Le Dhamma de la Forêt


Le pilier de l’attention


Upasika Kee Nanayon



Traduction de Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/

Parler de notre pratique est plus utile que parler de quoi que ce soit d’autre car cela permet d’avoir une vision profonde des choses. Si nous suivons la pratique pas à pas, nous pouvons lire en nous-mêmes et toujours mieux connaître ce qui nous habite. Tandis que nous apprendrons à nous connaître en étudiant de près le mal et la souffrance que causent les pollutions mentales, le désir et l’attachement, il y aura des moments où nous arriverons à la connaissance véritable qui permet de nous détacher des passions et de les lâcher. Alors, l’esprit deviendra immédiatement silencieux, libre de toutes les fabrications mentales qu’il élabore d’habitude et qui le fourvoient, faute d’investigation intérieure.

Les principes d’investigation intérieure sont nos outils les plus importants. Nous devons faire un effort concerté pour les maîtriser à tout moment, en particulier l’usage de l’attention pour se focaliser sur l’esprit et l’amener à une concentration stable. Si nous ne faisons pas en sorte que le premier fondement de l’esprit soit d’être concentré ou neutre, il vagabondera dans tous les sens à la poursuite de préoccupations ou de contacts sensoriels, ce qui créera le chaos et l’agitation mentale. Par contre, quand nous pratiquons la retenue des sens, en maintenant une attention soutenue au niveau du cœur et de l’esprit, c’est comme si nous enfoncions les piliers destinés à soutenir un barrage. Si vous avez déjà vu de tels piliers, vous savez qu’ils sont enfoncés très profondément dans le sol, de manière à être absolument stables et inamovibles. Si on les enfonçait dans la boue, ils seraient facilement renversés au moindre contact. Cela devrait nous donner une idée de la fermeté que doit avoir notre attention pour superviser l’esprit et parvenir à le stabiliser, le rendant ainsi capable de faire face aux contacts sensoriels, sans réagir en aimant ou en repoussant les choses perçues par les sens.

La stabilité de votre attention est une chose que vous devez maintenir en continu, dans toutes vos activités, à chaque respiration. Ainsi l’esprit cessera de s’éparpiller à la recherche de distractions. Si vous n’y parvenez pas, l’esprit sera stimulé à chaque contact sensoriel, comme un navire sans gouvernail balancé au gré du vent et des vagues. Voilà pourquoi vous avez besoin de l’attention pour veiller sur l’esprit à chaque instant. Si vous parvenez à rendre l’attention continue dans tout ce que vous faites, l’esprit demeurera neutre, toujours prêt à étudier et examiner les choses pour les voir dans leur profondeur.

Le premier pas que nous devons prendre en vue d’enfoncer les piliers de notre barrage – c’est-à-dire de stabiliser l’attention – est de nous concentrer sur la neutralité pour qu’elle devienne notre position de base. Vous n’avez pas besoin de penser à quoi que ce soit. Stabilisez simplement l’esprit dans sa neutralité. Si vous pouvez faire cela en continu, vous aurez un véritable fondement pour mener votre investigation parce que l’esprit se sera regroupé en concentration. Mais il faut veiller soigneusement sur cette concentration pour vous assurer qu’elle ne dégénère pas en une indifférence inconsciente. Quand vous vous asseyez en méditation, faites en sorte que l’esprit soit fermement enraciné et centré pour qu’il ne dérive pas dans la distraction. Asseyez-vous bien droit et maintenez une attention stable. Vous n’avez rien d’autre à faire. Gardez l’esprit posé et neutre, sans penser à rien du tout. Assurez-vous que cette stabilité soit continue. Quand quelque chose se présente, peu importe de quelle manière, gardez l’esprit neutre. Par exemple, si une sensation de plaisir ou de douleur apparaît, ne vous fixez pas dessus. Concentrez-vous simplement sur la stabilité de l’esprit et il y aura un sentiment de neutralité dans cette stabilité.

Si vous veillez à ne pas laisser l’esprit s’échapper dans les rêveries ou les distractions, sa concentration deviendra continue. Par exemple, si vous avez prévu de rester assis en méditation pendant une heure, concentrez l’esprit de cette manière pendant une demi-heure et ensuite veillez à ce qu’il ne vagabonde nulle part jusqu’à la fin de l’heure. Si vous changez ensuite de position, ce n’est qu’un changement de posture physique ; l’esprit, lui, doit rester fermement centré et neutre à chaque instant : quand vous vous levez, vous vous asseyez, vous vous couchez ou quoi que ce soit d’autre que vous fassiez.

L’attention est le facteur-clé dans tout cela ; elle permet d’éviter que l’esprit se mette à élaborer des pensées et à mettre des mots sur les choses. Tout doit s’arrêter. Maintenez cette base de silence bien solidement à chaque respiration. Ensuite, vous pourrez détendre votre concentration sur la respiration tout en maintenant l’esprit dans le même état de neutralité. Détendez votre concentration serrée pour vous sentir tout à fait à votre aise dans la respiration. L’esprit pourra rester dans cet état pendant toute l’heure de méditation, libre de toute pensée qui pourrait l’égarer. Ensuite, soyez vigilant pour veiller à ce que, quoi que vous fassiez ou disiez, l’esprit reste solidement posé dans son état normal de connaissance intérieure.

Si l’esprit est stable en lui-même, vous êtes protégé de tous les côtés. Quand les contacts sensoriels arrivent, vous restez concentré sur l’attention à votre stabilité mentale. Même si l’esprit échappe momentanément à l’attention, vous retrouvez aussitôt sa stabilité. En dehors de cela, il n’y a rien d’autre à faire. L’esprit lâchera prise sans que vous ayez autre chose à faire. Autrefois vous aimiez ceci, détestiez cela, tourniez ici à droite et là à gauche – tout cela n’arrivera plus. L’esprit restera neutre, égal, tout simplement bien. Si l’attention faiblit, vous revenez aussitôt à votre concentration, vous êtes conscient quand l’esprit retrouve sa stabilité et sa neutralité envers les choses qui peuvent se passer, et vous le maintenez ainsi.

Les piliers pour le barrage de l’attention doivent être enfoncés de façon à être solides et sûrs dans toutes vos activités. Travaillez à cette stabilité quoi que vous fassiez. Si vous parvenez à entraîner l’esprit de telle sorte que la stabilité soit sa position de base, il ne lui arrivera rien de mal. Il ne vous causera aucun problème. Il n’élaborera pas de pensées. Il sera paisible. Une fois paisible et centré, il deviendra plus fin et fouillera en lui-même pour connaître son propre état de concentration depuis l’intérieur.

Quant aux contacts sensoriels, ce sont des facteurs externes qui n’apparaissent que pour disparaître ensuite, alors l’esprit s’en désintéresse. Du fait de cet éloignement, les désirs peuvent s’envoler. Même quand nous changeons de position parce que nous avons mal quelque part, l’esprit demeure stable, concentré non sur la douleur mais sur sa propre stabilité. Quand on change de position, il y a des réactions physiques et mentales du fait que la circulation sanguine s’améliore et que des sensations agréables remplacent les sensations de douleur, mais l’esprit ne se fera pas piéger par le plaisir, pas plus que par la douleur. Il restera simplement stable, centré et ferme dans sa neutralité. Cette stabilité peut vous aider à abandonner les désirs qui sous-tendent toutes les sensations. Par contre, si vous ne maintenez pas l’esprit centré à l’avance, comme cela, le désir soulèvera des problèmes, créant le chaos dans l’esprit, souhaitant changer les choses pour obtenir une forme ou une autre de bonheur.

Si nous pratiquons ainsi en continu, si nous martelons cela en nous encore et encore, c’est comme enfoncer des piliers dans le sol : plus nous les enfonçons profondément, plus ils seront inamovibles. C’est alors que vous pourrez supporter impunément les contacts sensoriels. Sinon, l’esprit commencera à bouillir sous l’effet de ses élucubrations à la poursuite de sensations visuelles, de sons, de parfums, de saveurs et de contacts physiques. Parfois il continue à retourner les mêmes vieilles pensées, mais c’est parce que les piliers de l’attention ne sont pas encore fermement enfoncés. Si nous avons trébuché dans la vie jusqu’ici, c’est parce que nous n’avons pas vraiment pratiqué au point de rendre l’attention assez soutenue pour que l’esprit soit fermement centré et neutre. Nous devons donc faire en sorte que notre barrage de l’attention soit solide et sûr.

Ce centrage de l’esprit doit être développé dans chaque activité, à chaque respiration. Nous serons ainsi en mesure de voir au travers de nos idées erronées jusqu’à arriver à la vérité de l’impermanence et du non-soi. Sans cela, l’esprit s’élancera ici et là comme un singe malicieux. Mais, de même qu’il est possible d’attraper et de dresser un singe, il est également possible de dompter l’esprit. Cependant, si vous ne l’attachez pas au piquet de l’attention et si vous ne lui faites pas sentir le bâton, il sera très difficile à dresser.

Quand on entraîne l’esprit, il ne faut pas trop le forcer mais il ne faut pas non plus lui laisser la bride sur le cou, faute de quoi il suivrait le sillon des habitudes. Vous devez faire des essais pour voir ce qui fonctionne pour vous. Si vous n’arrivez pas à concentrer votre attention, l’esprit va vite s’évader vers toutes sortes de préoccupations ou se laisser facilement influencer par l’impact de ce qui l’anime. Quand les gens laissent leur esprit suivre simplement le cours des choses, c’est parce qu’ils n’ont pas établi l’attention dans une position sable. Dès lors, ils ne peuvent plus arrêter le vagabondage de l’esprit. Ils ne peuvent pas se calmer. Ils ne peuvent pas être libres. C’est pourquoi nous devons commencer par enfoncer les piliers de notre barrage pour qu’ils soient bien solides, qu’ils gardent l’esprit stable et centré, que nous soyons assis, debout, en train de marcher ou allongés. Cette stabilité pourra alors faire face à tout. Votre attention restera solidement présente et, tout comme un singe attaché à un pieu, elle ne pourra ni s’échapper ni créer des problèmes ; seulement tourner autour du pieu auquel son collier est attaché.

Continuez à entraîner l’esprit jusqu’à ce qu’il soit assez dompté pour se poser puis pour examiner les choses car, s’il est encore éparpillé, il ne sert absolument à rien. Vous devez continuer à l’entraîner jusqu’à ce qu’il soit familiarisé avec le sentiment de stabilité intérieure. C’est votre instabilité et votre manque d’engagement dans cet entraînement de l’esprit qui lui permettent d’être aussi empêtré dans les pensées, dans tout ce qui apparaît et disparaît. Il faut trouver le moyen de l’arrêter. Pourquoi est-il aussi pénible ? Pourquoi est-il aussi éparpillé ? Pourquoi s’évade-t-il tout le temps ? Tachez de le maîtriser ! Faites en sorte qu’il cesse, qu’il se pose et devienne concentré.

A ce stade, vous avez tous pratiqué suffisamment pour avoir acquis au moins un avant-goût de ce qu’est une bonne concentration. L’étape suivante consiste à utiliser l’attention pour maintenir cette concentration dans toutes vos activités de sorte que, même s’il y a des distractions, elles ne durent qu’un instant et ne deviennent pas d’interminables digressions. Continuez à enfoncer les piliers jusqu’à ce qu’ils résistent à tous les impacts dus à des objets extérieurs, ou jusqu’à ce que les fabrications mentales qui s’échappent vers l’extérieur soient rapidement ramenées au silence d’une manière ou d’une autre.

Cet entraînement n’est pas vraiment si dur que cela. Le point important est que, quel que soit le sujet de méditation que vous choisissiez parmi les nombreux sujets existants, vous restiez présent et attentif à l’esprit dans son état centré et neutre. Si, à chaque fois que l’esprit s’échappe vers des objets extérieurs, vous le ramenez à son point d’ancrage, il finira par pouvoir rester fermement en place. En d’autres termes, son attention deviendra constante, prête à examiner les choses en profondeur parce que, quand l’esprit se pose vraiment, il gagne le pouvoir de lire clairement les faits en lui-même. S’il n’est pas centré, il peut tout embrouiller pour vous duper, passant d’un problème à un autre, d’un rôle à un autre. Par contre, s’il est centré, il peut tout effacer – toutes les pollutions mentales, tous les désirs et tous les attachements – de tous les côtés.

Cette pratique revient donc à savoir combien d’effort et de persévérance vous devez investir pour bien stabiliser votre esprit. Une fois stable, quand apparaissent toutes les souffrances et toutes les pollutions mentales qui auraient pu le salir et l’agiter autrefois, il est en mesure de les supporter exactement comme les piliers d’un barrage peuvent supporter les tempêtes sans broncher. Vous devez être clairement conscient de cet état d’esprit pour éviter de vous enthousiasmer pour ceci ou détester cela. A partir de là, cet état d’esprit deviendra votre point de départ pour l’investigation intérieure, pour le regard pénétrant qui voit clairement à travers tout. Mais assurez-vous que cette concentration soit continue ! Ensuite, vous n’avez pas besoin de penser à quoi que ce soit. Regardez simplement à l’intérieur, avec finesse et discernement.

Le point important est que vous vous débarrassiez de l’inattention et de la distraction. Vous en libérer, c’est déjà vous libérer de beaucoup d’idées fausses et d’ignorance ; c’est aussi fermer les portes à l’avidité et aux problèmes qu’elle crée – problèmes qui agitent l’esprit et le font s’égarer. Tout cela grâce au fait que nous avons bien posé nos bases à l’avance. Ainsi, même si nous perdons un instant notre équilibre normal, nous revenons aussitôt nous fixer sur la stabilité de notre concentration. Si nous nous exerçons de cette manière encore et encore, la stabilité de l’esprit, avec son attention continue, nous permettra d’examiner en profondeur les vérités de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi.

Bien sûr, au début vous n’avez pas à examiner les choses en profondeur. Mieux vaut simplement vous concentrer sur la stabilisation de votre position car, si on commence à examiner l’esprit quand il n’est pas vraiment stable et centré, on finit par s’éparpiller. Par conséquent, créez d’abord les fondations de l’esprit en le centrant et, ensuite, vous commencerez à investiguer de plus en plus profondément. Cela occasionnera une vision pénétrante qui vous révèlera de plus en plus de choses et amènera l’esprit à un état de liberté en lui-même, ou au moins à un état où il ne sera plus harassé par les pollutions mentales.

Ce sera également le début d’une véritable maîtrise des portes des sens. Quand nous commençons à pratiquer la méditation, nous sommes incapables d’exercer une véritable retenue sur les organes des sens mais, une fois que l’esprit est fermement centré, les yeux, les oreilles, le nez, la langue et le corps sont automatiquement sous contrôle. S’il n’y a pas d’attention et de concentration, on ne peut pas garder les yeux sous contrôle parce que l’esprit veut les utiliser pour regarder et voir, comme il va vouloir utiliser les oreilles pour écouter toutes sortes de choses. Au lieu d’exercer de la retenue vers l’extérieur, au niveau des sens, nous allons donc l’exercer à l’intérieur, directement au niveau de l’esprit, en le rendant stable et neutre à tout moment. Dès lors, que l’on soit en train de parler ou de faire quoi que ce soit, la concentration de l’esprit reste en place. Quand vous parviendrez à cela, vous trouverez les objets des sens insignifiants. Vous ne vous sentirez plus obligé de prendre position à tout propos en disant que ceci est beau et cela ne l’est pas, que vous aimez ceci et détestez cela. Il en sera de même pour les sons que vous entendrez ; vous ne vous positionnerez pas à tout propos. Vous vous intéresserez plutôt à l’esprit, à sa neutralité, à son centrage désintéressé. Tel est le premier fondement de la neutralité.

Quand vous parvenez à ce stade, tout devient neutre. Quand les yeux voient une forme, ils restent neutres ; quand les oreilles entendent un son, elles restent neutres. L’esprit est neutre, le son est neutre, tout est neutre parce que nous avons fermé cinq des six portes des sens et nous nous sommes mis dans une position de neutralité au niveau de l’esprit. Cela règle tout. Quoi que les yeux voient, que les oreilles entendent, que le nez sente, que la langue goûte ou que le corps touche, l’esprit ne prend pas position. Il demeure centré et neutre, impartial. Ne prenez que ces instructions et essayez !

Pendant les sept jours à venir, je voudrais que vous fassiez l’effort de focaliser votre attention directement au niveau de l’esprit car nous sommes à la fin de la saison des pluies, le moment où le lotus et le nénuphar s’épanouissent. Autrefois, le Bouddha demandait aux moines les plus anciens d’entraîner les plus jeunes tout au long de la retraite des pluies, puis de le retrouver au moment où fleurissent les lotus. Je vous en ai déjà parlé et je vous en parle à nouveau pour vous encourager à développer une base stable pour l’esprit. Si sa stabilité est continue, l’esprit lui aussi devra s’épanouir. Il s’épanouira parce qu’il ne sera pas brûlé, perturbé ou stimulé par les pollutions mentales. Alors, faites un effort spécial pendant les sept jours à venir pour voir comment vous réussissez à observer et voir en profondeur l’état d’esprit centré et neutre en continu, à tout moment. Bien entendu, si vous vous endormez, vous vous endormez. Mais, même quand vous vous allongez pour dormir, essayez d’observer comment vous pouvez garder l’esprit centré et neutre jusqu’à l’instant de l’endormissement, et voyez qu’au réveil, les mouvements de l’esprit sont encore dans cet état centré et neutre. Essayez et vous verrez que votre esprit deviendra calme et paisible, dispersant tout : pollutions mentales, désirs et souffrances. Voyez alors s’il commence, oui ou non, à s’épanouir.

L’impression d’un bain de fraîcheur pour l’esprit arrivera d’elle-même, sans que vous ayez rien à faire, excepté maintenir l’esprit stable et centré. Cette fraîcheur fait partie intégrante de la paix de l’esprit non perturbée par les pollutions mentales. C’est votre garantie : si l’esprit est vraiment stable dans sa concentration, les pollutions mentales ne parviendront pas à le brûler ou à le perturber. En d’autres termes, le désir ne pourra pas le provoquer. Quand la concentration est stable, les feux de la passion, de l’aversion et de l’ignorance de la réalité des choses ne peuvent pas le brûler. Essayez de voir en vous comment la stabilité de l’esprit peut tenir bon, comment les problèmes s’effacent et les flammes s’éteignent. Mais vous devez être sérieux dans votre pratique et vous efforcer de maintenir l’attention vraiment continue. Ce n’est pas un jeu. On ne peut pas se permettre d’être faible, sinon on ne résiste à rien et on se complaît à suivre les provocations des pollutions mentales et du désir.

La pratique consiste à s’arrêter pour que l’esprit puisse se poser et tenir bon. Il ne s’agit pas de faire des bêtises, de se promener partout pour regarder, écouter et se mêler de tout. Essayez de garder l’esprit stable. Dans toutes vos activités, que vous soyez en train de manger ou aux toilettes, peu importe, gardez l’esprit centré à l’intérieur. Si vous arrivez à connaître cet état d’esprit centré, inamovible, qui ne vacille plus, qui n’est plus faible, le niveau fondamental de l’esprit sera libre et vide, vide de ce qui aurait pu le brûler, vide parce qu’il n’y a plus d’attachement. Voilà ce qui vous permet de sentir la stabilité de l’esprit à tout moment. Il vous protège de toutes sortes de choses. Tout attachement à « moi » et à « eux » est complètement effacé, tranché. L’esprit est entièrement centré. Si vous pouvez maintenir cet état stable pendant tous les sept jours, cela vous permettra d’atteindre la vision pénétrante tout seuls.

Je demande donc à chacun de vous de voir si oui ou non vous pourrez y parvenir jusqu’au bout. Voyez comment vous vous en sortez, jour après jour, et veillez à tout vérifier avec soin. Ne vous permettez pas d’être trop relâché, parfois posé et parfois non. Faites en sorte que l’esprit soit absolument ferme. Ne vous laissez pas faiblir. Vous devez être honnête dans ce que vous faites si vous voulez atteindre l’authentique extinction de la souffrance. Si vous n’êtes pas vous-même authentique, vous finirez par vous laisser faiblir face à la provocation des envies, de l’action, etc., de la même façon que vous avez été enchaîné au désir et que vous avez été perturbé par l’aversion depuis qui sait combien de temps.

C’est dans la vie quotidienne que l’on peut se mettre à l’épreuve ; alors, retournez au champ de bataille ! Prenez fermement position dans la neutralité et vous verrez que les objets qui entreront en contact avec l’esprit seront neutres et que vous ressentirez l’esprit lui-même comme centré dans la neutralité. Vous ne trouverez pas matière à prendre position. Tout s’arrêtera à la neutralité parce que les choses en elles-mêmes ne sont ni bonnes ni mauvaises ni « soi » ni autre chose ; c’est l’esprit qui, habituellement, fait des histoires à tout propos.

Continuez donc à tourner le regard vers l’intérieur jusqu’à ce que vous voyiez, en continu, un esprit neutre et libre du sentiment de « moi ». Vous saurez alors comment le lotus arrive à fleurir. S’il n’a pas encore fleuri, c’est parce qu’il s’étiole et sèche sous la brûlure des pollutions mentales, des désirs et des attachements qui couvent dans l’esprit – toutes ces choses que nous devons apprendre à dénicher jusqu’à ce que nous puissions les dissoudre. Si nous ne le faisons pas, le lotus flétrira, ses pétales tomberont par terre et pourriront sur place. Alors, faites un effort pour stabiliser le lotus de l’esprit jusqu’à ce qu’il fleurisse. Ne vous demandez pas ce qui se passera quand il fleurira. Gardez-le simplement solidement posé et veillez à ce qu’il ne soit pas brûlé par les pollutions mentales.