’il allait sur terre, il mourrait.
« Un jour, une tortue entra dans l’eau et expliqua à un groupe de poissons combien il était drôle d’être sur la terre : les lumières et les couleurs étaient belles et il n’y avait aucun des problèmes que l’on rencontre dans l’eau.
« Les poissons étaient intrigués et, curieux de mieux connaître la terre, ils lui demandèrent :
- Est-ce que la terre est très profonde ?’
- Comment ça, profonde ? C’est la terre !
- Y a-t-il beaucoup de vagues ?
- Comment ça, des vagues ? C’est la terre !
- Est-ce que c’est assombri par la boue ?
- Comment ça, assombri ? C’est la terre !
« Remarquez les questions que posent les poissons : ils utilisent simplement leur expérience de l’eau pour poser leurs questions à la tortue et elle ne peut que répondre ‘non’.
«  L’esprit d’une personne ordinaire qui spécule à propos de la Voie, des Fruits de la Voie et du Nibbāna n’est pas différent des poissons. »



Choses extérieures et choses intérieures

Le soir du 2 avril 1981, tandis que Luang Pu se reposait dans la demeure royale de Wat Bovorn après être rentré du palais où il avait participé à une cérémonie, un moine de haut rang qui était également un méditant est venu lui rendre visite et parler avec lui du Dhamma. Sa première question a été : « On dit qu’un homme qui était un yakkha13 dans une vie antérieure, lorsqu’il retourne dans une vie humaine peut étudier des formules magiques et être très puissant, quelle que soit la façon dont il les utilise. Y a-t-il la moindre vérité là-dedans ? »

Luang Pu s’est redressé vivement et a répondu : « Je ne me suis jamais intéressé à ce genre de choses. Mais vous, avez-vous médité jusqu’au hasituppapadale mouvement de l’esprit qui fait que l’on sourit spontanément, sans avoir l’intention de sourire ? Cela n’arrive que dans l’esprit des Nobles Êtres. Cela ne se produit pas chez les gens ordinaires parce que c’est au-delà des fabrications mentales : c’est le fruit d’une liberté totale et entière. »



Pas même les Cinq Préceptes

Les grands maîtres ont souvent beaucoup de disciples, aussi bien laïcs que moines et, parmi eux, il y en a des bons et des mauvais. En particulier parmi les moines : il y en a beaucoup de bons auxquels sont mêlés quelques mauvais. L’un des moines proches de Luang Pu avait un peu trop tendance à prendre les choses sans permission. Les autres le disaient à Luang Pu mais, en général, il laissait passer.

Un jour, il a demandé à un jeune moine de lui apporter un objet que cet autre moine avait dérobé mais ce dernier a prétendu qu’il ne l’avait pas pris. Le jeune moine est allé en informer Luang Pu qui ne s’est pas plaint.

Il a dit simplement : « Certains moines sont tellement concentrés sur l’observation des 227 préceptes qu’ils en oublient d’observer les cinq14. »



Jamais perturbé

C’était après vingt-deux heures mais j’ai vu que Luang Pu était assis et se reposait, alors je suis allé lui transmettre l’information: « Luang Pu, Ajahn Khao est décédé. »

Au lieu de demander quand ou comment, Luang Pu a dit :

« Ah, oui. Ajahn Khao en a enfin terminé avec le fardeau des sankhara15 ; il n’aura plus à les traîner avec lui. Je lui ai rendu visite, il y a quatre ans, et j’ai vu toutes les difficultés que lui causaient les sankhara du corps. Il fallait que d’autres personnes prennent soin de lui tout le temps. De mon côté, je n’ai pas de mauvais karma lié au corps mais quand on a un mauvais karma lié au corps, même les Nobles Êtres, quel que soit leur niveau d’Éveil, doivent le supporter jusqu’à ce qu’ils en soient libérés et délivrés. Un esprit ordinaire se dit qu’il faut bien vivre avec ce genre de choses mais, pour un esprit bien entraîné, quand ces situations apparaissent, il est facile de les lâcher immédiatement et de demeurer en paix, sans inquiétude, sans attachement, libre du souci d’avoir à s’en préoccuper. Pour lui, c’est aussi simple que cela. »



La façon dont le Dhamma nous protège

Le grand incendie de Surin a causé beaucoup de souffrances : d’immenses dégâts matériels et un grand sentiment de perte. Certaines personnes en ont même perdu l’esprit. Les gens affluaient vers le monastère pour voir Luang Pu. Ils se lamentaient en évoquant tout le bien qu’ils avaient fait dans le passé : « Nous sommes venus au temple, nous avons accompli des actions méritoires et pratiqué le Dhamma depuis l’époque de nos grands-parents. Pourquoi ce mérite ne nous a-t-il pas aidés ? Pourquoi le Dhamma ne nous a-t-il pas protégés ? Le feu a complètement détruit nos maisons. » Parmi eux, beaucoup ont cessé de venir au monastère, ayant perdu confiance dans les actions méritoires parce que le Dhamma ne les avait pas aidés à protéger leur maison de la destruction.

Luang Pu a dit : « Ce n’est pas du tout de cette façon que le Dhamma aide les gens. Le feu n’a fait qu’agir selon sa nature. Autrement dit, la destruction, la perte, la désintégration, la séparation ont toujours été présentes avec nous dans ce monde. Quand ils doivent faire face à cela, ceux qui pratiquent le Dhamma, qui ont le Dhamma dans le cœur, comprennent comment poser leur esprit de sorte qu’il ne souffre pas. C’est ainsi que le Dhamma nous aide. Pas en nous protégeant contre la vieillesse, la mort, la faim ou le feu. Pas du tout ! »



Seule la pratique peut venir à bout du doute

Quand les gens posaient des questions à Luang Pu sur la mort et la renaissance, ou sur les vies passées et futures, il n’était pas intéressé et ne répondait pas. Ou bien si les gens disaient qu’ils ne croyaient pas que le paradis et l’enfer existaient, il n’essayait jamais de les raisonner ni de leur citer des textes qui auraient contré leurs arguments. Il leur donnait plutôt ce conseil :

« Ceux qui pratiquent le Dhamma n’ont pas besoin de penser aux vies passées ou futures, pas plus qu’au paradis ou à l’enfer. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est être fermement déterminés à pratiquer correctement selon les principes de la vertu, de la concentration et de la sagesse. S’il y a vraiment seize niveaux de sphères célestes comme il est dit dans les textes, ceux qui pratiquent bien sont sûrs de les atteindre. Et si le paradis et le Nibbāna n’existent pas, ceux qui pratiquent bien ne manqueront pas de bénéficier de leur pratique ici et maintenant. Ils sont sûrs d’être heureux en tant qu’êtres humains à un haut niveau.

« Écouter ce que les autres disent, chercher des réponses dans les textes, ne va pas résoudre vos doutes. Vous devez faire des efforts pour que la pratique s’ouvre sur une connaissance claire et profonde. C’est alors que le doute disparaîtra de lui-même. »



Est-ce là tout ce qu’ils veulent ?

Quand les gens venaient par groupes entiers pour entendre l’opinion de Luang Pu sur la renaissance, quand ils clamaient que telle ou telle personne était capable de se souvenir de nombreuses vies antérieures, de voir ce qu’elle avait été autrefois et qui étaient sa mère et ses autres parents dans ces autres vies, Luang Pu répondait :

« Je ne me suis jamais intéressé à ce genre de connaissance. Une simple concentration d’accès peut vous la donner. Tout vient de l’esprit. L’esprit peut vous donner accès, par la connaissance ou la vision, à tout ce que vous voulez connaître ou voir – et vite, en plus ! Si vous vous contentez de ce simple niveau de connaissance, le bon côté est que vous craindrez de renaître dans un monde inférieur. Par conséquent, vous déciderez de bien agir, d’être généreux, d’observer les préceptes et de ne faire de mal à personne. Vous pourrez sourire, confiants dans les résultats de vos mérites.

« Mais pour ce qui est d’éliminer les voiles qui obscurcissent, pour détruire la vision erronée des choses, l’avidité et l’attachement et atteindre la libération totale de la souffrance, c’est une toute autre histoire. »



Pas de fables

Pendant toutes les années où j’ai vécu proche de Luang Pu, je ne l’ai jamais entendu égayer ses enseignements de fables ou d’histoires drôles – pas plus avec des récits des Jataka16 qu’avec des histoires du présent. Tous ses enseignements étaient des nobles vérités, pures et simples, au niveau de l’ultime et de l’impersonnel. Ou bien il s’agissait de quelques commentaires soigneusement choisis, comme s’il essayait d’être sobre en paroles. Même quand il donnait des instructions à propos de cérémonies religieuses, sur la façon de faire des offrandes ou sur la moralité de base, il enseignait de manière très détachée. La plupart du temps, il disait :

« Les cérémonies et les activités qui engendrent des mérites peuvent être considérées comme des moyens habiles mais, du point de vue du méditant, elles n’engendrent qu’un tout petit peu de bienfait, c’est tout. »



Étrange

Après les cérémonies d’ouverture du Musée de Phra Ajahn Mun, Luang Pu a continué son voyage pour rendre visite à Ajahn Fun dans la grotte de Kham. En ce temps-là, les véhicules ne pouvaient pas aller plus loin que le bas de la colline où se trouvait la grotte, de sorte que Luang Pu a dû grimper cette colline sur une longue distance. C’était très fatigant pour lui. Il a été obligé de s’arrêter plusieurs fois pour reprendre son souffle. De mon côté, je souffrais de le voir subir tant de difficultés. Finalement, nous sommes arrivés à la salle de méditation en haut de la colline, Ajahn Fun a rendu hommage à Luang Pu… et voilà qu’Ajahn Tate est arrivé, lui aussi !

En voyant ces trois grands maîtres réunis par coïncidence et en les entendant bavarder amicalement dans une atmosphère si paisible et souriante, ma souffrance antérieure a complètement disparu et a été remplacée par un sentiment de félicité.

Ajahn Fun a exprimé son admiration pour Luang Pu en disant : « Vous êtes en très bonne santé pour pouvoir, à votre âge, grimper jusqu’en haut de cette colline. »

Luang Pu a répondu : « Je ne suis pas si fort que cela. J’ai étudié la question et j’ai vu que je n’avais pas de mauvais karma lié au corps. Quand je ne pourrai plus utiliser ce corps, je le lâcherai, c’est tout. »



Encore plus étrange

Vous pouvez certainement imaginer combien la foule de personnes présentes à cette rencontre accidentelle entre les trois grands Ajahns était surexcitée. Ce genre d’occasions ne se présente pas souvent. Alors, deux photographes de Surin ont commencé à prendre autant de photos que possible.

Dans le car qui nous ramenait au monastère, les photographes ont constaté que tout le monde voulait les photos. Ils ont donc annoncé qu’ils allaient en faire des agrandissements et les vendre et puis les recettes seraient offertes au monastère de forêt Jawm Phra. En mon for intérieur, j’ai pensé que ce n’était pas très joli de mettre un prix sur des photos d’Ajahns dans le but de les vendre mais presque tout le monde, dans le car, a commandé une photo.

Mais quand les photographes ont développé leur film, ils ont découvert que, sur la vingtaine de photos qu’ils avaient eu tant de peine à prendre, toutes étaient complètement blanches, comme un ciel sans nuages. Cela a mis fin aux espoirs de tout le monde d’avoir des photos et il se trouve que ce fut la dernière rencontre entre ces trois grands maîtres.



La vérité telle qu’il la voyait

Quand les gens demandaient à Luang Pu s’il avait lu certains des nombreux récits sur la vie d’Ajahn Mun, il répondait : « Quelques-uns ». Inévitablement, on lui posait ensuite la question : « Et que pensez-vous de tous les pouvoirs psychiques et des événements miraculeux qu’ils décrivent ? » Luang Pu répondait : « À l’époque où je vivais auprès d’Ajahn Mun, je ne l’ai jamais entendu parler de quoi que ce soit de ce genre. »

Normalement, quand Luang Pu parlait d’Ajahn Mun, c’était seulement pour évoquer ses pratiques ascétiques. Il disait : « Parmi tous les moines de ces dernières générations, je n’en ai jamais vu un seul adhérer à ces pratiques aussi strictement qu’Ajahn Mun. Il ne portait que des vêtements faits à partir de haillons qu’il avait lui-même cousus et teints. Il n’utilisait jamais de vêtements usagés qu’on aurait pu lui offrir. Il a habité toute sa vie dans la forêt. Il ne mangeait que la nourriture qu’on lui avait offert pendant sa quête matinale et toujours directement de son bol. Même quand il était très malade, il s’asseyait et tenait son bol sur ses genoux pour qu’on y mette la nourriture. Il n’a jamais profité des libéralités accordées à la fin d’une Retraite des Pluies lors de la fête de kathina17. Il ne s’est jamais engagé dans des travaux de construction [pour agrandir le monastère] et n’a jamais essayé de persuader quiconque de le faire. »



Il répondait parfois aux questions par des questions

Comme j’avais été proche de Luang Pu pendant longtemps, quand je lui posais une question, il avait tendance à me répondre par une autre question. C’était sa façon de me pousser à trouver la réponse par moi-même.

Par exemple, quand je lui ai demandé : « Puisque l’esprit des Éveillés est clair et lumineux, peuvent-ils prédire les chiffres du prochain loto ? », il a répondu : « Crois-tu que les Éveillés chercheraient à connaître ce genre de chose ? »

Quand je lui ai demandé : « Est-ce que les Éveillés rêvent dans leur sommeil, comme les gens ordinaires ? », il a répondu : « Les rêves ne relèvent-ils pas de l’agrégat des pensées ? »

Quand je lui ai demandé : « Y a-t-il jamais eu de personnes ordinaires, dont l’esprit était encore obscurci, qui ont néanmoins pu enseigner l’Éveil à d’autres personnes ? », il a répondu : « N’y a-t-il pas eu beaucoup de médecins qui, bien qu’étant malades eux-mêmes, ont pu soigner d’autres personnes de leur maladie ? »



Les habitudes de Luang Pu

Physiquement - Il était vigoureux et souple ; ses traits étaient bien proportionnés ; il sentait bon et était rarement malade. Il aimait prendre un bain dans de l’eau tiède une fois par jour.

Verbalement - Il avait la voix grave mais parlait avec douceur. Il n’était pas bavard et ne disait que la vérité. Il parlait directement, sans détours. Autrement dit, il ne faisait jamais d’allusions, ne flattait jamais, n’était jamais sarcastique, ne médisait jamais, ne suppliait jamais, ne demandait jamais pardon à personne, ne parlait jamais de ses rêves. De plus, il ne racontait jamais les histoires des Jataka ni des légendes.

Mentalement - Une chose est vraie à son sujet : une fois qu’il s’était mis dans la tête de faire quelque chose, il y travaillait jusqu’à ce qu’il réussisse. Il était toujours gentil et plein de compassion, paisible, calme et résistant. Il ne se mettait jamais en colère, ne montrait aucun signe de frustration ou d’impatience. Il n’était jamais perturbé si quelque chose avait été perdu et il n’était jamais distrait. Totalement présent, vigilant, il était toujours joyeux. Il ne semblait jamais souffrir et n’était jamais déstabilisé par les événements. Il n’était jamais habité par des états d’esprit inappropriés.

Il nous enseignait ainsi : « Essayez de comprendre clairement que les événements ne sont que des événements : ils apparaissent, changent et puis disparaissent. Ne permettez pas qu’ils vous fassent souffrir ou vous attristent. »



Douleur accablante mais pas accablé par la douleur

Quand Luang Pu est allé à l’hôpital de Chulalongkorn, il était très gravement malade. Le dix-septième soir de son séjour, il était épuisé au point que les médecins ont dû le mettre sous oxygène. Après minuit, un célèbre moine, accompagné de plusieurs de ses disciples, est venu lui rendre hommage. Comprenant qu’il s’agissait d’une occasion spéciale, je les ai laissés entrer dans la chambre de Luang Pu. Pendant tout le temps de la visite, Luang Pu est resté couché sur le côté droit, les yeux fermés. Ils se sont tous prosternés devant lui et puis le moine s’est penché en avant et a parlé directement dans l’oreille de Luang Pu : « Luang Pu, avez-vous encore des sensations douloureuses ? »

Luang Pu a répondu : « Les sensations et le corps existent encore selon leur nature mais je ne prends aucune part à ces sensations. »



Un bon raccourci

Le 20 janvier 1973, juste avant que Luang Pu ne quitte l’hôpital de Chulalongkorn, ses disciples décidèrent d’offrir un sanghadana18 pour en dédier le mérite aux générations passées qui avaient construit l’hôpital et avaient disparu depuis.

À la fin de la cérémonie, plusieurs médecins et infirmières vinrent rendre hommage à Luang Pu et lui dire combien ils étaient heureux qu’il ait pu guérir. L’un d’eux ajouta, sur un ton amical : « Votre santé est encore bonne. Vous êtes vigoureux et votre visage est lumineux, comme si vous n’aviez jamais été malade. C’est probablement le fruit de votre force de concentration. Quant à nous, nous n’avons pas beaucoup de temps pour pratiquer la concentration. Y a-t-il des techniques qui soient simples ou rapides ? »

Luang Pu répondit : « Dès que vous avez du temps libre, profitez-en pour pratiquer. Entraîner l’esprit, examiner l’esprit : voilà la technique la plus rapide et la plus directe de toutes. »



Tout vient de nos actions

Tout au long de sa vie, Luang Pu n’a jamais accepté la notion de « jours de chance » ou d’« heures favorables ». Même quand on lui demandait simplement : « Quel jour serait favorable pour me faire ordonner ? » ou « pour quitter la Communauté ? » ou « Quels sont les jours qui portent chance et ceux qui portent malchance ? », il refusait toujours de s’engager sur ce terrain. Il répondait généralement : « Tous les jours sont bons. » Si les gens lui demandaient de fixer un moment propice, il leur disait qu’ils n’avaient qu’à le trouver eux-mêmes ou bien il rétorquait : « Tout moment qui vous convient est un bon moment. »

Et puis il concluait ainsi : « Tout vient de notre comportement. Bons moments, mauvais moments, moments propices, mérite, péché… toutes ces choses dépendent uniquement du comportement humain. »



Il n’a jamais cherché à se faire valoir

Luang Pu n’a jamais rien fait pour se faire valoir ou attirer l’attention sur lui. Par exemple, si les gens voulaient le prendre en photo, il fallait qu’ils tombent au bon moment19. Par exemple, s’il portait déjà tous ses habits officiels pour écouter le Patimokkha, pour ordonner un moine ou pour participer à une cérémonie et qu’on lui demandait s’il voulait bien qu’on le prenne en photo, il acceptait facilement. Mais s’il était assis tranquillement, vêtu de manière informelle et qu’on lui demande de mettre sa tenue pour poser pour une photo, il y avait peu de chances pour qu’il accepte.

Un jour, une dame de Bangkok a apporté une couverture de belle qualité pour que Luang Pu s’en serve pendant la saison froide. Quelques mois plus tard, au milieu de la saison chaude, elle est repassée au monastère pour lui rendre hommage et en a profité pour lui demander de poser avec la couverture parce qu’elle avait oublié de prendre une photo le jour où elle la lui avait offerte. Luang Pu a refusé. Il lui a dit gentiment : « Ce n’est pas vraiment nécessaire. » Même quand elle le lui a demandé une seconde puis une troisième fois, il a persisté en disant : « Ce n’est pas vraiment nécessaire. »

Son refus m’a mis mal à l’aise, alors, quand la dame est partie, je suis allé voir Luang Pu et je lui ai demandé : « Vous rendez-vous compte à quel point elle était mécontente ? »

Luang Pu a souri et dit : « Je sais. Et la raison pour laquelle elle était mécontente, c’est qu’elle a un cœur mécontent. »



La fin des renaissances

Un jour, un enseignant de méditation confirmé est venu discuter avec Luang Pu de nombreux sujets très pointus du Dhamma. Pour finir, il a posé cette question : « Certains moines de méditation ordonnés de longue date se comportent bien et inspirent un grand respect. Les autres moines sont obligés de reconnaître qu’ils sont fermement établis dans les enseignements du Bouddha. Mais, un jour, quelque chose se produit et, soit ils quittent la Communauté monastique, soit leur comportement dévie et entache le Dhamma et le Vinaya. Alors, quel niveau de Dhamma doit-on atteindre pour être sûr d’en finir avec les renaissances, pour qu’il n’y ait plus de devenir et de naissance ? »

Luang Pu a répondu : « Avoir une parfaite retenue, comme l’exige le Vinaya, et suivre les pratiques ascétiques est une forme de conduite admirable et extrêmement inspirante Mais si on n’a pas développé l’esprit jusqu’au plus haut niveau de sagesse, il peut toujours régresser parce qu’il n’a pas encore atteint le transcendant. En réalité, les Arahants n’ont pas grand-chose à savoir. Ils doivent simplement développer leur esprit pour voir clairement la nature des cinq agrégats et pénétrer la vérité de l’interdépendance (paticcasamuppada). C’est alors seulement qu’ils peuvent arrêter de penser, arrêter de chercher, arrêter tous les mouvements de l’esprit. C’est précisément là que tout s’arrête. Tout ce qui reste est pur, net, lumineux. Immense vacuité, vide infini. »



Une comparaison

« Le désir de connaître et de voir pour mettre un terme aux doutes se retrouve chez toutes les personnes qui étudient. Toutes les sciences, tous les domaines du savoir ont été établis pour que les gens se posent des questions et souhaitent trouver des réponses. C’est une motivation pour faire l’effort d’étudier et de pratiquer : on veut atteindre le but de son domaine de connaissance.

« Dans le domaine des enseignements du Bouddha, il faut étudier et pratiquer de manière équilibrée. Mais votre effort doit être intense pour que vous puissiez pénétrer ce qu’il y a de plus élevé dans le Dhamma par vous-même. C’est alors que vous mettrez définitivement fin à vos doutes.

« C’est comme un villageois qui n’a jamais vu Bangkok. Quand les gens lui disent que, en plus d’être développée de diverses manières, la ville a un « Mur de Joyaux » (nom du mur de la forteresse autour du Grand Palais) et une énorme « Montagne d’Or » (nom d’un stoupa au monastère Wat Sraket), il décide d’aller à Bangkok en s’imaginant qu’il va pouvoir récupérer quelques joyaux du mur et un peu d’or de la montagne. Mais quand il arrive à Bangkok et que quelqu’un lui montre le Mur des Joyaux et la Montagne d’Or, cette vue met immédiatement fin à toutes ses questions et ses attentes. La Voie, ses Fruits et le Nibbāna sont ainsi. »



La manière la plus sûre de s’établir

Je me souviens qu’en 1976, deux enseignants de méditation de l’extrême nord-est de la Thaïlande sont venus rendre hommage à Luang Pu. La façon dont ils discutaient de la pratique avec lui était captivante et inspirante. Ils décrivaient les vertus et les degrés de réalisation des différents ajahns avec lesquels ils avaient longtemps vécu et pratiqué, disant que tel vieux maître demeurait en permanence dans un état de concentration ; que tel Ajahn restait dans une « demeure de Brahma » (pratiquant la bienveillance, la compassion, la joie altruiste ou l’équanimité), raison pour laquelle tant de gens le respectaient ; que tel autre Vénérable était établi dans les « demeure divines infinies » et c’était pour cela que le nombre de ses disciples était infini et qu’il était à l’abri de tous les dangers.

Luang Pu a dit : « Quel que soit le niveau atteint par un moine, personnellement je trouve très bien qu’il soit établi dans les demeures de Brahma. Quant à moi, je suis établi dans la connaissance. »



Suite

Quand ces deux moines ont entendu Luang Pu dire qu’il était établi dans la connaissance, ils sont restés silencieux un instant et puis ils lui ont demandé d’expliquer à quoi ressemblait le fait d’être établi dans la connaissance.

Luang Pu a expliqué : « La connaissance, c’est la normalité de l’esprit qui est vide, lumineux et pur, qui a cessé de penser, cessé de chercher, cessé tout mouvement mental. Il n’a rien et n’est attaché à rien du tout. »



La fin de la souffrance

Luang Pu était pur en parole parce qu’il aimait parler de la vérité absolue. Il ne parlait que des buts les plus élevés des enseignements du Bouddha ; il ne se référait qu’aux textes qui pointaient vers la fin de la souffrance. Cela apparaît de manière évidente quand on sait quel enseignement du Bouddha il citait le plus souvent :

« Moines, il existe une dimension où il n’y a ni terre ni eau ni feu ni vent; ni la dimension de l’espace infini ni la dimension de la conscience infinie ; ni la dimension de la vacuité ; ni la dimension de la perception ni celle de la non-perception ; ni ce monde ni le suivant ; ni soleil ni lune. Et il n’y a ni allée ni venue ni immobilité ; ni disparition ni apparition. Cette dimension est non établie, sans mouvement et sans support. Cela, seulement cela, est la fin de la souffrance. »



Sa dernière maladie

Luang Pu a quitté l’hôpital au début de l’année 1983, mais il n’avait pas complètement récupéré de sa maladie. Il a dû faire appel à un niveau d’endurance extrême pour survivre encore huit mois de façon à assister à la célébration spéciale qui avait été planifiée pour son 96ème anniversaire, source de grand mérite pour tous les participants. Alors que la date de la cérémonie approchait, les symptômes de sa maladie ont commencé à se multiplier dans tous les sens. Parfois il était très fatigué ou mal à l’aise, d’autres fois il avait de la fièvre. Je lui ai demandé si nous devions le ramener à l’hôpital de Chulalongkorn mais il a répondu : « Ce n’est pas nécessaire. » Et puis il a ajouté : « Je t’interdis de m’y emmener parce que, même si j’y allais, je ne guérirais pas. »

J’ai insisté : « L’autre fois, votre maladie était plus virulente que cela et vous en avez quand même guéri. Cette fois, c’est loin d’être aussi grave. Vous en guérirez sûrement. »

Luang Pu a dit : « C’était l’autre fois. Aujourd’hui n’est pas l’autre fois. »



À l’approche de la mort

Le 29 octobre 1983, après 13h, l’état de santé de Luang Pu était à peine stable mais son teint était anormalement lumineux. Ses disciples – laïcs, moines des villes et moines de forêt – étaient venus nombreux pour la célébration.

À 15h, une grande délégation de moines de forêt est arrivée pour rendre hommage à Luang Pu. Il s’est redressé et a parlé du Dhamma avec eux. D’une voix très claire, il leur a donné des conseils, parlant de toute la voie de la pratique comme s’il résolvait tous leurs doutes et répondait à toutes leurs questions en résumant toutes les instructions de méditation qu’il avait transmises au cours de sa vie.

Plus tard, ce soir-là, vers 22h, Luang Pu nous a demandé de le sortir dans une chaise roulante. Il a posé un doux regard sur l’ensemble du monastère sans qu’aucun de nous ne comprenne qu’il s’agissait de son dernier regard sur le monde extérieur.



Dernier rappel du Dhamma

Après 22h, Luang Pu nous a demandé de le ramener dans sa chambre. Il était couché sur le dos, soutenu par un gros oreiller. Il a dit aux huit ou neuf moines présents qu’il aimerait les entendre réciter les Sept Bénédictions. Puis il leur a demandé de réciter le Sati-sambojjhanga Sutta trois fois et le Paticcasamuppada trois fois. Ensuite, il nous a demandé de réciter les Quatre Fondements de l’Attention (le Mahasatipatthana Sutta) mais aucun de nous ne l’avait appris par cœur. Alors il a dit : « Ouvrez vos livres et récitez-le en lisant » mais il n’y avait aucun livre de récitations à proximité. Heureusement, Ajahn Phunsak qui veillait sur Luang Pu depuis le début, avait apporté son exemplaire du Livre Royal des Récitations. Il l’a donc pris et a cherché le texte en tournant les pages du livre dans tous les sens jusqu’à ce que Lung Pu dise : « Passe-le moi. » Sans même regarder le livre, il l’a ouvert à la bonne page et a dit : « Lis à partir d’ici. » Tous les moines présents étaient stupéfaits car Luang Pu avait ouvert le livre juste à la page 172 où se trouvait le Mahasatipatthana Sutta. Le texte était long et il nous a fallu plus de deux heures pour le finir. Il a écouté tranquillement jusqu’au bout.



Dernières paroles

Quelques instants après la fin de la récitation du Mahasatipatthana Sutta, Luang Pu a commencé à parler du Nibbāna ultime du Bouddha, depuis le début jusqu’à la fin. Je me permettrai de ne citer ici que ses dernières paroles :

« Le Bouddha n’a pas atteint le Nibbāna dans un état de jhana. Quand il est sorti du quatrième jhana, tous ses agrégats mentaux ont cessé d’un seul coup, sans qu’il n’en reste rien. Autrement dit, il a permis à son agrégat des sensations de cesser dans un état d’esprit éveillé – la séquence mentale humaine normale, y compris l’attention et la vigilance – sans qu’aucun autre état mental ne vienne aveugler ou tromper l’esprit. L’esprit était pleinement dans son propre état. On peut appeler cet état ‘grande vacuité’, ‘cosmos originel’ ou Nibbāna, comme on veut. C’est l’état auquel j’ai aspiré tout au long. »

Ce furent les dernières paroles de Luang Pu.



Un instant de nature dans la ville

Remontons un peu dans le temps jusqu’à des événements qui se sont produits il y a presque cent ans. Luang Pu et trois autres moines et novices avaient quitté le groupe d’Ajahn Mun pour faire tudong dans le district de Tha Khantho dans la province de Kalasin. En traversant la forêt dense, ils durent affronter toutes sortes de dangers et de difficultés : différents animaux sauvages et surtout la malaria. Finalement, l’un des moines, incapable de lutter contre la maladie, mourut tragiquement sous les yeux de ses compagnons. Pire encore, quand Luang Pu se sépara du groupe, accompagné seulement d’un petit novice, pour aller dans une autre forêt sauvage près du village de Kut Kawn, la malaria arriva et emporta la vie du novice juste sous les yeux de Luang Pu. Il ne pouvait rien faire, seulement rester là, choqué, parce qu’il ne disposait pas du médicament nécessaire pour traiter la maladie.

Revenons maintenant aux événements qui ont eu lieu juste après 4h du matin, le 30 octobre 1983. Cette même situation de contrée sauvage s’est reproduite pendant un moment dans la chambre de Luang Pu car, bien qu’il fût très malade, il n’y avait pas le moindre soignant, pas la moindre goutte de solution saline à proximité. Il était simplement entouré par ses disciples moines qui formaient un cercle autour de lui, comme pour protéger sa totale liberté de déposer son corps dans une mort qui ne laisse aucune trace, absolument pure, silencieuse et paisible.



L’heure elle-même était juste

Le Bouddha a cherché la vérité pendant six ans et, quand il a atteint l’Éveil, cela s’est passé juste avant l’aube, c’est-à-dire après quatre heures du matin. Après son Éveil, il a enseigné pendant 45 ans et, pendant toutes ces années, il a profité de ce moment de la journée, après quatre heures du matin, pour élargir sa conscience et voir à qui il pourrait transmettre l’enseignement le lendemain. Et, le jour où il a atteint le complet Nibbāna, il a choisi ce même moment de la journée pour quitter son corps.

« L’ensemble de résidus karmiques » qui est apparu le 4 octobre 1888 dans le village de Prassat, dans la province de Surin, a grandi et s’est développé progressivement, menant sa vie de manière admirable et juste. Il a gardé l’habit de moine jusqu’à la fin de sa vie, pratiquant de manière exemplaire, un réel « incomparable champ de mérite pour le monde ». Il a parfaitement travaillé pour son propre bien et pour le bien des autres jusqu’au 30 octobre 1983. C’est ce jour-là, à 4h13 du matin, que Luang Pu a laissé son corps, tout simplement.

Ce qui est incroyable, c’est que ses disciples – laïcs et ordonnés, de la ville ou de la forêt – étaient déjà tous réunis pour célébrer le début de la 96ème année de Luang Pu, la fin de son huitième cycle de douze ans, comme s’ils s’étaient parfaitement préparés pour cet événement.



Pas de mauvais karma lié au corps

C’est seulement alors que j’ai compris ce que Luang Pu voulait dire quand il répétait qu’il n’avait pas de mauvais karma lié au corps.

Bien qu’il ait atteint sa 96ème année, son corps était fort, agile, propre et paisible. Toujours pleinement présent et vigilant, il n’a, à aucun moment, souffert de sénilité ni de problèmes de mémoire.

Quand le moment est venu pour lui de mourir, il est mort calmement, sans aucun signe de douleur ou de difficulté. Il n’a causé aucun souci, physique ou psychologique, à ceux qui s’occupaient de lui. Pas de gaspillage de médecins, pas de gaspillage de médicaments, aucun temps perdu pour personne.

Dans le calme qui accompagne l’aube, quand le bruit des hommes et des véhicules est encore absent, même les feuilles des arbres se sont immobilisées. L’air était frais et une douce bruine tombait comme de la neige. Luang Pu, membre du pur et noble Sangha, a quitté son corps, ne laissant derrière lui que le souvenir de ses vertus et un vide infini.




1 Mouvement réformateur du Theravada en Thaïlande lancé par le prince Mongkut en 1833.

2 Kilesa : mot pāli parfois traduit par « impuretés » ou « poisons de l’esprit ». Les kilesa incluent la peur, la colère, la jalousie, le désir, etc.

3 Nibbāna en pāli ou nirvana en sanskrit : l’éveil à la réalité ultime des choses, l’éradication de la cause de la souffrance.

4 Mot utilisé dans la Tradition de la Forêt pour accompagner le rythme de la respiration (boud- sur l’inspiration et -dho sur l’expiration) et permettre ainsi d’apaiser le mental.

5 Le Vinaya est le code monastique développé par le Bouddha qui comprend 227 règles que les moines doivent suivre le plus scrupuleusement possible.

6 Le Sangha est la communauté monastique créée par le Bouddha qui a pour fonction de pratiquer et de transmettre le Dhamma.

7 Ce geste, de la part d’un Vénérable, est considéré comme une bénédiction.

8 Texte de l’école Chan de Chine écrit entre le VIIᵉ siècle et le XIIIᵉ siècle.

9 Les Quatre Nécessités que le Bouddha a reconnues aux moines sont : la nourriture, les vêtements, l’abri et les médicaments.

10 Dhutanga ou tudong, pratique d’errance des moines de forêt depuis l’époque du Bouddha.

11 Long texte poétique qui relate l’avant-dernière vie du Bouddha en tant que Prince Vessantara.

12 Êtres lumineux vivant dans une sphère divine dont on dit qu’ils réclamèrent des enseignements au Bouddha.

13 Yakkha : catégories d’êtres non humains vivant dans d’autres sphères.

14 Les moines sont censés observer 227 règles, tandis que les laïcs doivent en observer 5, notamment « s’abstenir de prendre ce qui n’a pas été offert ».

15 Sankhara : Tous les phénomènes du monde qui apparaissent et disparaissent. Ici, il s’agit plus précisément des cinq khanda, les agrégats qui composent le corps et l’esprit selon l’enseignement du Bouddha.

16 Les Jataka : série d’histoires – généralement dix – qui relatent les vies antérieures du Bouddha à l’époque où il n’était encore qu’un Bodhisattva, c’est-à-dire un Bouddha en devenir.

17 Kathina : Cérémonie qui clôture la Retraite des Pluies, au cours de laquelle on offre de nouveaux vêtements aux moines et de l’argent aux monastères.

18 Offrande au Sangha, la communauté monastique.

19 Un moine ne doit paraître en photo que vêtu de tous ses habits officiels.