Le Dhamma de la Forêt |
Il y a de nombreuses couches d’auto-tromperie. Plus vous pratiquez et vous analysez les choses, moins vous avez envie de proclamer que vous savez. Au contraire, vous ne voyez plus que le mal que causent les nombreuses facettes de votre ignorance et de votre stupidité. Votre analyse des poisons de l’esprit devient de plus en plus subtile. Avant, vous ne saviez pas, alors vous preniez vos opinions pour du savoir parce que vous croyiez que vous saviez. Mais ces opinions ne sont pas une véritable connaissance ; elles sont le fruit d’une compréhension qui provient des mots que l’on met sur les choses. Pourtant, nous croyons qu’il s’agit d’un savoir et nous croyons que nous savons. C’est en soi une auto-tromperie très élaborée.
Il faut donc bien observer, bien analyser ces idées qui nous viennent. Parfois, elles se jouent ouvertement de nous et c’est là que les choses deviennent vraiment graves parce que nous ne savons pas que nous nous trompons nous-mêmes ; nous croyons que nous sommes ceux qui savent. Nous sommes peut-être capables de bien parler de tel ou tel sujet mais notre connaissance est simplement la mémoire des mots. Nous croyons que les mots sont sagesse, que les pensées sont sagesse ou que la conscience des expériences sensorielles est sagesse, et c’est ainsi que nous mélangeons tout. En conséquence, nous sommes charmés par toutes les bribes de connaissance qui pénètrent notre esprit et le modèlent, alors qu’il ne s’agit que d’illusions au sein de la conscience. Quant à la conscience authentique, il y en a très peu, alors que la conscience trompeuse nous entoure de toutes parts.
Nous devons donc contempler et investiguer de façon à voir au travers de ces illusions avec une pleine conscience. C’est ce qui vous permettra de lire votre esprit. Si votre attention s’échappe, ne la suivez pas ; arrêtez-vous et tournez-vous plutôt vers l’intérieur. Tout ce qui s’infiltre pour influencer l’esprit, vous devez le voir avec sagesse. Vous ne pouvez pas l’interdire car c’est quelque chose de naturel et vous ne devez pas non plus essayer de trop barricader l’esprit. Veillez simplement sur votre qualité de présence pour voir jusqu’où elle va, le degré de vérité qu’il lui reste dans ces moments-là, comment elle disparaît puis apparaît de nouveau. Vous devez l’observer encore et encore. Le simple fait d’observer ainsi vous permettra de lire en vous, de voir les liens de cause à effet en vous-même et de connaître en profondeur. C’est ce qui rendra votre attention et votre discernement de plus en plus fins et efficaces. Si vous ne pratiquez pas ainsi, l’esprit restera dans l’obscurité. Il y aura peut-être un peu de vide ou un peu de calme de temps en temps et vous déciderez que c’est bien suffisant.
Mais si vous connaissez l’histoire du Bouddha, vous savez que, quelle que soit la valeur des connaissances qu’il pouvait acquérir, il ne s’y arrêtait pas. Il se disait toujours : « Cela va sûrement plus loin ». Il a commencé par développer l’attention et la claire compréhension dans toutes ses activités mais ensuite il s’est dit : « Il y a certainement plus à faire ; il faut aller plus loin ». Tandis que nous, nous sommes toujours prêts à nous vanter de nos moindres réalisations. Nous travaillons à développer tel ou tel facteur pendant un certain temps puis nous disons que nous savons déjà tout de lui, que nous ne sommes pas obligés de continuer à le développer davantage. En conséquence, les principes de notre attention s’affaiblissent à cause de notre présomption et de notre vanité.