Le Dhamma de la Forêt


Une pratique simple au quotidien

Ayya Khema

Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/


Basé sur le chapitre 10 de : Et s’il suffisait d’être présent… (Éd. Sully)

Au réveil, le matin, la première chose doit être la détermination de maintenir aussitôt l’esprit pleinement attentif. Prendre conscience de l’ouverture des yeux, c’est le début de la journée et le début de l’attention. Si nous avons ouvert les yeux avant d’en être conscients, nous pouvons les refermer et recommencer. À partir de ce petit incident, nous tirerons une meilleure compréhension de ce que signifie la pleine attention. Ensuite, nous pourrons laisser l’esprit être submergé par la gratitude d’avoir une nouvelle journée entièrement à notre disposition dans un seul but : nous rapprocher de la félicité du nibbāna.

Être empli de gratitude met l’esprit dans un état de réceptivité et de joyeuse expectative : « Que vais-je faire de cette journée ? » La première chose pourrait être s’asseoir pour méditer. À la fin de la méditation, l’esprit est calme et recueilli, plus apte à atteindre la vision intérieure. Nous pouvons alors évoquer les cinq sujets de contemplation quotidienne recommandés par le Bouddha :

  1. Il est dans notre nature de vieillir, on ne peut pas l’éviter.

  2. On porte la maladie en soi, on ne peut pas l’éviter.

  3. Il est dans notre nature de mourir, on ne peut pas l’éviter.

  4. Un jour ou l’autre, nous devrons quitter tous nos biens, nous séparer de ceux que nous aimons, même de la vie.

  5. Nous sommes tous responsables de notre karma, héritiers de notre karma, nés de notre karma, tributaires de notre karma, vivants à cause de notre karma. Que nos actions soient bonnes ou mauvaises, nous en recevrons les effets..

Les mots exacts n’ont pas beaucoup d’importance, seule leur signification importe. Il s’agit de prendre conscience de l’impermanence de notre corps et de tout ce que nous considérons comme nôtre – personnes proches et biens matériels –, et de savoir que nous sommes responsables de notre propre karma, autrement dit que nos actions, nos paroles et même nos pensées ont inévitablement des conséquences qui entraîneront notre bien-être ou notre souffrance.

On peut aussi pratiquer la méditation mettā : ressentir et transmettre de la bienveillance à soi et aux autres, souhaiter son propre bonheur et souhaiter la même chose à tous les êtres en les évoquant mentalement :

Puissé-je vivre en bonne santé, heureux et en paix.

Puissent tous les êtres qui me sont proches vivre en bonne santé, heureux et en paix.

Puissent tous les êtres avec qui j’ai des difficultés vivre en bonne santé, heureux et en paix.

Puissent tous les êtres de ce monde vivre en bonne santé, heureux et en paix.

Ayant médité ainsi avec une pleine attention, nous pouvons garder trois choses à l’esprit pour le reste de la journée :

- D’abord, l’attention : être attentif à chacune de nos activités, voir exactement ce qui se passe dans notre vie. Et quand l’activité physique ne demande pas notre attention, nous pouvons orienter nos pensées sur l’aspect fugace de notre existence et de celle des autres, et réfléchir à quoi consacrer ce bref temps qui nous est imparti. Quand nous pensons profondément à ceci, nous constatons que la bienveillance, l’amour et l’entraide sont prioritaires.

- Ensuite agir diligemment pour nous approcher du nibbāna : nous pouvons nous défaire de l’égoïsme, de l’égocentrisme, de l’affirmation de soi, de nos propres attirances et répulsions, de façon à ce que l’ego diminue au lieu de se renforcer.

- Enfin, l’acceptation et le lâcher-prise : il peut toujours y avoir des dérapages dus au manque de présence à ce que nous faisons, à l’impétuosité, à des réactions instinctives ou à l’apitoiement sur soi. Dans ces situations, il n’y a pas de raison de blâmer les autres ou soi. Nous devons simplement voir qu’à cet instant-là, nous n’avons pas fait preuve d’attention et tenter d’y remédier l’instant suivant. Il n’y a que les Arahants qui, étant pleinement éveillés, ne connaissent pas de telles situations. Nous devons savoir que la colère est présente – sinon nous ne serons jamais en mesure de modifier nos réactions – mais simplement en observant son apparition et sa disparition. Si une émotion désagréable est apparue, nous pouvons lui substituer une autre émotion, un sentiment de gentillesse, de compréhension et de compassion. Nous pouvons changer l’objet de notre attention, tout comme nous avons appris à le faire quand nous méditons.

Transférer notre attention d’un objet pour la porter ailleurs est le seul travail que nous ayons à faire. En méditation, nous apprenons à lâcher les pensées pour revenir à la respiration et, dans la journée, profitant de cet entraînement de l’esprit, nous apprenons à lâcher les pensées désagréables pour revenir à mettā. Nous éviterons ainsi de créer du mauvais karma… et de nous gâcher le reste de la journée ! Qui sait si un autre jour nous sera donné ?

À la fin de chaque journée, il peut être utile de faire un bilan. Nous constaterons alors que ce sont toujours les mêmes actions qui sont bénéfiques ou néfastes. La bienveillance, la chaleur humaine, l’intérêt pour les autres, l’attention et l’aide sont toujours bénéfiques. L’égoïsme, l’aversion, le rejet, les disputes, la jalousie sont toujours néfastes. Si nous avons connu une journée pleine de bienveillance, d’aide à autrui et de compassion, nous nous réveillerons dans ce même état d’esprit. Le karma dont nous sommes héritiers est visible dès le jour suivant. Inutile d’attendre la vie prochaine, c’est bien trop nébuleux ! Nous devons agir aujourd’hui pour voir le résultat dès demain.

Avant d’aller dormir, il est bon de pratiquer de nouveau la méditation mettā. Si c’est la dernière chose que vous faites avant de vous coucher, ce sera la première pensée présente à votre esprit le lendemain matin.

En pratiquant ainsi chaque jour, nous allons inévitablement trouver le répit et la délivrance de nos soucis et de nos inquiétudes car ceux-ci sont toujours liés au monde tandis que le Dhamma transcende le monde.