Le Dhamma de la Forêt



Interprétation de la loi d'interdépendance

P.A. PAYUTTO

(Phra Dhammapitaka)

 

Traduction française de Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/

 

Extrait de « La Loi d’Interdépendance, de l’origine conditionnée de tous les phénomèmes » (Dependent Origination – The Buddhist Law of Conditionality)

 
   
Le principe de « l’origine conditionnée des phénomènes » a été interprété de plusieurs façons que nous pouvons globalement formuler ainsi :

1.     
En tant que démonstration de l’évolution de la vie ou du monde, basée sur une définition littérale d’expressions comme lokasamudaya (l’apparition du monde).


2.     
En tant que démonstration de l’apparition et de la cessation de la vie individuelle ou de la souffrance individuelle.


Cette seconde interprétation peut encore se subdiviser en deux catégories :

2.1.   Démonstration du processus sur une très longue période de temps, d’une existence à l’autre. Il s’agit là de l’interprétation la plus littérale qui est aussi celle que l’on retrouve le plus souvent dans les commentaires des Ecritures. Elle est expliquée jusque dans ses moindres détails, au point que le lecteur non averti risque de se perdre dans la pléthore de termes techniques employés.

2.2.   Démonstration du processus dans ses manifestations au quotidien. Bien que liée à 2.1, cette interprétation donne une définition plus profonde et plus concrète des termes. Elle met l’accent sur l’instant présent, lequel est considéré comme le véritable objectif de cet enseignement. Cette interprétation est confirmée par les enseignements donnés dans de nombreux sutta ainsi que par certains passages de l’Abhidhamma Pitaka qui décrivent tout le processus de l’interdépendance comme se déroulant dans l’instant même, à la vitesse de l'éclair.


Dans la première interprétation mentionnée ci-dessus, le principe d’interdépendance est présenté comme une théorie sur l’origine du monde dont l’ignorance (avijjā) serait la cause première[1] puis on retrace l’évolution à travers chacun des douze maillons de la chaîne. Ce type d’interprétation rend le bouddhisme très semblable à d'autres religions et philosophies qui ont pour postulat un principe créateur ou Dieu. Les interprétations ne diffèreraient que dans la mesure où ces religions et philosophies décrivent la naissance et l’existence du monde comme l’œuvre d’une force surnaturelle, tandis que le bouddhisme — selon cette interprétation — expliquerait les choses comme une simple forme d’évolution procédant des lois naturelles de cause à effet.


Cependant cette interprétation contredit tout à fait les enseignements du Bouddha. Tout enseignement ou école de pensée qui décrit le monde comme le produit d’une « cause première » est contraire au principe d’interdépendance. En effet celui-ci dit clairement que tout est lié et en perpétuelle co-création sous l’influence des causes et des conditions. Toute cause première, qu’il s’agisse d’un dieu créateur ou autre, est donc impossible. On ne peut interpréter la loi d’interdépendance comme la description de l’évolution de la vie ou du monde que si l’on présente une image de l’univers fonctionnant selon les processus naturels de croissance et de dégénérescence, et se déployant sans cesse sous l’influence de causes et d’effets.


Pour évaluer la plausibilité de ces interprétations, nous devons garder à l’esprit l’objectif du Bouddha quand il a enseigné la loi d’inter-dépendance. En fait, tous ses enseignements avaient pour unique but de proposer des moyens de faire face aux problèmes de la vie de manière très concrète. Il n’a jamais encouragé les spéculations, les débats ou l’analyse de problèmes métaphysiques. C’est pourquoi toute authentification de l’interprétation d’un enseignement bouddhiste doit inclure une évaluation en termes de principes éthiques.


Or définir la loi d’interdépendance comme un processus d’évolution sans commencement ni fin, même si cela peut sembler correct, ne présente que peu de valeur éthique. Voici ce que l’on pourrait en retirer sur ce plan :


1)   
Une vue plus vaste du monde : en effet, celui-ci procède du flux de causes et d’effets et il est lié aux conditions de processus naturels. Il n’y a pas de créateur et le monde n’est pas non plus le résultat d’une série d’accidents dus au hasard. L’homme ne peut réaliser ses buts en se contentant de faire des souhaits ou de supplier les dieux ou la chance ; il y parvient en s’appuyant sur ses propres efforts, lesquels se basent sur une compréhension des causes et des conditions qui l’entourent.


2)   
On ne peut créer les causes justes pour obtenir ce que l’on souhaite que si l’on a bien compris ces causes et la façon dont elles sont liées à leurs résultats respectifs. Ceci nécessite une compréhension profonde (pañña) capable de discerner ces complexités. L’action et la relation à la vie doivent donc être guidées par la sagesse.


3)   
Comprendre que le processus naturel est soumis au continuum des causes et des effets peut permettre de diminuer l’illusion du soi qui est à l’origine de l’attachement et de l’identification aux choses. Une telle perspective rend possible une relation plus saine et plus libre avec les choses telles qu’elles sont véritablement.


Interpréter le principe d’interdépendance comme une théorie de l’évolution du monde reste tout de même assez superficiel. Bien qu’en accord avec les enseignements du Bouddha, il manque à cette interprétation une analyse profonde et détaillée, d’instant en instant, des composants physiques et mentaux. Elle n’est ni assez puissante ni assez claire pour véritablement engendrer les trois résultats mentionnés plus haut, en particulier le troisième. Pour approfondir davantage la vérité, il faut examiner plus en détail comment se déroulent les événements naturels sur un plan personnel et percevoir clairement la réalité de ce processus quand il se produit dans notre vie, ne serait-ce que très brièvement. Une conscience aussi claire donnera certainement une meilleure occasion, aux trois avantages mentionnés plus haut, de se manifester. D’ailleurs, il est à noter que l'interprétation sur un plan plus immédiat n’empêche pas que le processus soit également interprété sur le long terme.


Toute explication du principe d’interdépendance en tant que théorie d’évolution du monde, au sens premier comme au sens plus subtil, manquera de profondeur. La seconde interprétation qui concerne la vie personnelle et en particulier le processus de perpétuation de la souffrance individuelle, est beaucoup plus profonde.


Parmi les descriptions du cycle des éléments interdépendants en tant que processus personnel, l’interprétation (présentée en 2.1) qui recouvre plusieurs existences est celle qui est la plus acceptée et développée dans les Commentaires. On l’y traite en détail, on l’élabore, on la systématise et on l’illustre. Malheureusement cette systématisation est assez rigide et rend les choses assez obscures pour les néophytes. Nous lui consacrerons ici tout un chapitre, lequel sera suivi de l’interprétation — partiellement reliée — qui donne l’interdépendance pour un processus survenant à la vitesse de la pensée (version 2.2).

 
 
La signification essentielle
 
En essence, le principe d’interdépendance est une description du processus d’apparition et de cessation de la souffrance. Le mot « souffrance » (dukkha) est un terme très important dans le bouddhisme. Il apparaît dans tous les enseignements fondamentaux comme les Trois Caractéristiques (tilakkhana) et les Quatre Nobles Vérités (ariyasacca). Pour mieux comprendre le principe d’inter-dépendance, il est essentiel de commencer par une définition du mot dukkha.

Dans l’enseignement du Bouddha, ce terme a un sens beaucoup plus large que l’équivalent français « souffrance ». Il faut donc écarter une interprétation étroite et considérer le mot à la lumière de la vaste portée des paroles du Bouddha. Dans ses discours apparaissent trois types de souffrance. Nous les énumérons ci-dessous, ainsi que les explications données dans les Commentaires :


1.    
Dukkha-dukkhatā : C'est la souffrance en tant que sensation ou sentiment. Cela inclut à la fois la souffrance physique comme les maux ou la douleur, et la souffrance mentale comme la tristesse, par exemple. Ce sens est donc proche de celui que l’on donne généralement au mot français « souffrance ». Il correspond au terme pāli dukkhavedanā : sentiment ou sensation qui apparaît d’ordinaire quand on vit quelque chose de désagréable.

2.    
Viparināma-dukkhatā : C'est la souffrance liée à l’impermanence, la souffrance inhérente au fait que le bonheur ne dure pas. Elle est causée par les changements qui surviennent dans notre bonheur ou qui y mettent fin. Imaginez, par exemple, que vous travailliez dehors au soleil sans que la chaleur vous dérange car vous y êtes habitué, puis vous entrez dans une pièce où l’air est conditionné ; la fraîcheur vous sera agréable mais cette sensation se transformera en réaction désagréable quand vous retournerez au soleil car, cette fois, la chaleur vous paraîtra insupportable. La sensation de chaleur qui était neutre au départ devient inconfortable à cause de l’agréable fraîcheur de l’air conditionné. Le côté agréable de l’un donne un aspect désagréable à l’autre. C’est presque comme si la souffrance était toujours présente à l’état latent et ne se révélait qu’avec la disparition du plaisir. Plus la sensation agréable est intense, plus la souffrance qui s’ensuit sera intense ; la souffrance semble se propager proportionnellement à l’intensité de la sensation agréable. Si la sensation agréable n’était pas apparue, la souffrance qui y est liée ne serait pas apparue non plus. Si la sensation agréable est accompagnée d’une conscience de sa nature éphémère, elle est assombrie par la peur, l’inquiétude et l’incertitude. Quand la sensation agréable finit par disparaître, elle est suivie de nostalgie : « J’étais si heureux avant, maintenant c’est fini ». 

3.    
Sankhāra-dukkhatā : C'est la souffrance inhérente à tous les sankhāra, à tout ce qui naît d’une cause et, en particulier, aux cinq khandha. Ceci fait référence au fait que tout ce qui est conditionné est sujet aux forces contraires de l’apparition et de la disparition ; rien n’est parfait en soi ; les choses n’existent qu’en tant qu’éléments du continuum de causes et d’effets. C’est pourquoi elles risquent de causer de la souffrance (un sentiment ou une sensation de souffrance ou dukkha-dukkhatā) à chaque fois qu’il y aura désir et attachement irrépressibles du fait de l’ignorance (avijjā-tanhā-upādāna).

Le type de souffrance le plus grave est le troisième. Il décrit la nature inhérente à toutes les conditions, qu’elles soient physiques ou mentales. Sankhāra-dukkhatā, bien que lié à des circonstances naturelles, prend une signification psychologique quand on prend conscience que les phénomènes conditionnés ne peuvent apporter aucune satisfaction parfaite et que, de ce fait, ils causeront de la souffrance à quiconque tentera de s’en saisir.


Le principe de l’origine conditionnée montre comment tous les phénomènes sont interdépendants et liés entre eux sous forme d’un continuum. En tant que continuum, on peut les analyser à partir de différents points de vue.


D’une part, tout est lié et interdépendant ; tout existe en relation avec autre chose ; tout phénomène est causé par des facteurs déterminants ; rien ne dure, pas même un instant ; rien n’a d’existence intrinsèque ; rien n’a de cause première ou genèse.


En d’autres termes, le fait que tout apparaisse sous diverses formes d'évolution et de déclin, indique que la véritable nature des choses est d’être un continuum ou un processus. En tant que continuum, elles sont nécessairement issues de nombreuses causes. La forme d’un continuum apparaît parce que les différentes causes sont liées. Le continuum évolue et change de forme parce que les différents facteurs qui le composent ne peuvent pas durer, pas même un instant. Les choses ne peuvent pas durer le moindre instant parce qu’elles n’ont pas d’existence intrinsèque. Comme elles n’ont pas d’existence intrinsèque, elles dépendent entièrement de leurs causes. Puisque les causes sont liées entre elles et interdépendantes, elles maintiennent la forme d’un continuum et le fait qu’elles soient ainsi liées et interdépendantes indique qu’elles n’ont pas de cause première.


Ceci peut aussi être exprimé sur un mode négatif : si les choses avaient la moindre existence intrinsèque, elles possèderaient une certaine stabilité ; si elles pouvaient rester stables, ne serait-ce qu’un instant, elles ne pourraient pas être véritablement reliées entre elles ; si elles n’étaient pas reliées entre elles, elles ne pourraient pas former un continuum ; s’il n’y avait pas de continuum de causes et d’effets, la nature ne pourrait pas fonctionner ; et s’il y avait un soi intrinsèque réel à l’intérieur de ce continuum, il ne pourrait pas y avoir de véritable processus d’enchaînement interdépendant de causes et d’effets. En conséquence, le continuum de causes et d’effets qui permet aux phénomènes d’exister comme ils le font ne peut fonctionner que parce que ces phénomènes sont impermanents, éphémères, apparaissant et disparaissant sans arrêt, et qu’ils ne sont dotés d’aucune existence propre.


Le fait d’être impermanent, éphémère, apparaissant et disparaissant sans arrêt s’appelle aniccatā. Le fait d’être soumis à la naissance et à la dissolution, d’être inévitablement sujet à la tension et au conflit et d’être intrinsèquement imparfait s’appelle dukkhatā. Le fait que tout véritable soi soit vacuité s’appelle anattatā. Le principe de l’origine conditionnée des phénomènes illustre la présence de ces trois attributs en tout, et montre comment l’interaction et l’interdépendance de toute chose produit les différents événements de la nature.


Le fonctionnement du principe d’interdépendance s’applique à tous les domaines physiques et mentaux, et s’exprime à travers un certain nombre de lois naturelles :


Dhammaniyāma
 : la loi naturelle des causes et des effets.
Utuniyāma : la loi naturelle qui s’applique aux objets physiques (lois physiques).
Bījaniyāma : la loi naturelle qui s’applique aux êtres vivants et à l’hérédité (lois biologiques).
Cittaniyāma : la loi naturelle qui gouverne le fonctionnement du mental (lois psychologiques ou psychiques).
Kammaniyāma : la loi du kamma, particulièrement importante parce qu’elle détermine le bien-être des humains et qu’elle est directement reliée au comportement dans une perspective éthique.

Il est intéressant de remarquer que le kamma, comme toutes les autres relations de cause à effet, ne peut opérer que parce que les choses sont impermanentes (anicca) et sans existence intrinsèque (anattā). Si les choses étaient permanentes et dotées d’une existence propre, aucune des lois naturelles, pas même celle du kamma, ne pourrait entrer en action. De plus, ces lois confirment la vérité selon laquelle il n’y a pas de cause première ou genèse.


Les choses n’ont pas d’existence intrinsèque parce qu’elles naissent d’une cause et sont liées les unes aux autres. En voici une simple illustration : l’objet que nous appelons un « lit » se compose de nombreux éléments qui, assemblés, lui donnent l’apparence que nous lui connaissons. Il n’existe pas de « lit » en dehors de ces composants. Si tous les composants sont séparés, il ne reste aucun « lit ». Il ne reste que le concept de lit. En réalité, ce concept lui-même n’existe pas de manière indépendante : il est nécessairement lié à d’autres concepts comme dormir, surface plane, base, espace vide, etc.


Les concepts apparaissent dans l’esprit du fait de l’association de relations. Une fois qu’un ensemble de relations a formé un concept dans l’esprit, les gens ont tendance à s’y accrocher sous l’emprise du désir (tanhā) et de l’attachement (upādāna), comme s’il avait une existence absolue. Cet attachement isole le concept de sa relation avec le reste et entache la perception de notions de « moi » et de « mien » qui conduisent à l’identification et empêchent toute compréhension véritable.


Les choses n’ont pas de cause première unique. Si l’on remonte la chaîne de causalité à l’infini, on ne trouvera de cause originelle à rien mais les êtres humains ont tendance à chercher un commencement aux choses. Cette façon de penser est en contradiction avec le fonctionnement de la nature et engendre une façon de voir qui va à l’encontre de la vérité. C’est une façon de se tromper soi-même due à l’habitude qu’ont les humains d’arrêter toute recherche des causes dès que la première apparaît. Ainsi la façon habituelle de comprendre la relation de cause à effet impliquant l’existence d’une cause première est inexacte et contraire aux lois de la nature. C’est pourquoi il est nécessaire de rechercher plus loin en arrière et de se poser la question : « Quelle est la cause de cette soi-disant ‘cause originelle’ ? » et continuer ainsi à remonter la chaîne des causes — mais on n’en trouverait pas. Mieux vaudrait poser la question ainsi : « Pourquoi les choses devraient-elles avoir une cause première ? »


Une autre forme de raisonnement, qui contredit la nature et qui est liée à l’idée d’une cause première, consiste à croire qu’au début il n’y avait rien. Cette idée vient de l’attachement à la notion de soi (attā), laquelle provient elle-même de l’attachement aux concepts.  A partir de là, on déduit que rien n’existait avant mais qu’ensuite ce rien s’est étendu. Ce type de raisonnement erroné est dû à la tendance humaine à se saisir d’idées et à ignorer la véritable nature des concepts, ce qui revient à dire : ne pas connaître les choses telles qu’elles sont. C’est ainsi que l’on en vient à rechercher quelque chose d’éternel, une cause première, un mouvement originel, un créateur de toutes choses ... Mais cela donne encore naissance à de nombreuses contradictions comme, par exemple : « Comment ce qui est éternel peut-il créer quelque chose de non éternel ? » En réalité, dans le flot mouvant des causes et des effets, il n’est pas nécessaire de prendre position pour ou contre l’existence de quoi que ce soit de statique, ni « au commencement » ni en cet instant — sauf dans le monde spécifique des concepts parlés. Nous aurions plutôt intérêt à reconsidérer la question : « Pourquoi l’existence doit-elle être précédée de la non-existence ? »


La croyance généralisée selon laquelle tout aurait un créateur est encore une de ces idées qui vont à l’encontre de la réalité. Elle est le fruit d’une déduction basée sur l’observation de la capacité de l’homme à créer, à fabriquer des objets de toutes sortes, comme les arts, etc. On en déduit que, en conséquence, tout au monde doit avoir un créateur. Dans ce cas, nous commettons l’erreur d’isoler le concept de « création » ou de « construction » du continuum normal des causes et des effets, de sorte que notre prémisse fondamentale est erronée. En réalité, le fait de créer n’est qu’un maillon de la chaîne d’interdépendance. Le fait même de pouvoir créer est lié à notre capacité à devenir des facteurs dans le processus de relations qui aboutira au résultat désiré. Nous ne différons des facteurs purement physiques concernés que dans la mesure où, dans notre cas, certains éléments mentaux — dont l’intention — sont également présents. Néanmoins ces facteurs font partie d’un ensemble et sont soumis au même processus de cause à effet. Par exemple, si nous voulons construire un gratte-ciel, il faut que nous fassions partie du flot des facteurs déterminants et que nous en manipulions d’autres tout au long du processus d’accomplissement. Si la simple pensée de créer suffisait à faire surgir les choses indépendamment d’un processus de cause à effet, nous pourrions construire des gratte-ciel n’importe où, simplement en y pensant — ce qui est impossible. Le mot « création » ne signifie donc rien de plus que la description d’une partie d’un processus. Enfin, lorsque les choses se déroulent sans heurts, selon l’enchaînement des causes et des effets, la question d’un créateur ne se pose même plus.


Quoi qu’il en soit, rechercher des preuves de l’existence d’une cause première, d’un dieu créateur ou autre, ne présente que peu d’intérêt dans l’optique bouddhiste car ce n’est pas considéré comme essentiel pour pouvoir mener une vie pleine de sens. Même si réfléchir à ce propos peut apporter une vue plus vaste du monde, comme nous l’avons dit plus haut, nous pouvons nous en dispenser. En effet, la valeur de l’enseignement de l’interdépendance en termes de plénitude de vie offre déjà tous les avantages désirés. Nous devrions donc diriger davantage notre attention dans cette direction.

 


[1] Certains de ceux qui l’interprètent ainsi traduisent avijjā comme l’état de « non-connaissance » qui serait donc la base fondamentale de l’existence. D’autres définissent avijjā comme « l’inconnaissable », qu’ils assimilent à Dieu, puis traduisent sankhāra comme « l’ensemble des choses conditionnées », aboutissant ainsi à la définition suivante : « Quand Dieu est présent, tous les éléments conditionnés apparaissent ».