Sutta Tipaka


Kalama Sutta (AN 3.65)

Discours du Bouddha aux Kalamas

à propos de la liberté de penser


Traduit par Jeanne Schut

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La version, présentée ici,  est basée sur la traduction originale du pali vers le français de Môhan Wijayaratna, ainsi que sur la version anglaise de Thanissaro Bhikkhu traduite par Jeanne Schut.


Ainsi ai-je entendu:
Une fois, le Bouddha, en voyageant dans le pays de Kosala, avec un grand groupe de disciples, arriva dans une ville appelée Kesaputta. Les Kalamas, habitants de Kesaputta, apprirent que : « Le religieux Gotama, fils des Sakyas, ayant abandonné sa famille Sakya et quitté son foyer pour entrer dans la vie religieuse, voyageant dans le pays de Kosala, était parvenu à Kesaputta ».
Or, une bonne réputation se propageait à propos de ce Gotama.

On disait :
« Il est le Bienheureux, l'Arahant, parfaitement et pleinement éveillé, parfait en sa sagesse et sa conduite, bien arrivé (à son but), le Connaisseur des mondes, l'incomparable Guide des êtres qui sont prêts à être guidés, l'Instructeur des dieux et des humains, le Bouddha, le Bienheureux.

« Ayant connu lui-même ce monde-ci avec ses dieux, avec ses Mara et ses Brahma avec ses générations de contemplatifs et de prêtres, ses êtres célestes et humains, il le fait connaître.

« Il enseigne la doctrine, admirable en son début, admirable en son milieu, admirable en sa fin, admirable dans sa lettre et dans son esprit, et il exalte la vie monastique dans ses détails comme dans son essence, absolument parfaite, absolument pure. Rencontrer un tel Arahant est vraiment une bonne chose. »

Les Kalamas, habitants de Kesaputta, rendirent alors visite au Bienheureux. En arrivant, certains parmi eux rendirent hommage au Bienheureux et s'assirent à l'écart sur un côté. D'autres échangèrent avec lui des salutations polies et des paroles de courtoisie, et s'assirent ensuite à l'écart sur un côté. Certains, les mains jointes, rendirent hommage dans la direction où se trouvait le Bienheureux, puis s'assirent à l'écart sur le coté. D'autres encore, ayant annoncé leur prénom et leur nom de famille, s'assirent à l'écart sur un côté. D'autres s'assirent à l'écart sur un côté sans rien dire.

S'étant assis ainsi à l'écart sur un côté, ils s'adressèrent au Bienheureux et dirent : « Vénérable Gotama, il y a des contemplatifs et des prêtres qui arrivent à Kesaputta. Ils exposent et exaltent leur propre doctrine, mais ils condamnent et méprisent les doctrines des autres. Puis d'autres contemplatifs et d’autres prêtres arrivent ensuite à Kesaputta. Eux aussi exposent et exaltent leur propre doctrine, et ils méprisent, critiquent et vilipendent les doctrines des autres. Vénérable, il y a des doutes, il y a une perplexité chez nous à propos de ces diverses opinions religieuses. Parmi ces contemplatifs et ces prêtres, qui dit la vérité et qui des mensonges ? »

Le Bienheureux s'adressa aux Kalamas et dit : « Il est normal, Kalamas, que vous ayez des doutes et que vous soyez dans la perplexité, car le doute est né chez vous avec raison.

« Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire ni par les traditions. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables, ni par la pensée : ‘Ce religieux est notre maître spirituel’.

« Cependant, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses ne sont pas justes, qu‘elles sont blâmables, condamnées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au mal et au malheur, abandonnez-les !

« Maintenant, je vous demande : Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsque l'avidité apparaît chez quelqu'un, cette avidité apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour son mal ? »

Les Kalamas répondirent : « Vénérable, l'avidité apparaît pour le mal de cet individu. »

« Kalamas, en se livrant totalement à l'avidité, en étant vaincu par l'avidité, en étant possédé par l'avidité, un tel individu tue des êtres vivants, commet des vols, s'engage dans l'adultère, profère des paroles mensongères et pousse les autres à agir de même. De tels actes entraînent-ils son mal et son malheur pendant longtemps ? » 

« Certainement, oui, Vénérable. »

« Qu'en pensez-vous, Kalamas? Lorsque la haine apparaît chez quelqu'un, cette haine apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour le mal ? » 

« Vénérable, la haine apparaît pour le mal de cet individu. »

« Kalamas, en se livrant totalement à la haine, en étant vaincu par la haine, en étant possédé par la haine, un tel individu tue des êtres vivants, commet des vols, s'engage dans l'adultère, profère des paroles mensongères et pousse les autres à agir de même. De tels actes entraînent-ils son mal et son malheur pendant longtemps ? »

« Certainement oui, Vénérable. »

« Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsque la compréhension erronée apparaît chez quelqu'un, cette compréhension erronée apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour son mal ? »

« Vénérable, la compréhension erronée apparaît pour le mal de cet individu. »

« Kalamas, en se livrant totalement à la compréhension erronée, en étant vaincu par la compréhension erronée, en étant possédé par la compréhension erronée, un tel individu tue des êtres vivants, commet des vols, s'engage dans l'adultère, profère des paroles mensongères et pousse les autres à agir de même. De tels actes entraînent-ils son mal et son malheur pendant longtemps ? »

« Certainement oui, Vénérable. »

« Maintenant, qu'en pensez-vous, Kalamas ? Ces attitudes (avidité, haine et compréhension erronée) sont-elles bonnes ou mauvaises ? » 

« Vénérable, ces attitudes sont mauvaises. »

« Ces attitudes sont-elles blâmables ou louables ? » 

« Vénérable, ces attitudes sont blâmables. »

« Ces attitudes sont-elles condamnées ou approuvées par les sages ? »

« Vénérable, ces attitudes sont condamnées par les sages. »

« Qu'en pensez-vous,   Kalamas ? Lorsqu'on les met en pratique, ces attitudes conduisent-elles au mal et au malheur ou ne conduisent-elles pas au mal et au malheur ? »

« Lorsqu'on les met en pratique, Vénérable, ces attitudes conduisent au mal et au malheur. Voilà ce que nous en pensons. »

Le Bouddha dit: « C'est pourquoi, Kalamas, comme nous l’avons dit : il est normal que vous ayez des doutes et que vous soyez dans la perplexité, car le doute est né chez vous avec raison.

« Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire, ni par les traditions religieuses. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables,  ni par la pensée : ‘Ce religieux est notre maître spirituel’.

« Cependant, Kalamas, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses ne sont pas justes, qu’elles sont blâmables, condamnées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au mal et au malheur, abandonnez-les ! »

Ensuite, le Bienheureux s'adressa à nouveau aux Kalamas et dit: « Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire, ni par les traditions religieuses. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables, ni par la pensée : ‘ce religieux est notre maître spirituel’.

« Cependant, Kalamas, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont justes, qu’elles sont irréprochables, louées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au bien et au bonheur, pénétrez-vous de telles choses et pratiquez-les !

« Maintenant, je vous demande : Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsque l'absence d'avidité apparaît chez un individu, cette absence d'avidité apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour son mal ? »

Les Kalamas répondirent : « Vénérable, l'absence d'avidité apparaît pour le bien de cet individu. »

« Kalamas, ne se livrant pas à l'avidité, n'étant pas vaincu par l'avidité, n'étant pas possédé par l'avidité, un tel individu ne tue point d'êtres vivants, ne commet pas de vols, ne s'engage pas dans l'adultère, ne profère pas des paroles mensongères et encourage les autres à s'abstenir de tels actes. Est-ce que cela entraîne son bonheur et son bien-être ? »

« Certainement oui, Vénérable. »

« Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsque l'absence de haine apparaît chez un individu, cette absence de haine apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour son mal ? » 

« Vénérable, l'absence de haine apparaît pour son bien. »

« Kalamas, ne se livrant pas à la haine, n'étant pas vaincu par la haine, n'étant pas possédé par la haine, cet individu ne tue pas d'êtres vivants, ne commet pas de vols, ne s'engage pas dans l'adultère, ne profère pas des paroles mensongères et encourage les autres à s'abstenir de tels actes. Est-ce que cela entraîne son bonheur et son bien ? »

« Certainement oui, Vénérable. »

« Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsqu’un individu est libre de toute compréhension erronée, cette absence de compréhension erronée apparaît-elle pour le bien de cet individu ou pour son mal ? » 

« Vénérable, l'absence de compréhension erronée apparaît pour son bien. »

« Kalamas, ne se livrant pas à une compréhension erronée, n'étant pas vaincu par une compréhension erronée, n'étant pas possédé par une compréhension erronée, cet individu ne tue pas d'êtres vivants, ne commet pas de vols, ne s'engage pas dans l'adultère, ne profère pas des paroles mensongères et encourage les autres à s'abstenir de tels actes. Est-ce que cela entraîne son bonheur et son bien ? »

« Certainement oui, Vénérable. »

« Maintenant, qu'en pensez-vous, Kalamas ? Ces attitudes sont-elles bonnes ou mauvaises ? »

« Vénérable, ces attitudes sont bonnes. »

« Ces attitudes sont-elles blâmables ou louables ? » 

« Vénérable, ces attitudes sont louables. »

« Ces attitudes sont-elles condamnées ou approuvées par les sages ? » 

« Vénérable, ces attitudes sont approuvées par les sages. »

« Qu'en pensez-vous, Kalamas ? Lorsqu'on les met en pratique, ces attitudes conduisent-elles au bien et au bonheur, ou bien ne conduisent-elles pas au bien et au bonheur ? »

Les Kalamas répondirent : « Lorsqu'on les met en pratique, ces attitudes conduisent au bien et au bonheur. Voilà ce que nous en pensons. »

Le Bienheureux dit: « C'est pourquoi, Kalamas, comme nous l’avons dit: il est normal que vous ayez des doutes et que vous soyez dans la perplexité, car le doute est né chez vous avec raison.

« Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire, ni par les traditions religieuses. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables, ni par la pensée : ‘ce religieux est notre maître spirituel’.

« Cependant, Kalamas, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont justes, que ces choses sont irréprochables, louées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au bien et au bonheur, pénétrez-vous de telles choses et pratiquez-les !

« Kalamas, le disciple des nobles êtres éveillés, qui s'est ainsi libéré de l'avidité, de la haine et de la compréhension erronée, fait rayonner une conscience pleine de bienveillance dans la première direction (l’est), et de même dans la deuxième, dans la troisième, dans la quatrième, au-dessus, au-dessous, au travers, et partout dans l'univers ; il demeure faisant rayonner une conscience pleine de bienveillance, large, profonde, sans limites, libre de toute haine et de toute malveillance.

« Egalement, le disciple des nobles êtres éveillés demeure, faisant rayonner une conscience pleine de compassion dans la première direction et de même dans la deuxième, dans la troisième, dans la quatrième, au-dessus, au-dessous, au travers, partout dans l'univers ; il demeure faisant rayonner une conscience pleine de compassion, large, profonde, sans limites, libre de toute haine et de toute malveillance.

« Egalement, le disciple des nobles êtres éveillés demeure, faisant rayonner une conscience pleine de joie altruiste dans la première direction et de même dans la deuxième, dans la troisième, dans la quatrième, au-dessus, au-dessous, au travers, partout dans l'univers ; il demeure faisant rayonner une conscience pleine de joie altruiste, large profonde, sans limites, libre de toute haine et de toute malveillance.

« Egalement, le disciple des nobles êtres éveillés demeure, faisant rayonner une conscience pleine d'équanimité dans la première direction et de même dans la deuxième, dans la troisième, dans la  quatrième, au-dessus, au-dessous, au travers, partout dans l'univers ; il demeure faisant rayonner une conscience pleine d'équanimité, large, profonde, sans limites, libre de toute haine et de toute malveillance.

« Kalamas, le disciple des nobles êtres éveillés qui a une pensée ainsi libre de toute haine, et de toute malveillance, qui a une pensée irréprochable et pure, est quelqu'un qui trouve les quatre certitudes, ici et maintenant, en pensant :

« ‘Supposons qu'il y ait, après la mort, des conséquences pour les actes bons et mauvais (accomplis avant la mort). En ce cas, il est possible, après la dissolution du corps, après la mort, que je renaisse dans un monde céleste.’ Telle est la première certitude.

« ‘Supposons qu'il n'y ait pas, après la mort, de conséquences pour les actes bons et mauvais (accomplis avant la mort). Dans ce cas, dans la vie présente, je demeure, en tout état de cause, détendu, libre de toute haine et de toute malveillance.’ Telle est la deuxième certitude.

« ‘Supposons que des conséquences négatives retombent sur l'individu qui a commis des mauvaises actions. Quant à moi, je n’ai souhaité aucun mal à personne. Alors comment se pourrait-il qu'une conséquence négative retombe sur moi qui n’ai commis aucune action mauvaise ?’ Telle est la troisième certitude.

« ‘Supposons qu’aucune conséquence négative ne retombe sur l'individu qui commet des actions mauvaises. Alors dans les deux cas, je peux considérer que je suis pur.’ Telle est la quatrième certitude.

« Kalamas, le disciple des nobles êtres éveillés qui a une pensée libre de toute haine, de toute malveillance, qui a une telle pensée irréprochable et pure, est quelqu'un qui a ces quatre certitudes, ici et maintenant.

Les Kalamas dirent : « Cela est exact, Bienheureux, cela est exact. Le disciple des nobles êtres éveillés, qui a une pensée libre de toute haine, de toute malveillance, qui a une telle pensée irréprochable et pure, est quelqu'un qui a ces quatre certitudes, ici et maintenant. »

Ayant entendu la parole du Bienheureux, les Kalamas s'écrièrent : « Merveilleux, Vénérable ! Merveilleux ! C'est comme si le Bouddha avait redressé ce qui était renversé, ou qu’il avait découvert ce qui était caché, ou qu’il avait montré le chemin à celui qui s'était égaré, ou avait apporté une lampe dans l'obscurité pour que ceux qui ont des yeux puissent voir. Ainsi, le Vénérable Gotama a rendu claire la vérité grâce à tous ses raisonnements.

« Nous prenons refuge dans le Vénérable Gotama, dans son enseignement (Dhamma) et dans la communauté monastique (Sangha). Que le Vénérable Gotama veuille bien nous accepter comme disciples laïcs jusqu'à la fin de notre vie.”