Le Dhamma de la Forêt

Patience et endurance,
les plus belles vertus du méditant engagé

Ajahn Jayasaro

Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/



Extrait d’un enseignement oral donné au monastère d’Amaravati, en Angleterre, en 2006


Parmi les vertus les moins considérées et les plus oubliées de nos jours, se trouvent la patience et l’endurance. On dit, par exemple, que l’un des avantages de la richesse est de ne pas être obligé de supporter les choses que l’on n’aime pas, d’avoir tout à sa disposition, à tout moment, dès qu’on en a envie. Les moines eux-mêmes ne semblent pas attacher grand crédit à la patience. On les entendra dire par exemple à propos d’une situation difficile : « C’était très pénible mais au moins j’ai eu l’occasion d’exercer un peu de patience et d’endurance » – comme si c’était un prix de consolation, le minimum que l’on puisse obtenir.

De toute évidence, la patience n’est pas une qualité prônée dans notre monde et pourtant… Pourtant, le Bouddha a dit que khanti, ce mélange de patience et d’endurance, est le « suprême incinérateur des pollutions mentales ». Donc logiquement, si on est vraiment, sincèrement, déterminé à éradiquer les pollutions mentales, quand quelqu’un agit de manière franchement énervante et qu’on est obligé d’être patient, on doit lui en être très reconnaissant parce qu’il nous aide à incinérer nos pollutions mentales.

Quand vous êtes dans une situation où vous devez faire preuve de patience, ne croyez pas que vous n’êtes pas en train de pratiquer ou qu’il s’agit d’une pratique auxiliaire ou secondaire. Pas du tout ! C’est le cœur de la pratique.

Il faut cependant noter que khanti, la véritable vertu de la patience, n’est présente que lorsque la notion de temps a disparu. Si vous grincez des dents, que vous vous demandez combien de temps l’épreuve va durer et quand elle va se terminer, ce n’est pas vraiment khanti. Avec khanti, il n’y a pas cette notion de temps. C’est la perfection de la patience. Ajahn Sumedho emploie une merveilleuse expression pour la définir : « Coexister paisiblement avec ce qui est déplaisant. »

L’idée est donc d’observer et de prendre conscience de notre attitude par rapport à nos ressentis, qu’ils soient agréables ou désagréables, et de trouver un moyen de les lâcher. Bien sûr, quand nous méditons, nous espérons trouver la paix de l’esprit mais nous devrions aussi être conscients du fait que la méditation est la meilleure occasion que nous ayons d’être face à nous-mêmes, de mettre notre esprit sous un microscope. Et l’une des choses auxquelles nous devrions être très attentifs en méditation, c’est notre attitude, notre réaction, face aux ressentis, surtout les ressentis désagréables. Que se passe-t-il quand une jambe, un genou ou le dos commence à vous faire mal ? Comment réagissez-vous en général ? Êtes-vous abattu, contrarié, inquiet ? Ressentez-vous de l’aversion ?

Il est important de connaître la façon dont vous réagissez car si ces réactions vous sont habituelles quand vous ressentez une douleur physique en méditation, elles se manifesteront aussi dans le quotidien quand vous devrez faire face à quelque chose de désagréable, que ce soit physique ou mental. En méditation, vous avez l’occasion d’observer beaucoup plus clairement les réactions mentales assez complexes qui ont lieu dans la vie de tous les jours.

Si nous nous sentons souvent insatisfaits et malheureux dans la vie, c’est à cause d’un manque de clarté par rapport à la nature de nos ressentis et de notre incapacité à accepter ce qui est tel que c’est, avec patience, compréhension et gratitude.