Sutta Tipaka


Extraits du Maha-parinibbāna Sutta (DN 16)

« Les Derniers Jours du Bouddha »


Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/






roue


Traduction française basée sur la traduction anglaise de Bhikkhu Nyanamoli et Bhikkhu Bhodi.



2.22.   … Le Bouddha dit aux moines : « Vous, moines, devriez aller à Vesali, Vesali dans tout lieu où des amis, connaissances ou disciples laïcs vous accueilleront, et vous y passerez la saison des pluies. Quant à moi, je passerai la saison des pluies ici, à Beluva. » « Très bien, Maître », répondirent les moines et c’est ce qu’ils firent, tandis que le Bouddha passa la saison des pluies à Beluva.

2.23.   Pendant la saison des pluies, le Bouddha fut gravement malade, assailli de violentes douleurs ; il semblait être à l’article de la mort. Mais il supporta tout cela en pleine conscience, totalement présent et sans se plaindre. Il se dit : « Il ne serait pas juste que j’atteigne le nibbāna ultime sans m’adresser auparavant à mes disciples ni prendre congé de la communauté des moines. Je dois employer mon énergie à contenir cette maladie et m’appliquer à renforcer la vie. » C’est ce qu’il fit et la maladie perdit du terrain.

2.24.   Ensuite, ayant guéri de cette maladie, dès que le Bouddha se sentit mieux, il sortit et s’assit sur un siège qui avait été préparé à son intention devant son logis. Le vénérable Ananda s’approcha de lui, le salua, s’assit jambes repliées sur le côté et dit : « Vénérable, j’ai vu le Maître en bonne santé et je l’ai vu supporter patiemment la douleur. Vénérable, mon corps était comme celui d’un ivrogne. J’ai perdu tous mes repères et plus rien n’était clair pour moi du fait de votre maladie. La seule chose qui me réconfortait était de me dire : ‘Le Maître n’atteindra pas le nibbāna ultime tant qu’il n’aura pas fait une déclaration formelle à propos de la communauté des moines.’ »

2.25.   « Mais, Ananda, que peut attendre de moi la communauté des moines ? J’ai enseigné le Dhamma, Ananda, sans faire de distinction entre l’intérieur et l’extérieur : le Tathagata ne garde rien par devers lui quand il enseigne les doctrines. S’il y a quelqu’un qui pense : ‘Je vais prendre en charge la communauté’ ou bien : ‘La communauté devra s’en référer à moi’, que cette personne fasse une déclaration formelle à propos de la communauté. Quant au Tathagata, il ne pense pas ainsi. Pourquoi donc ferait-il une déclaration formelle à propos de la communauté ? »
« Ananda, désormais je suis vieux, usé, vénérable ; j’ai traversé le chemin de la vie et atteint son terme à l’âge de quatre-vingts ans. De même que l’on fait tenir un vieux chariot en l’attachant avec des lanières, le corps du Tathagata tient attaché par des lanières. Ce n’est que lorsque le Tathagata éloigne son attention des événements extérieurs et, avec la cessation de certaines sensations, entre dans la concentration de l’esprit sans événements, que son corps connaît le repos.

2.26.   « En conséquence, Ananda, vous devrez vivre comme une île pour vous-mêmes, être votre propre refuge – que nul autre ne soit votre refuge ; avec le Dhamma comme une île, avec le Dhamma comme refuge et nul autre refuge. Comment un moine vit-il comme une île pour lui-même … avec nul autre refuge ? Là, Ananda, un moine contemple le corps en tant que corps, sérieusement, clairement conscient, attentif, ayant éloigné tout attachement et inquiétude par rapport au monde. Et puis il fait de même pour les sensations, l’esprit et les objets de l’esprit. Voilà, Ananda, comment un moine vit comme une île pour lui-même … avec nul autre refuge. Et ceux qui, maintenant de mon vivant ou plus tard, vivront ainsi s’élèveront au plus haut s’ils sont désireux d’apprendre. »

* * * * *

3.1.       Le lendemain matin, le Bouddha se leva tôt, s’habilla, prit son vêtement et son bol, et entra dans la ville de Vesali pour y quêter sa nourriture. A son retour, il mangea puis dit au vénérable Ananda : « Emporte une natte, Ananda. Nous allons nous reposer au sanctuaire de Capala. » « Très bien, Maître », dit Ananda et, prenant une natte, il suivit le Bouddha.

3.2.       Le Bouddha arriva au sanctuaire de Capala et s’assit à la place qui lui avait été préparée. Ananda salua le Bouddha et s’assit jambes repliées sur le côté. Le Bouddha dit alors : « Ananda, Vesali est merveilleuse, le sanctuaire de Udena est merveilleux, le sanctuaire de Gotamaka est merveilleux, le sanctuaire de Sattambaka est merveilleux, le sanctuaire de Bahuputta est merveilleux, le sanctuaire de Capala est merveilleux.

3.3.       « Ananda, celui qui a développé les quatre routes du pouvoir, qui les a pratiquées fréquemment, en a fait son véhicule, en a fait sa base, les a établies, s’est familiarisé avec elles et les a correctement entreprises, pourrait sans aucun doute vivre un siècle ou jusqu’à la fin d’un siècle. Le Tathagata a développé ces pouvoirs, … les a correctement entrepris. Et il pourrait, Ananda, sans aucun doute, vivre un siècle ou le reste d’un siècle. »

3.4.       Mais le vénérable Ananda ne saisit pas l’allusion évidente, le signe très clair qui lui était donné, ne comprit pas l’allusion ; il ne pria donc pas le Maître : « Maître, que le Béni du Ciel demeure donc un siècle, que Celui qui a parcouru tout le Chemin demeure donc un siècle pour le bien et le bonheur de la multitude, par compassion pour le monde, pour le bien et le bonheur des dévas et des humains », tant son esprit était possédé par Mara.

3.5.       Et une seconde fois … et une troisième fois … (comme aux versets 3.3 et 3.4).

3.6.       Le Bouddha dit alors : « Ananda, va maintenant et fais ce qui te semble approprié. » « Très bien, Maître », dit Ananda et, se levant de son siège, il salua le Bouddha, le contourna par la droite et s’assit sous un arbre à quelque distance de là.

3.7.       Peu après le départ d’Ananda, Mara le malin s’approcha du Bouddha et, debout à son côté, il dit : « Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime, que Celui qui a parcouru tout le Chemin atteigne maintenant le nibbāna ultime. Le moment est venu pour le nibbāna ultime du Maître. Car le Maître a parlé ainsi : ‘Sache, Malin, que je n’atteindrai pas le nibbāna ultime avant d’avoir des moines et des disciples accomplis, formés, expérimentés, instruits, ayant connaissance du Dhamma, formés conformément au Dhamma, formés correctement et avançant sur la voie du Dhamma ; des disciples qui transmettront ce qu’ils auront appris de leur Maître, l’enseigneront, le déclareront, l’établiront, l’exposeront, l’analyseront, le rendront clair. Pas avant qu’ils soient capables, grâce au Dhamma, de réfuter les enseignements erronés qui sont apparus et d’enseigner le Dhamma aux effets merveilleux.’

3.8.       « Et, Maître, de tels moines et disciples existent à présent. Alors, que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime, que Celui qui a parcouru tout le Chemin atteigne maintenant le nibbāna ultime. Le moment est venu pour le nibbāna ultime du Maître. Le Maître a dit : ‘Je n’atteindrai  pas le nibbāna ultime avant d’avoir des nonnes et des disciples femmes accomplies … pas avant d’avoir des disciples hommes laïcs … pas avant d’avoir des disciples femmes laïcs …’ (comme au verset 3.7). Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime … Le Maître a dit : ‘Sache, Malin, que je n’atteindrai  pas le nibbāna ultime avant que cette noble vie monastique ne soit établie avec succès, qu’elle prospère et se répande, qu’elle soit connue au loin dans toutes les directions et bien proclamée partout parmi les hommes.’ Tout ceci s’est réalisé. Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime, que Celui qui a parcouru tout le Chemin atteigne maintenant le nibbāna ultime. Le moment est venu pour le nibbāna ultime du Maître. »

3.9.       A ces mots, le Bouddha dit à Mara : « Ne t’en fais pas, Mara. Le départ ultime du Tathagata ne va plus tarder. D’ici trois mois, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime. »

3.10.    Ainsi, au sanctuaire de Capala, le Bouddha, clairement et pleinement conscient, renonça au principe de vie. Quand cela se produisit, il y eut un tremblement de terre terrifiant, à faire se dresser les cheveux sur la tête, accompagné de tonnerre. A cette vue, le Bouddha prononça ces versets :
« Grossières ou raffinées, les choses en devenir le sage a abjurées
   Calme et posé, il a fait éclater la coquille du devenir. »

3.11.    Le vénérable Ananda se dit alors : « C’est extraordinaire, c’est stupéfiant la façon dont ce tremblement de terre a surgi, terrifiant, horrible, à faire se dresser les cheveux sur la tête, accompagné de tonnerre ! Que peut l’avoir provoqué ?

3.12.    Il s’approcha du Bouddha, le salua, s’assit jambes repliées sur le côté et lui posa la question.

3.13.    « Ananda, il y a huit raisons, huit causes qui provoquent l’apparition d’un tremblement de terre. Cette vaste terre repose sur l’eau, l’eau sur le vent et le vent sur l’espace. Alors, quand un vent puissant se met à souffler, il agite les eaux et ce mouvement des eaux fait trembler la terre. Telle est la
première raison.

3.14.    « En second lieu, cela peut provenir d’un ascète ou d’un brahmane qui a développé des pouvoirs psychiques ; ou encore d’un déva fort et puissant dont la conscience-terre est peu développée et la conscience-mer extrêmement développée. Ces êtres peuvent faire bouger et trembler violemment la terre. Telle est la seconde raison. 

3.15.    Egalement, quand un Bodhisattva descend des cieux de Tusita, pleinement attentif et conscient, pour pénétrer dans le sein de sa mère, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la troisième raison.

3.16.    Egalement, quand le Bodhisattva quitte le sein de sa mère, pleinement attentif et conscient, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la quatrième raison.

3.17.    Egalement, quand le Tathagata atteint l’Eveil suprême, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la cinquième raison.

3.18.    Egalement, quand le Tathagata met en marche la Roue du Dhamma, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la sixième raison.

3.19.    Egalement, quand le Tathagata, pleinement attentif et conscient, renonce au principe de vie, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la septième raison.

3.20.    Egalement, quand le Tathagata atteint l’élément du nibbāna sans trace, la terre bouge et tremble violemment. Telle est la huitième raison. Voilà, Ananda, ces huit raisons, les huit causes de l’apparition d’un grand tremblement de terre.

* * * * *

3.34.   « Ananda, un jour où j’étais à Uruvela, sur les bords de la rivière Nerañjara, sous l’arbre banyan du Troupeau de Chèvres, alors que je venais d’atteindre l’Eveil suprême, Mara est venu à moi. Debout à côté de moi, il dit : ‘Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime, que Celui qui a parcouru tout le Chemin atteigne maintenant le nibbāna ultime. Le moment est venu pour le nibbāna ultime du Maître.’

3.35.   « A ceci, j’ai répondu à Mara : ‘Je n’atteindrai  pas le nibbāna ultime avant d’avoir des nonnes et des disciples femmes accomplies … pas avant d’avoir des disciples hommes laïcs … pas avant d’avoir des disciples femmes laïcs …’ (comme au verset 3.7). Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime … Le Maître a dit : ‘Sache, Malin, que je n’atteindrai  pas le nibbāna ultime avant que cette noble vie monastique  ne soit établie avec succès, qu’elle prospère et se répande, qu’elle soit connue au loin dans toutes les directions et bien proclamée partout parmi les hommes.’

3.36.   « Et à l’instant même, aujourd’hui, Ananda, au sanctuaire de Capala, Mara est venu à moi et, debout à côté de moi, il a dit : ‘Que le Maître atteigne maintenant le nibbāna ultime … Le moment est venu pour le nibbāna ultime du Maître.’

3.37.   « Et j’ai répondu : ‘Ne t’en fais pas, Malin. D’ici trois mois, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime.’ Ainsi maintenant, aujourd’hui, Ananda, au sanctuaire de Capala, le Tathagata, pleinement attentif et conscient, a renoncé au principe de vie. »

3.38.   A ces mots, le vénérable Ananda répondit : « Maître, que le Béni du Ciel demeure tout un siècle, que Celui qui a parcouru tout le Chemin demeure tout un siècle pour le bien et le bonheur de la multitude, par compassion pour le monde, pour le bien et le bonheur des dévas et des humains ! » « Il suffit, Ananda ! Ne supplie pas le Tathagata, le moment ne s’y prête pas ! »

3.39.   Une seconde et une troisième fois le vénérable Ananda fit la même requête.
« Ananda, as-tu foi en l’Eveil du Tathagata ? » « Oui, Maître. »
« Alors, pourquoi ennuies-tu le Tathagata en faisant cette requête trois fois ? »

3.40.   « Parce que, Maître, j’ai entendu de la bouche même du Tathagata, j’ai compris de la bouche même du Tathagata : « Celui qui a développé les quatre routes du pouvoir … pourrait sans aucun doute vivre un siècle ou le reste d’un siècle. »
« Ananda, as-tu foi en le Tathagata ? » « Oui, Maître. »
« Alors, Ananda, sache que la faute est tienne et l’échec est tien car, malgré l’allusion évidente que j’ai faite, le signe très clair que je t’ai donné, tu n’as pas compris et tu n’as pas prié le Tathagata de demeurer tout un siècle … Si, Ananda, tu l’avais prié, le Tathagata t’aurait refusé deux fois mais, la troisième fois, il aurait consenti. En conséquence, Ananda, la faute est tienne, l’échec est tien.

3.41.   « Un jour, Ananda, je me suis trouvé à Rajagaha, au Pic du Vautour et là, j’ai dit : ‘Ananda, Rajagaha est merveilleux, Le Pic du Vautour est merveilleux. Celui qui a développé les quatre routes du pouvoir … pourrait sans aucun doute vivre un siècle …’ (comme au verset 3.3). Mais toi, Ananda, malgré cette allusion très claire, tu n’as pas compris et tu n’as pas prié le Tathagata de demeurer tout un siècle …

3.42.   « Un jour, Ananda, je me suis trouvé à Rajagaha, au parc des banyans … à la falaise des voleurs … à la grotte de Satapanni à côté du mont Vebhara … au rocher noir sur le versant du mont Isigili … sur le versant près de la mare aux serpents dans la Forêt fraîche … au parc Tapoda … au terrain des écureuils à Veluvana … dans le parc aux manguiers de Jivaka … ainsi qu’à Rajagaha au parc des daims de Maddakucchi.

3.43.   « Dans tous ces lieux je t’ai dit : ‘Ananda, ce lieu est merveilleux …

3.44.   « ‘Celui qui a développé les quatre routes du pouvoir … pourrait sans aucun doute vivre un siècle …’ (comme au verset 3.3).

3.45.   « Un jour, Ananda, j’étais à Vesali au sanctuaire d’Udena …

3.46.   « Un jour, j’étais à Vesali au sanctuaire de Gotamaka … au sanctuaire de Sattambaka … au sanctuaire de Bahuputta … au sanctuaire de Sarandada …

3.47.   « Et aujourd’hui encore, au sanctuaire de Capala, j’ai dit : ‘Ces lieux sont merveilleux. Ananda, celui qui a développé les quatre routes du pouvoir … pourrait sans aucun doute vivre un siècle ou jusqu’à la fin d’un siècle. Le Tathagata a développé ces pouvoirs … et il pourrait, Ananda, sans aucun doute, vivre un siècle ou le reste d’un siècle.’
« Mais toi, Ananda, malgré cette allusion très claire, tu n’as pas compris et tu n’as pas prié le Tathagata de demeurer tout un siècle. Ananda, si tu l’en avais prié, le Tathagata t’aurait refusé deux fois mais, la troisième fois, il aurait consenti.

3.48.   « Ananda, ne t’ai-je pas déjà dit : ‘Toutes ces choses qui nous sont chères et agréables sont inévitablement soumises au changement, à la séparation et à la transformation.’ Alors comment cela serait-il possible ? Tout ce qui est né, qui est devenu, qui est composé, est sujet au déclin — qu’il ne décline pas est impossible. Et à tout cela il a été renoncé, tout a été abandonné, rejeté, délaissé, lâché : le Tathagata a renoncé au principe de vie. Le Tathagata a dit une fois pour toutes : ‘Le départ ultime du Tathagata ne va plus tarder. D’ici trois mois, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime.’ Que le Tathagata retire une telle déclaration pour pouvoir continuer à vivre n’est pas possible. Et maintenant, viens, Ananda, nous allons à l’orée des pignons dans la Grande forêt. » « Très bien, Maître. »

3.49.   Et le Bouddha alla avec le vénérable Ananda à l’orée des pignons dans la Grande forêt. En arrivant, il dit : « Ananda, va chercher tous les moines qui vivent dans les environs de Vesali, rassemble-les et fais-les venir dans la salle d’audience. » « Très bien, Maître », dit Ananda et c’est ce qu’il fit. Puis il retourna auprès du Bouddha, le salua, se plaça à son côté et dit : « Maître, la communauté des moines est rassemblée. Le moment est venu pour le Maître de faire ce qu’il souhaite. »

3.50.   Le Bouddha entra alors dans la salle d’audience et s’assit sur le siège qui lui avait été préparé. Puis il dit aux moines : « Moines, les choses que j’ai découvertes et proclamées doivent être parfaitement apprises par vous, pratiquées, développées et cultivées, de façon à ce que cette noble vie monastique puisse durer longtemps, qu’elle soit pour le bien et le bonheur de la multitude, par compassion pour le monde, pour le bien et le bonheur des dévas et des humains. Quelles sont ces choses … ? Ce sont les quatre fondements de l’attention, les quatre efforts justes, les quatre routes du pouvoir, les cinq facultés spirituelles, les cinq pouvoirs mentaux, les sept facteurs d’Eveil et le Noble Octuple Sentier. »

3.51.   Alors le Bouddha dit aux moines : « Et à présent, moines, je vous le déclare : Il est dans la nature de toute chose conditionnée de se désagréger, alors continuez vos efforts inlassablement. Le départ ultime du Tathagata ne va plus tarder. D’ici trois mois, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime. »
Ainsi parla le Bouddha, Celui qui a parcouru tout le Chemin. Et puis il déclara :
« Mûr en années, je suis aujourd’hui. Ma durée de vie est déterminée.
A présent, je vais vous quitter, étant devenu mon propre refuge.
Moines, soyez infatigables, attentifs, disciplinés,
Protégez votre esprit en maîtrisant bien vos pensées.
Celui qui, infatigable, s’en tient à la règle et à la discipline,
Laissant la naissance derrière lui mettra un terme au malheur. »

* * * * *

4.1.       Le lendemain matin, le Bouddha se leva tôt, s’habilla, prit son vêtement et son bol et entra dans la ville de Vesali pour y quêter sa nourriture. A son retour, ayant mangé, il se retourna pour jeter un regard à la cité de Vesali et dit : « Ananda, c’est la dernière fois que le Tathagata pose son regard sur Vesali. Maintenant, nous partons pour Bhandagama. » « Très bien, Maître », dit Ananda et le Bouddha, accompagné d’un grand nombre de moines, prit la route de Bhandagama et y séjourna.

4.2.       Alors le Bouddha s’adressa aux moines : « Moines, c’est du fait d’une non-compréhension, d’une non-pénétration de quatre choses que j’ai erré longtemps, tout comme vous, dans le cycle des renaissances. Quelles sont ces quatre choses ? Du fait d’une non-compréhension de la noble éthique, du fait d’une non-compréhension de la noble concentration, du fait d’une non-compréhension de la noble sagesse, du fait d’une non-compréhension de la noble libération,  j’ai erré longtemps, tout comme vous, dans le cycle des renaissances. Et c’est en comprenant et en pénétrant la noble éthique, la noble concentration, la noble sagesse et la noble libération que le désir de devenir a été brisé, la tendance au devenir a été épuisée et il n’y aura plus de renaissance. »

4.3.       Ainsi parla le Bouddha, Celui qui a parcouru tout le Chemin. Et puis il déclara :
« Vertu, samadhi, sagesse et libération ultime
Telles sont les glorieuses choses que Gautama a fini par apprendre.
Le Dhamma qu’il a découvert, il l’a enseigné à ses moines
Celui dont la vision a mis fin au malheur s’en est allé au nibbāna. »

4.4.       Plus tard, alors qu’il séjournait à Bhandagama, le Bouddha fit un discours approfondi : « Voici la vertu, voici la concentration, voici la sagesse. Quand la concentration est pénétrée de vertu, elle porte des fruits importants et bénéfiques. Quand la sagesse est pénétrée de concentration, elle porte des fruits importants et bénéfiques. L’esprit pénétré de sagesse devient absolument libre de toutes les corruptions, c’est-à-dire de la corruption de la sensualité, du devenir, des concepts erronés et de l’ignorance. »

4.5.       Quand le Bouddha eut séjourné à Bhandagama aussi longtemps qu’il le désirait, il dit : « Ananda, allons à Hatthigama … à Ambagama … à Jambugama … » et, en chacun de ces lieux, il fit le même discours. Ensuite, il dit : « Ananda, allons à Bhoganagara. »

4.6.       « Très bien, Maître », dit Ananda et le Bouddha, accompagné de nombreux moines, se dirigea vers Bhoganagara.

4.7.       A Bhoganagara, le Bouddha séjourna au sanctuaire d’Ananda. Là, il dit aux moines : « Moines, je vais vous enseigner quatre critères. Ecoutez attentivement et je parlerai. » « Oui, Maître », répondirent les moines.

4.8.       « Supposons qu’un moine dise un jour : ‘Mes amis, j’ai entendu et j’ai reçu cela de la bouche même du Maître : c’est le Dhamma, c’est la discipline, c’est l’enseignement du Bouddha’. Dans ce cas, moines, vous ne devrez ni approuver ni désapprouver ses paroles. Sans les approuver ni les désapprouver, ses paroles et sa façon de s’exprimer devront être soigneusement étudiées et comparées aux Sutta et puis considérées à la lumière de la discipline. Si, à la lumière de cette étude et de cette comparaison, il apparaît qu’elles ne sont pas conformes aux Sutta ou à la discipline, la conclusion doit être : ‘Assurément ce n’est pas l’enseignement du Bouddha, il a été mal compris par ce moine’ et la question restera sans appel. Mais si, à la lumière de cette étude et de cette comparaison, il apparaît qu’elles sont conformes aux Sutta ou à la discipline, la conclusion doit être : ‘Assurément c’est l’enseignement du Bouddha, il a été bien compris par ce moine’. Tel est le premier critère.

4.9.       « Supposons qu’un moine dise un jour : ‘En tel et tel lieu se trouve une communauté d’anciens et distingués maîtres. J’ai entendu et reçu cela de cette communauté’, dans ce cas, moines, vous ne devrez ni approuver ni désapprouver ses paroles … (comme au verset 4.8). Tel est le second critère.

4.10.   « Supposons qu’un moine dise un jour : ‘En tel et tel lieu se trouvent de nombreux anciens, des érudits porteurs de la tradition, qui connaissent le Dhamma, la discipline, le codes des règles … (comme au verset 4.8). Tel est le troisième critère.

4.11.   « Supposons qu’un moine dise un jour : ‘En tel et tel lieu se trouve un ancien sage. J’ai entendu et j’ai reçu cela de ce sage … (comme au verset 4.8). Mais si, à la lumière de l’étude et de la comparaison, il apparaît que cet enseignement est conforme aux Sutta ou à la discipline, la conclusion doit être : ‘Assurément c’est l’enseignement du Bouddha, il a été bien compris par ce moine’. »

4.12.   Ensuite, alors qu’il séjournait encore à Bhoganagara, le Bouddha fit un discours approfondi : « Voici la vertu, voici la concentration, voici la sagesse … »

4.13.   Quand le Bouddha eut séjourné à Bhandagama aussi longtemps qu’il le désirait, il dit : « Ananda, allons à Pava ». « Très bien, Maître », dit Ananda et le Bouddha, accompagné de nombreux moines, se dirigea vers Pava où il séjourna dans le verger de mangues de Cunda le forgeron.

4.14.   Cunda entendit la rumeur selon laquelle le Bouddha était arrivé à Pava et s’était arrêté dans son verger de mangues. Alors, il se rendit auprès du Bouddha, le salua et s’assit jambes repliées sur le côté. Le Bouddha l’instruisit alors, il l’inspira, l’enflamma et le délecta de son discours sur le Dhamma.

4.15.   Cunda dit alors : « Le Bouddha acceptera-t-il que je lui offre un repas demain, ainsi qu’à sa communauté de moines ? » Et le Bouddha consentit en silence.

4.16.   Comprenant son consentement, Cunda se leva, salua le Bouddha et prit congé en ayant soin de le contourner par la droite.

4.17.   A la fin de la nuit, Cunda fit préparer un délicieux repas comprenant des morceaux fermes et d’autres moelleux, avec des « délices de cochon » en abondance. Quand tout fut prêt, il fit dire au Bouddha : « Maître, le repas est prêt. »

4.18.   Le Bouddha, s’étant vêtu le matin, prit son vêtement et son bol et se dirigea avec sa communauté de moines vers la demeure de Cunda. Là, il s’assit sur le siège qui lui avait été préparé et dit : « Servez-moi le ‘délice de cochon’ et servez les autres nourritures, fermes et moelleuses à la communauté des moines. » « Très bien, Maître », dit Cunda et c’est ce qu’il fit.

4.19.   Puis le Bouddha dit à Cunda : « Tout ce qui reste de ‘délice de cochon’ devra être enterré dans un trou parce que, Cunda, je ne vois personne dans ce monde — avec ses dévas, Mara et Brahma, dans cette génération avec ses ascètes et ses brahmanes, ses princes et ses gens — qui, s’ils en mangeaient, pourraient le digérer correctement, en dehors du Tathagata. » « Très bien, Maître », dit Cunda. Ensuite, après avoir enterré les restes du « délice de cochon » dans un trou, il s’approcha du Bouddha, le salua et s’assit sur le côté. Le Bouddha l’instruisit, l’inspira, l’enflamma par son discours sur le Dhamma puis il se leva de son siège et partit.

4.20.   Après avoir mangé le repas offert par Cunda, le Bouddha eut de graves malaises accompagnés d’une diarrhée avec du sang. Il avait de si violentes douleurs qu’on eut dit qu’il allait mourir. Mais il supporta tout cela avec une pleine attention et clairement conscient, sans se plaindre. Ensuite, le Bouddha dit : « Ananda, allons à Kusinara ». « Très bien, Maître », dit Ananda.
Ayant mangé la nourriture offerte par Cunda (ainsi ai-je entendu)
Il souffrit d’une grave maladie, douloureuse et mortelle ;
Pour avoir mangé un repas de « délice de cochon »
Une grave maladie s’empara du Maître.
Après s’être purgé, le Bouddha dit :
« Maintenant je vais aller dans la cité de Kusinara »

4.21.   Puis, se détournant de la route, le Bouddha marcha vers le pied d’un arbre et dit : « Ananda, plie donc un vêtement en quatre pour moi : je suis fatigué et je souhaite m’asseoir. » « Très bien, Maître », dit Ananda et c’est ce qu’il fit.

4.22.   Le Bouddha s’assit sur le siège ainsi préparé et dit : « Ananda, apporte-moi de l’eau : j’ai soif et je souhaite boire. » Ananda répondit : « Maître, cinq cents chariots sont passés par ici. L’eau a été remuée par leurs roues et elle n’est pas bonne à boire ; elle est sale et trouble. Par contre, Maître, la rivière Kakuttha, proche d’ici, a une eau propre, agréable, fraîche et pure et ses rivages sont beaux, délicieux. Là-bas, le Maître pourra boire de l’eau et rafraîchir ses membres. »

4.23.   Une seconde fois, le Bouddha dit : « Ananda, apporte-moi de l’eau … » et Ananda répondit comme la première fois.

4.24.   Une troisième fois, le Bouddha dit : « Ananda, apporte-moi de l’eau : j’ai soif et je souhaite boire. » « Très bien, Maître », répondit Ananda et, prenant son bol, il alla vers le ruisseau. Et ce ruisseau dont l’eau avait été remuée par les roues et qui n’était pas bonne à boire, sale et trouble, quand Ananda s’en approcha, elle se mit à couler pure, lumineuse et immaculée.

4.25.   Alors le vénérable Ananda se dit : « Merveilleux, merveilleux sont les grands et puissants pouvoirs du Tathagata ! Cette eau était remuée par les roues … et, à mon approche, elle coule pure, lumineuse et immaculée ! » Il prit de l’eau dans son bol, l’apporta au Bouddha, lui exprima ses pensées et lui dit : « Que le Maître boive cette eau, que Celui qui a parcouru tout le Chemin boive ! » Et le Bouddha but l’eau.

4.26.   A ce moment-là, Pukkusa le Malla, un élève d’Alara Kalama marchait sur la route principale allant de Kusinara à Pava. En voyant le Bouddha assis sous un arbre, il s’approcha, le salua et s’assit sur le côté. Puis il dit : « C’est merveilleux, Maître ! Le calme de tous ces voyageurs est merveilleux.

4.27.   « Un jour, Maître, Alara Kalama marchait sur la route principale lorsque, s’en détournant, il alla s’asseoir sous un arbre proche pour y faire sa sieste. A ce moment-là cinq cents chariots passèrent tout près de lui dans un grand vacarme. Un homme qui marchait derrière le convoi s’approcha d’Alara Kalama et dit : ’Maître, n’avez-vous pas vu cinq cents chariots passer ?’ ‘Non, mon ami, je ne les ai pas vus.’ ‘Alors dormiez-vous, Maître ?’ ‘Non, mon ami, je ne dormais pas.’ ‘Alors, étiez-vous conscient, Maître ?’ ‘Oui, mon ami.’ ‘Ainsi, Maître, tout en étant conscient et éveillé, vous n’avez ni vu ni entendu cinq cents chariots passer près de vous, alors même que votre vêtement en a été recouvert de poussière ?’‘C’est exact, ami.’
« Et cet homme se dit : ‘C’est merveilleux, c’est extraordinaire ! Ces ascètes sont si paisibles que, bien que conscient et éveillé, un homme n’entend ni ne voit cinq cents chariots passer près de lui !’ Et il s’éloigna en louant les immenses pouvoirs d’Alara Kalama. »

4.28.   « Eh bien, Pukkusa, que dis-tu de cela ? Que crois-tu plus difficile de faire ou d’atteindre : tout en étant conscient et éveillé, ne voir ni entendre cinq cents chariots passer tout près ou, tout en étant conscient et éveillé, ne rien voir ni entendre quand des trombes d’eau de pluie se déversent, quand la foudre déchire le ciel et le tonnerre éclate ? »

4.29.   « Maître, comment peut-on comparer ne voir ni entendre cinq cents chariots avec cela — et d’ailleurs six, sept, huit ou neuf cents chariots, ou même mille ou des centaines de milliers ? Ne rien voir ni entendre quand une telle tempête fait rage est plus difficile … »

4.30.   « Un jour, Pukkusa, alors que je séjournai à Atuma, sur l’aire de battage, des trombes d’eau de pluie se déversèrent, les éclairs déchiraient le ciel et le tonnerre éclatait. Deux fermiers, des frères, et quatre bœufs furent tués. De nombreuses personnes d’Atuma vinrent voir les deux frères et les quatre bœufs qui avaient été tués.

4.31.   « Et, Pukkusa, à ce moment-là j’avais franchi le seuil de l’aire de battage et je marchais en méditation à l’extérieur. Un homme de la foule vint à moi, me salua et se plaça à mon côté. Je lui dis :

4.32.   « ‘Ami, pourquoi tous ces gens sont-ils rassemblés ici ?’ ‘Maître, il y a eu une terrible tempête et deux fermiers, deux frères et quatre bœufs ont été tués. Mais vous, Maître, où étiez-vous ?’ ‘J’étais ici même, ami.’ ‘Mais qu’avez-vous vu, Maître ?’ ‘Je n’ai rien vu, ami.’ ‘Alors qu’avez-vous entendu, Maître ?’ ‘Je n’ai rien entendu, ami.’ ‘Dormiez-vous, Maître ?’ ‘Je ne dormais pas, ami.’ ‘Alors, Maître, étiez-vous conscient ?’ ‘Oui, ami.’ ‘Ainsi, Maître, tout en étant conscient et éveillé, vous n’avez ni vu ni entendu les trombes d’eau, les inondations, le tonnerre et les éclairs ?’ ‘C’est exact, ami.’

4.33.   « Et, Pukkusa, cet homme se dit : ‘C’est merveilleux, c’est extraordinaire ! Ces ascètes sont si paisibles qu’ils ne voient ni entendent les trombes d’eau de pluie se déverser, les éclairs déchirer le ciel et le tonnerre éclater !’ Proclamant mes immenses pouvoirs, il me salua, me dépassa sur la droite et s’éloigna. »

4.34.   A ces mots, Pukkusa le Malla dit : « Maître, je rejette les immenses pouvoirs d’Alara Kalama comme s’ils étaient soufflés par un vent puissant ou emportés par un rapide cours d’eau ou une rivière ! Excellent, Maître, excellent ! C’est comme si quelqu’un allait redresser ce qui avait été démoli, ou montrer le chemin à celui qui était perdu, ou apporter une lampe à pétrole dans un endroit sombre pour que ceux qui ont des yeux puissent voir ce qui s’y trouve. C’est exactement ainsi que le Maître a présenté le Dhamma de différentes façons. Et moi, Maître, je prends refuge dans le bienheureux Bouddha, le Dhamma et le Sangha. Puisse le Maître Bouddha m’accepter, à partir de ce jour, comme un de ses disciples laïcs jusqu’à la fin de mes jours ! »

4.35.   Ensuite, Pukkusa dit à un homme : « Va me chercher deux ensembles de beaux vêtements tissés d’or, brunis et prêts à porter. » « Bien, Maître », répondit l’homme et c’est ce qu’il fit. Pukkusa offrit les vêtements au Bouddha en disant : « Voici, Maître, deux beaux ensembles de vêtements tissés d’or. Que le Maître les accepte avec joie ! » « Eh bien, Pukkusa, habille-moi dans un ensemble et Ananda dans l’autre. » « Très bien, Maître », dit Pukkusa et c’est ce qu’il fit.

4.36.   Puis le Bouddha instruisit Pukkusa, l’inspira, l’enflamma et le délecta d’un discours sur le Dhamma. Ensuite Pukkusa se leva de son siège, salua le Bouddha, le contourna par la droite et partit.

4.37.   Peu après le départ de Pukkusa, Ananda, ayant revêtu le Bouddha d’un ensemble de vêtements dorés, constata qu’ils paraissaient ternes par rapport à l’éclat de la peau du Bouddha. Il dit : « C’est extraordinaire, Maître, c’est merveilleux comme la peau du Maître apparaît claire et lumineuse ! Elle semble même plus lumineuse que les vêtements d’or qui l’habillent. » « C’est exact, Ananda. Il y a deux occasions où la peau du Tathagata apparaît particulièrement claire et lumineuse. Quelles sont-elles ? L’une est la nuit où le Tathagata atteint l’Eveil suprême, l’autre la nuit où il atteint l’élément du nibbāna sans le moindre résidu, à la fin de sa vie. A ces deux occasions, la peau du Tathagata apparaît particulièrement claire et lumineuse.

4.38.   « Ce soir, Ananda, au dernier quart, dans la forêt de salas des Mallas près de Kusinara, entre deux arbres salas, le Tathagata vivra ses derniers instants. Et maintenant, Ananda, allons à la rivière Kakuttha. » « Très bien, Maître », dit Ananda.
Deux vêtements d’or furent l’offrande de Pukkusa
Plus lumineux que son vêtement, le corps du Maître brillait.

4.39.   Puis le Bouddha se dirigea, avec un grand nombre de moines, vers la rivière Kakuttha. Il entra dans l’eau, se baigna et but. En sortant, il alla au verger de mangues où il dit au vénérable Cundaka : « Viens, Cundaka, plie un vêtement en quatre pour moi. Je suis fatigué et je souhaite m’allonger. » « Très bien, Maître », dit Cundaka et c’est ce qu’il fit.

4.40.   Le Bouddha adopta la posture du lion, allongé sur le côté droit, un pied posé sur l’autre, avec attention et une claire conscience, décidant en esprit l’heure de son réveil. Le vénérable Cundaka s’assit face au Bouddha.

4.41.   Le Bouddha, étant allé à la rivière Kakuttha
Dont les eaux sont claires, lumineuses et agréables,
Le Maître y plongea son corps las.
Le Tathagata — sans égal en ce monde.
Entouré des moines dont il était le chef.
Le Maître et le Bouddha, Gardien du Dhamma,
Au verger des Mangues le grand Sage est allé
Et au moine Cundaka il a dit :
« Sur un vêtement plié en quatre je m’allongerai »
Ainsi, à la demande du grand Expert,
Cundaka a placé le vêtement plié en quatre.
Le Maître allongea ses membres las pour se reposer
Tandis que Cundaka montait la garde près de lui.

4.42.   Plus tard, le Bouddha dit au vénérable Ananda : « Il se pourrait, Ananda, que Cunda le forgeron soit pris de remords en pensant : ‘C’est de ta faute, ami Cunda, c’est à cause de ta mauvaise action que le Tathagata a atteint le nibbāna ultime après avoir pris son dernier repas chez toi !’ Mais le remords de Cunda devrait être chassé par ces mots : ‘C’est ton mérite, Cunda, c’est ta bonne action, que le Tathagata ait atteint le nibbāna ultime après avoir pris son dernier repas chez toi ! Car, ami Cunda, j’ai entendu et compris, de la bouche même du Bouddha, que ces deux offrandes de nourriture portent de très grands fruits, de très grands résultats, plus bénéfiques et avantageuses que nulle autre. Quelles sont ces deux offrandes ? L’une est l’offrande de la nourriture que le Tathagata a mangée juste avant d’atteindre l’Eveil et l’autre celle avant laquelle il atteint l’élément de nibbāna sans résidu à ses derniers instants. Ces deux offrandes de nourriture sont plus bénéfiques et profitables que nulle autre. L’action de Cunda aura pour conséquence une longue vie, une belle apparence, le bonheur, la renommée, le paradis et la noblesse.’ Ainsi, Ananda, le remords de Cunda sera chassé. »

4.43.   Ayant réglé cette question, le Bouddha prononça alors les vers suivants :
« Par le don, le mérite grandit, par le renoncement, la haine est maîtrisée
Celui qui est accompli abandonne les mauvaises choses
Quand l’avidité, la haine et la folie disparaissent, le nibbāna est atteint. »

[Fin de la quatrième section de récitation]

5.1.       Le Bouddha dit : « Ananda, traversons la rivière Hiraññavati et allons à la forêt de salas des Mallas, près de Kusinara. » « Très bien, Maître », dit Ananda et le Bouddha, accompagné de nombreux moines, franchit la rivière et se dirigea vers la forêt de salas. Là, le Bouddha dit : « Ananda, prépare-moi un lit entre ces deux arbres salas, avec la tête au nord. Je suis fatigué et je souhaite m’allonger.’ « Très bien, Maître », dit Ananda et c’est ce qu’il fit. Ensuite le Bouddha s’allongea sur le côté droit, dans la posture du lion, un pied posé sur l’autre, attentif et clairement conscient.

5.2.       Alors ces deux arbres salas firent jaillir une abondance de fleurs totalement inattendues en cette saison, dont les pétales tombèrent sur le corps du Tathagata, se répandant et le couvrant en hommage. Des fleurs du divin arbre coral tombèrent du ciel, se répandant et couvrant le corps du Tathagata en hommage. Une musique et un chant divins parvenaient des cieux en hommage au Tathagata.

5.3.       Le Bouddha dit alors : « Ananda, ces arbres salas ont fait jaillir une abondance de fleurs inattendues en cette saison … Une musique et un chant divins sont parvenus des cieux en hommage au Tathagata. Jamais auparavant le Tathagata n’avait été aussi honoré, révéré, estimé, adoré et vénéré. Et pourtant, Ananda, tout moine, nonne, homme ou femme laïc qui pratique correctement le Dhamma et suit la voie du Dhamma à la perfection, honore le Tathagata, le révère, l’estime et lui rend l’hommage suprême. En conséquence, Ananda, que ces mots soient votre devise : ‘Nous pratiquerons le Dhamma correctement et nous suivrons la voie du Dhamma à la perfection’. »

5.4.       A ce moment-là, le vénérable Upavana se tenait devant le Bouddha et l’éventait. Le Bouddha lui demanda de bouger : « Mets-toi sur le côté, moine, ne te tiens pas devant moi. » Le vénérable Ananda se dit : « Ce vénérable Upavana assiste le Bouddha depuis longtemps, il est toujours à proximité, prêt à répondre à ses moindres désirs et maintenant, en sa dernière heure, le Maître lui demande de se mettre de côté et de ne pas se tenir devant lui. Mais pourquoi donc fait-il cela ? »

5.5.       Alors il posa la question au Bouddha. « Ananda, les dévas de dix sphères de mondes se sont réunis pour voir le Tathagata. Sur une distance de dix-huit kilomètres autour de la forêt de salas des Mallas près de Kusinara, il n’y a pas un espace de la taille d’un cheveu qui ne soit rempli de puissants dévas, et ils protestent en disant : ‘Nous venons de loin pour voir le Tathagata. Il est rare qu’un Tathagata, un Bouddha pleinement éveillé vienne au monde et ce soir, dans le dernier quart de la nuit, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime et ce grand et robuste moine se tient devant le Maître et nous empêche de porter un dernier regard sur le Tathagata !’ »

5.6.       « Mais, Maître, quelle sorte de dévas le Maître perçoit-il ? » « Ananda, il y a des dévas du ciel dont l’esprit est lié à la terre ; ils pleurent et s’arrachent les cheveux, lèvent les bras, se jettent par terre, se tortillent et tournent sur eux-mêmes en pleurant : ‘Bien trop tôt, le Bienheureux Maître s’éteint ; bien trop tôt Celui qui a parcouru tout le Chemin s’éteint ; bien trop tôt l’Œil du Monde disparaît !’ Et il y a des dévas de la terre dont l’esprit est lié à la terre et qui se lamentent de même. Mais les dévas qui sont libres de tout désir supportent la situation en disant : ‘Toutes les choses composées sont impermanentes — alors, à quoi bon tout cela ?’ »

5.7.       « Maître, auparavant les moines qui avaient passé la saison des pluies dans différents endroits avaient l’habitude de venir voir le Tathagata et nous les accueillions de sorte que de tels moines, bien entraînés puissent vous voir et vous rendre hommage. Mais avec le départ du Maître, nous n’aurons plus l’occasion de le faire. »

5.8.       « Ananda, il y a quatre lieux dont la vue devrait éveiller l’émotion dans le cœur du fidèle. Quels sont-ils ? ‘Ici naquit le Tathagata’, est le premier. ‘Ici le Tathagata a atteint l’Eveil suprême’, est le second. ‘Ici le Tathagata a mis en marche la Roue du Dhamma’, est le troisième. ‘Ici le Tathagata a atteint l’élément du nibbāna sans résidu’ est le quatrième. Et, Ananda, les fidèles moines et nonnes, hommes et femmes laïcs visiteront ces lieux. Et ceux qui mourront sur la route du pèlerinage à ces sanctuaires, le cœur plein de dévotion, renaîtront, après la mort au moment de la dissolution du corps, dans une sphère céleste. »

5.9.       « Maître, comment devrions-nous agir par rapport aux femmes ? » « Ne les voyez pas, Ananda. » « Mais si nous les voyons, comment devrions-nous nous comporter ? » « Ne leur parlez pas, Ananda. » « Mais si elles nous parlent, Maître, comme devrions-nous nous comporter ? » « Pratiquez l’attention, Ananda. »

5.10.   « Maître, que ferons-nous du corps du Tathagata ? » « Ne vous préoccupez pas des arrangements funéraires, Ananda. Vous devez vous efforcer d’atteindre le but le plus élevé, vous consacrer au but le plus élevé et rester présents à votre esprit infatigablement, consacrés avec zèle au but le plus élevé. Il y a de sages Khattiyas, des brahmanes et des pères de famille qui sont dévoués au Tathagata : ce sont eux qui se chargeront des funérailles. »

5.11.   « Mais, Maître, que devrons-nous faire du corps du Tathagata ? » « Ananda, il faudra le traiter comme le corps d’un monarque qui a fait tourner la roue. » « Et comment est-ce, Maître ? » « Ananda, le corps d’un monarque qui a fait tourner la roue est enveloppé dans une toile de lin. Il est ensuite enveloppé dans du coton cardé et puis dans une étoffe neuve. Ayant ainsi fait cinq cents fois chacun, on enferme le corps du roi dans une cuve à huile en fer, elle-même couverte d’un autre pot en fer. Puis, ayant préparé un bûcher de toutes sortes de senteurs, on incinère le corps du roi et on élève un stupa à un carrefour de routes. Voilà, Ananda, comment on traite le corps d’un monarque qui a fait tourner la roue et c’est ainsi que l’on devra traiter le corps du Tathagata. Un stupa sera érigé au carrefour des routes pour le Tathagata. Et quiconque y mettra des guirlandes ou de doux parfums et des couleurs avec un cœur plein de dévotion en retirera bienfait et bonheur pendant longtemps.

5.12.   « Ananda, il y a quatre personnes dignes d’un stupa. Qui sont-elles ? Un Tathagata, un arahant, un Bouddha pleinement éveillé en est un ; un Pacceka Bouddha en est un ; un disciple du Tathagata en est un ; et un monarque qui a fait tourner la roue en est un. Et pourquoi ceux-ci sont-ils dignes d’un stupa ? Parce que, Ananda, en pensant : ‘Voici le stupa d’un Tathagata, d’un Pacceka Bouddha, d’un disciple du Tathagata, d’un monarque qui a fait tourner la roue’, le cœur des gens s’apaise et, plus tard, au moment de la dissolution de leur corps après la mort, ils iront vers une bonne destinée et s’élèveront dans un monde céleste. Telle est la raison et tels sont les quatre êtres dignes d’un stupa. »

5.13.   Le vénérable Ananda alla dans ses quartiers et, appuyé au chambranle de la porte, se lamenta : « Hélas, je suis encore un élève qui a beaucoup à apprendre ! Et le Maître va partir, lui qui a eu tant de compassion pour moi ! »
Ensuite, le Bouddha demanda aux moines où était Ananda et ils le lui dirent. Il dit alors à un certain moine : « Va, moine et dit à Ananda de ma part : ‘Ami Ananda, le Maître te fait appeler.’ » « Très bien, Maître », dit le moine et c’est ce qu’il fit. « Très bien ami », répondit Ananda à ce moine et il alla voir le Bouddha, le salua et s’assit sur le côté.

5.14.   Le Bouddha dit : « Il suffit, Ananda. Cesse de pleurer et de te lamenter ! Ne t’ai-je pas déjà dit que toutes les choses qui sont plaisantes et agréables sont changeantes et soumises à la séparation et à la transformation ? Alors comment serait-il possible, Ananda, —puisque tout ce qui est né, devenu et composé est sujet à la dissolution — comment serait-il possible qu’il ne meure pas ? Pendant longtemps, Ananda, tu as été en présence du Tathagata, faisant preuve de bonté en actes, en paroles et en esprit, de manière bénéfique, bienveillante, de tout ton cœur et sans retenue. Tu as eu beaucoup de mérite, Ananda. Fais l’effort et, très vite, tu seras libre des pollutions de l’esprit. »

5.15.   Puis le Bouddha s’adressa aux moines : « Moines, tous ceux qui, dans le passé, ont été arahants, des Bouddhas pleinement éveillés, ont eu un assistant responsable comme Ananda et, de même, tous les Maîtres bienheureux qui viendront dans le futur. Moines, Ananda est sage. Il sait quel est le moment juste pour conduire des moines auprès du Tathagata, quand est le moment juste pour des nonnes, pour des hommes laïcs, pour des femmes laïques, pour des rois, pour des ministres, pour les représentants d’autres écoles et pour leurs disciples.

5.16.   « Ananda a quatre qualités remarquables et merveilleuses. Quelles sont-elles ? Si un groupe de moines vient voir Ananda, ils sont heureux à sa simple vue ; quand Ananda parle du Dhamma, ils sont heureux ; et quand il se tait, ils sont déçus. Il en est de même pour les nonnes et pour les laïcs hommes et femmes. Ces quatre qualités s’appliquent aussi à un monarque qui a fait tourner la roue : quand un groupe de Khattiyas, de brahmanes, de maîtres de maison ou d’ascètes vient le voir, ils sont heureux à sa simple vue et quand il leur parle, et quand il se tait, ils sont déçus. Il en va de même pour Ananda. »

5.17.   Après cela, le vénérable Ananda dit : « Maître, puisse le Bouddha bienheureux ne pas s’éteindre dans cette pauvre petite ville en torchis au fin fond de la jungle ! Maître, il y a d’autres grandes cités comme Campa, Rajagaha, Savatthi, Saketa, Kosambi ou Varanasi. En ces lieux, il y a de riches Khattiyas, brahmanes et maîtres de maison qui sont tout dévoués au Tathagata et qui se chargeraient des funérailles du Tathagata comme il convient. »
« Ananda, n’appelle pas ce lieu une pauvre petite ville en torchis au fin fond de la jungle !

5.18.   « Autrefois, Ananda, vivait ici le roi Mahasudassana. C’est un monarque qui fit tourner la roue, un roi droit et juste qui conquit le pays dans les quatre directions et assura la sécurité de son royaume. Il possédait les sept trésors. Et, Ananda, ce roi Mahasudassana avait cette même ville de Kusinara, sous le nom de Kusavati, pour capitale. Elle faisait dix-huit kilomètres de long de l’est à l’ouest et dix kilomètres de large du nord au sud. Kusavati était riche, prospère et bien peuplée, elle abritait une foule de gens et était bien pourvue en nourriture. Tout comme la cité de dévas de Alakamanda est riche, prospère, bien peuplée, avec une foule de yakkhas et bien pourvue en nourriture, ainsi était la royale cité de Kusavati. Et, de jour comme de nuit, dans la cité de Kusavati, résonnaient les dix bruits : le bruit des éléphants, des chevaux, des attelages, des timbales, des caisses claires, des luths, des chants, des cymbales et des gongs, le dixième étant des cris de : ‘Mangez, buvez et soyez joyeux !’

5.19.   « Et maintenant, Ananda, va à Kusinara et annonce aux Mallas qui y vivent : « Ce soir, Vasetthas, au dernier quart de la nuit, le Tathagata atteindra le nibbāna ultime. Allez vers lui, Vasetthas, allez vers lui de crainte que vous ne le regrettiez plus tard en disant : ‘Le Tathagata s’est éteint dans notre voisinage et nous n’avons pas saisi l’occasion de le voir une dernière fois !’ » « Très bien, Maître », dit Ananda et, prenant son vêtement et son bol, il partit avec un compagnon pour Kusinara.

5.20.   A ce moment-là, les Mallas de Kusinara étaient assemblés dans leur salle de réunion pour affaire. Ananda vint à eux et leur rapporta les paroles du Bouddha.

5.21.   Quand ils entendirent les paroles d’Ananda, les Mallas ainsi que leurs fils, leurs belles-filles et leurs épouses, furent frappés d’angoisse et de peine, leur esprit était saisi par le chagrin, de sorte qu’ils se mirent tous à pleurer et à s’arracher les cheveux … Puis ils allèrent tous à la forêt de salas où se trouvait le vénérable Ananda.

5.22.   Alors Ananda se dit : « Si je laisse les Mallas de Kusinara saluer le Maître individuellement, la nuit sera passée avant qu’ils lui aient tous rendu hommage. Je ferais mieux de les laisser rendre hommage famille par famille, en disant : ‘Maître, le Malla Untel avec ses enfants, son épouse, ses serviteurs et ses amis se tiennent aux pieds du Bouddha et lui rendent hommage.’ » Il les présenta donc de cette manière et permit ainsi à tous les Mallas de Kusinara de rendre hommage au Bouddha dans le premier quart de la nuit.

5.23.   A ce moment-là, un ascète errant du nom de Subhadda était à Kusinara et il entendit dire que l’ascète Gautama était sur le point d’atteindre le nibbāna ultime dans le dernier quart de cette nuit. Il se dit : « J’ai entendu dire par de vénérables maîtres, avancés en âge, maîtres de maîtres, qu’un Tathagata, un Bouddha pleinement éveillé, n’apparaît que rarement dans le monde. Et ce soir, au dernier quart, l’ascète Gautama va atteindre le nibbāna ultime. Un doute est apparu dans mon esprit et je suis sûr que l’ascète Gautama pourra m’enseigner une doctrine pour dissiper ce doute. »

5.24.   Alors, Subhadda se dirigea vers la forêt de salas des Mallas où se trouvait le vénérable Ananda et lui fit part de ses pensées : « Vénérable Ananda, puis-je avoir la permission de voir l’ascète Gautama ? » Mais Ananda répliqua : « Il suffit, ami Subhadda, ne dérange pas le Tathagata ; le Maître est las.’ Subhadda répéta sa demande une deuxième puis une troisième fois mais Ananda persista dans son refus.

5.25.   Mais le Bouddha avait entendu cette conversation entre Ananda et Subhadda, et il appela Ananda : « Il suffit, Ananda ! N’arrête pas Subhadda. Laisse-le voir le Tathagata car, quoi qu’il me demande, il le demandera en vue de l’Eveil et pas pour m’ennuyer, et ce que je dirai en réponse à ses questions, il le comprendra rapidement. » Alors Ananda dit : « Avance, ami Subhadda. Le Maître te donne sa permission. »

5.26.   Alors Subhadda s’approcha du Bouddha, échangea des politesses avec lui puis s’assit sur le côté et dit : « Vénérable Gautama, tous ces ascètes et brahmanes qui ont des communautés et des disciples, qui sont des maîtres, célèbres et renommés en tant que fondateurs d’écoles et généralement considérés comme des saints — comme Pūrana, Kassapa, Makkhali Gosala, Ajita Kesakambali, Pakudha Kaccayana, Sañjaya Belatthaputta et le Nigantha Nataputta — ont-ils tous réalisé la vérité comme ils le laissent entendre ou bien aucun d’entre eux ne l’a-t-il réalisée ou bien certains l’ont-ils réalisée et d’autres pas ? » « Il suffit, Subhadda, peu importe que tous, aucun ou certains aient réalisé la vérité. Je vais t’enseigner le Dhamma, Subhadda. Ecoute, sois très attentif et je te parlerai. » « Oui, Maître », dit Subhadda. Alors le Bouddha dit :

5.27.   « Dans tout Dhamma ou discipline qui ne contient pas le Noble Octuple Sentier, on ne trouvera pas d’ascète du premier, deuxième, troisième ou quatrième niveau. Mais de tels ascètes du premier, deuxième, troisième et quatrième niveaux se trouvent dans un Dhamma et une discipline qui contiennent le Noble Octuple Sentier. Or, Subhadda, ce Dhamma et cette discipline contiennent effectivement le Noble Octuple Sentier et on y trouve des ascètes de premier, deuxième, troisième et quatrième niveaux. Ces autres écoles n’ont pas de [véritables] ascètes mais si, dans celle-ci, les moines parvenaient à mener leur vie à la perfection, le monde ne manquerait pas d’arahants.
C’est à l’âge de vingt-neuf ans
Que je suis parti à la recherche du Bien.
A présent plus de cinquante années se sont écoulées
Depuis le jour où je suis parti en quête
Pour parcourir le royaume de la loi de la sagesse
Hors duquel nul ascète ne peut être
[Du premier, deuxième, troisième ou quatrième niveau].
Les autres écoles en sont dénuées
Mais si ici les moines vivent à la perfection,
Le monde ne manquera pas d’arahants.

5.28.   A ces mots, l’ascète errant Subhadda dit : « Excellent, Maître, excellent ! C’est comme si quelqu’un allait redresser ce qui avait été démoli ou montrer le chemin à celui qui était perdu ou apporter une lampe à pétrole dans un endroit sombre pour que ceux qui ont des yeux puissent voir ce qui s’y trouve. C’est exactement ainsi que le Maître a présenté le Dhamma de différentes façons. Et moi, Maître, je prends refuge dans le bienheureux Bouddha, le Dhamma et le Sangha. Puissè-je recevoir l’ordination en présence du Maître ! Puissè-je recevoir l’ordination ! »

5.29.   « Subhadda, lorsque quelqu’un venant d’une autre école demande à être ordonné dans ce Dhamma et cette discipline, il doit attendre quatre mois en probation. Au bout de ces quatre mois, les moines les plus établis en esprit peuvent lui donner l’autorisation et l’ordonner au statut de moine. Cependant, cela peut dépendre des personnes. »
« Maître, si ceux qui viennent d’autres écoles doivent attendre quatre mois en probation, … j’attendrai quatre ans et puis je recevrai d’eux la permission et l’ordination ! » Mais le Bouddha dit à Ananda : « Que Subhadda soit ordonné ! » « Très bien, Maître », dit Ananda.

5.30.   Et Subhadda dit au vénérable Ananda : « Ami Ananda, c’est un magnifique privilège pour vous tous, un immense bienfait pour vous, d’avoir obtenu la consécration de l’état de disciple en présence du Maître. »
Puis Subhadda reçut l’autorisation et l’ordination en présence du Bouddha. Et, à dater de l’instant de son ordination, le vénérable Subhadda, seul, isolé, inlassablement, plein de zèle et de détermination, atteignit en peu de temps ce pour quoi de jeunes gens de bonne famille quittent leur foyer pour une vie errante, cette culmination sublime de la noble vie monastique.  L’ayant réalisée ici et maintenant par sa propre vision pénétrante et l’ayant renforcée dans le temps, il sut : « La naissance est détruite ; la noble vie a été vécue ; ce qui devait être accompli a été accompli : il n’y aura plus de retour sous aucune forme d’existence. » Et le vénérable Subhadda devint un nouvel arahant parmi les autres.

* * * * *

6.1.       Le Bouddha dit à Ananda : « Ananda, il est possible que tu te dises :’L’instruction du Maître a cessé. Désormais nous n’avons plus d’enseignant ! » Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut voir les choses, Ananda, car ce que je vous ai enseigné et expliqué en tant que Dhamma et discipline sera, après ma disparition, votre enseignant.

6.2.       « Et, alors que les moines ont l’habitude de s’adresser les uns aux autres en disant ‘ami’, cette coutume devra être abrogée après ma disparition. Les moines les plus anciens s’adresseront aux plus nouveaux par leur nom, leur clan ou en disant ‘ami’, tandis que les moines les plus nouveaux devront s’adresser à leurs aînés en disant soit ‘Maître’, soit ‘Vénérable’.

6.3.       « Si elle le souhaite, la communauté peut abolir les règles mineures après ma disparition.

6.4.       « Après ma disparition, le moine Channa devra recevoir la punition-Brahma. » « Mais, Maître, qu’est-ce que la punition-Brahma ? » « Quoi qu’il désire ou dise, le moine Channa ne recevra aucune parole, semonce ou instruction de la part des autres moines. »

6.5.       Puis le Bouddha s’adressa aux moines en disant : « Il se peut, moines, qu’un moine ait des doutes sur le Bouddha, le Dhamma ou le Sangha ou sur la voie ou la pratique. Posez des questions, moines ! Inutile, plus tard, d’avoir des regrets et de vous dire : ‘Le Maître était là devant nous et nous n’avons pas osé lui poser de question face à face !’ » A ces mots, les moines restèrent silencieux. Le Bouddha répéta ses paroles une deuxième fois et une troisième fois mais les moines continuèrent à garder le silence. Alors le Bouddha dit : « Peut-être, moines, ne posez-vous pas de question par respect pour le Maître. Dans ce cas, moines, qu’un ami le dise à un autre. » Mais ils continuèrent à garder le silence.

6.6.       Alors le vénérable Ananda dit : « C’est merveilleux, Maître, c’est extraordinaire ! Je ressens très clairement que, dans cette assemblée, il n’y a pas un seul moine qui ait des doutes ou soit incertain … » « Ananda, c’est ta foi qui parle. Mais le Tathagata sait que, dans cette assemblée, il n’y a pas un seul moine qui ait des doutes ou soit incertain à propos du Bouddha, du Dhamma ou du Sangha ou à propos de la voie ou de la pratique. Ananda, chacun de ces cinq cents moines a atteint « le courant » et ne pourra plus retomber dans des états de souffrance, certain d’atteindre un jour le nibbāna. »

6.7.       Puis le Bouddha dit aux moines : « A présent, moines, je vous exhorte : il est dans la nature de toute chose conditionnée de se désagréger — alors, faites tout votre possible, inlassablement, en étant à tout moment pleinement attentifs, présents et conscients. » Telles furent les dernières paroles du Bouddha.

6.8.       Le Bouddha entra alors dans le premier jhāna. Puis, quittant cet état, il entra dans le second, le troisième, le quatrième jhāna. Ensuite, quittant le quatrième jhāna, il entra dans la dimension de l’Espace infini, puis dans la dimension de la Conscience infinie, puis dans la dimension de la Vacuité, puis dans la dimension de Ni-perception-ni-non-perception et, quittant celle-ci, il atteignit la Cessation de toute sensation et de toute perception.
Alors le vénérable Ananda dit au vénérable Anuruddha : « Vénérable Anuruddha, le Bouddha s’est éteint. » « Non, ami Ananda, le Bouddha ne s’est pas éteint, il a atteint la Cessation de toute sensation et de toute perception. »

6.9.       Alors le Bouddha, quittant la réalisation de la Cessation de toute sensation et de toute perception, entra dans la dimension de Ni-perception-ni-non-perception, de là il entra dans la dimension de la Vacuité, la dimension de la Conscience infinie, la dimension de l’Espace infini. Depuis la dimension de l’Espace infini, il entra dans le quatrième jhāna, de là il passa au troisième, au second puis au premier jhāna. Quittant le premier jhāna, il entra dans le second, le troisième et le quatrième jhāna. Enfin, quittant le quatrième jhāna, le Bouddha s’éteignit.

6.10.   Au moment de l’extinction du Bouddha, il y eut un grand tremblement de terre, terrible, à faire se dresser les cheveux sur la tête, accompagné de tonnerre. Et Brahma Sahampati prononça ce verset :
« Tous les êtres du monde, tous les corps doivent se désagréger :
Le Maître lui-même, incomparable dans le monde des humains,
Le Puissant et parfait Bouddha, éveillé par lui-même, s’est éteint. »
Et Sakka, le chef des dévas, prononça ce verset :
« Impermanentes sont les choses composées, sujettes à l’apparition et la disparition
Etant apparues, elles se dispersent ; leur disparition ultime est félicité. »
Et le vénérable Anuruddha prononça ce verset :
« Pas d’inspiration ni d’expiration — Celui qui était Ainsi, dont le cœur était ferme,
Le Sage libre du désir s’est éteint dans la paix.
L’esprit inébranlable, il a enduré toutes les peines :
Par le nibbāna, l’esprit de l’Eveillé est libéré. »
Et le vénérable Ananda prononça ce verset :
« Terrible fut le tremblement de terre,
Les cheveux des hommes se sont dressés sur leur tête
Quand le Bouddha parfaitement accompli s’est éteint. »
Et les moines qui n’avaient pas encore dépassé leurs émotions pleurèrent, s’arrachèrent les cheveux, levèrent les bras, se jetèrent par terre, se tortillèrent et tournèrent sur eux-mêmes en pleurant : « Bien trop tôt, le Bienheureux Maître s’est éteint ; bien trop tôt Celui qui a parcouru tout le Chemin s’est éteint ; bien trop tôt l’Œil du Monde a disparu ! » Mais les moines qui étaient libres de tout désir demeurèrent attentifs et clairement conscients en disant : « Toutes les choses composées sont impermanentes — alors, à quoi bon tout cela ? »

6.11.   Plus tard, le vénérable Anuruddha dit : « Amis, à présent cessez vos pleurs et vos lamentations ! Le Maître ne vous a-t-il pas dit que toutes les choses qui sont agréables et délicieuses sont changeantes, sujettes à la séparation et à devenir autres ? Alors pourquoi tout cela, amis ? Tout ce qui est né, qui est devenu et qui est composé est sujet au déclin — qu’il ne décline pas est impossible. Les dévas, mes amis, protestent. »

6.12. « Vénérable Anuruddha, quelle sorte de dévas percevez-vous ? » « Ami Ananda, il y a des dévas du ciel dont l’esprit est lié à la terre ; ils pleurent et s’arrachent les cheveux … Et il y a des dévas de la terre dont l’esprit est lié à la terre et qui se lamentent de même. Mais les dévas qui sont libres de tout désir supportent patiemment en disant : ‘Toutes les choses composées sont impermanentes — alors, à quoi bon tout cela ?’ »

6.13.   Puis le vénérable Anuruddha et le vénérable Ananda passèrent le reste de la nuit en conversation sur le Dhamma. Puis le vénérable Anuruddha dit : « Et maintenant, ami Ananda, va à Kusinara et annonce aux Mallas : « Vasetthas, le Bouddha s’est éteint. Le moment est venu pour vous d’agir comme vous le jugerez bon. » « Oui, Maître », dit Ananda et, s’étant habillé le matin, il prit son bol et son vêtement, et partit avec un compagnon pour Kusinara.