Le Dhamma de la Forêt


Les Quatre Vertus

Vénérable Ajahn Jayasaro

 

Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/
 

 

Extrait d’un enseignement donne a Wat Pah Nanachat en Thailande, le 10 Mai 2000


Le Bouddha a enseigné une Voie qui passe par trois formes d’entraînement : la conduite morale, la concentration et la sagesse. C’est une éducation pour la vie, quelque chose que nous continuons à pratiquer jusqu’à notre dernier soupir. Nous essayons tout le temps de parler et d’agir d’une façon qui exprime la bonté, la sagesse et la compassion, et nous développons sans cesse ces nobles qualités dans notre coeur.

Les quatre vertus cardinales que le Bouddha a enseignées pour que nous les développions dans notre coeur sont appelées les Brahmavihara.
 

1. Mettā : l’amitié bienveillante

D’abord il y a mettā, un sentiment d’amitié bienveillante pour tous les êtres. Mettā ne signifie pas que l’on doive aimer tout le monde. Bien que l’on puisse en faire un idéal, je crois que vous trouveriez très difficile de parvenir à aimer véritablement tous les êtres d’un même amour. Par contre, avoir un sentiment de bienveillance, souhaiter aux autres d’être heureux, c’est quelque chose que l’on peut cultiver. Par exemple, être capable de ne pas s’attacher à un sentiment de rejet que l’on pourrait éprouver pour quelque chose ou quelqu’un et, au contraire, l’accepter en le considérant comme une occasion d’exprimer de la bienveillance. La bienveillance, c’est aussi résister à la tentation de tout casser et de se débarrasser de ce que l’on n’aime pas. C’est avoir de la sollicitude pour tout ce qui vit. C’est une qualité qui anoblit le coeur.
 

2. Karuna : la compassion

Plus nous comprenons la souffrance, plus nous sommes capables de la regarder en face et d’accepter le fait qu’elle soit partout, plus la compassion grandit dans notre coeur.

Ressentir de la compassion ne signifie pas souhaiter qu’il n’y ait pas de souffrance. La compassion ne voit pas la souffrance comme menaçante ou effrayante. Ce n’est pas non plus une espèce de pitié condescendante. La compassion apparaît naturellement quand on comprend profondément à quel point la souffrance est partout dans la vie.
 

3. Mudita : la joie altruiste

Mudita est la capacité à se réjouir du bonheur et du succès des autres. Son contraire, c’est se sentir opprimé, menacé ou vexé par ce bonheur. Que ressentez-vous quand vous voyez les choses auxquelles vous aspirez dans votre vie être exprimées par d’autres plus parfaitement que par vous ? Il est peut-être assez naturel de ressentir de la jalousie ; c’est souvent le cas quand on n’a pas travaillé sur son coeur — mais ce n’est pas obligatoire. Nous pouvons purifier ce type de réaction, cette mesquinerie du coeur, en cultivant mudita. Nous pouvons trouver merveilleux que quelqu’un soit aussi bon, aussi sage, aussi intelligent, aussi clair, etc. Nous pouvons utiliser cela comme objet de méditation, voir que les bonnes qualités et les réalisations des autres enrichissent chacun d’entre nous. Elles ne nous diminuent pas, elles nous enrichissent. Quand nous voyons cela clairement, toute mesquinerie, toute jalousie nous abandonne.
 

4. Upekkha : l’équanimité

Dans ce contexte, upekha signifie un état d’esprit égal, équilibré. On peut le comparer à ce que l’on appelle le « point mort » dans la boîte à vitesse d’une voiture : avant de pouvoir passer à la vitesse supérieure, on passe par le point mort. On peut souhaiter sincèrement apporter le bonheur aux gens, diminuer ou éliminer leur souffrance, mais se trouver impuissant à le faire pour une raison ou une autre. Peut-être parce que la situation ne s’y prête pas, peut-être que la personne ne nous respecte pas assez pour accepter nos conseils, peut-être que nous ne nous exprimons pas assez clairement ou que nos efforts sont maladroits, que ce n’est ni le bon moment ni le bon endroit — quoi qu’il en soit, cela ne fonctionne pas. Quand quelqu’un fait preuve d’ingratitude ou de mépris alors que nous essayons de l’aider, cela peut faire très mal. Dans tous les cas, nous demeurons dans l’équanimité. Cela revient à reconnaître que nous sommes tous responsables de nos actes et que nous ne pouvons pas nous charger du fardeau de l’autre. Par contre, nous pouvons rester prêts : si la situation change, si nous sommes en mesure de faire quelque chose de positif, nous le ferons. Mais si notre action ne fait qu’empirer la situation, nous restons tranquilles et en paix avec nous-mêmes dans l’équanimité. Il ne s’agit pas d’une indifférence passive mais d’admettre humblement que, pour le moment, nous ne pouvons rien faire. Mais il y a toujours cette promptitude, cette bonne volonté, cette générosité du coeur : on est prêt à faire le sacrifice, à faire ce qu’il faudra, quand on pourra le faire pour le bien-être et le bonheur de toutes les personnes concernées.