Le Dhamma de la Forêt |
Il est très bénéfique pour nous d’avoir pratiqué le Dhamma en nous observant étape par étape et d’avoir ainsi été amenés, jusqu’à un certain point, à prendre conscience de la vérité. En effet, chacun doit trouver la vérité en soi : la vérité de l’insatisfaction ou de la souffrance, sa cause et la voie qui mène à sa dissolution. Si nous n’avons pas conscience de cela, nous tombons dans la même souffrance que le reste du monde. Nous sommes venus vivre dans un centre où l’on pratique le Dhamma mais, si nous ne connaissons pas ces vérités, nous n’en retirons aucun bienfait. La seule différence avec une vie à la maison, c’est que nous observons les préceptes. Si nous ne voulons pas nous fourvoyer dans notre pratique, nous devons absolument connaître ces vérités. Sinon, nous nous fourvoyons en cherchant du plaisir au milieu des insatisfactions et des souffrances que nous offre le monde.
Notre pratique consiste à contempler notre paysage intérieur jusqu’à comprendre la souffrance et sa cause – en d’autres termes, prendre conscience des poisons intérieurs dont la virulence peut influencer notre cœur et notre esprit. C’est seulement parce que nous avons cette pratique que nous pouvons dissoudre ces poisons, que nous pouvons dissoudre la souffrance chaque jour et à tout moment. C’est tout à fait extraordinaire. Ceux qui ne pratiquent pas ne peuvent pas l’imaginer alors même qu’ils vivent prisonniers de toutes sortes de poisons mentaux et d’insatisfaction. Ils se laissent mener par le bout du nez vers de plus en plus de souffrance sans jamais réaliser ce qui leur arrive. Si nous n’entrons pas en contact avec le Dhamma, si nous ne le pratiquons pas, nous passons par la naissance et par la mort uniquement pour créer du karma entre nous et pour continuer à tourner dans une ronde de souffrance et d’insatisfaction.
Nous devons méditer jusqu’à vraiment voir l’insatisfaction. C’est alors que nous cesserons de nous y complaire et que nous essaierons de la dissoudre ou de nous en libérer. Quand on pratique, il s’agit donc de se battre pour remporter la victoire sur l’insatisfaction et la souffrance en obtenant des résultats toujours meilleurs d’une fois sur l’autre. Quelles que soient les erreurs que nous commettons ou la manière dont nous les commettons, nous devons essayer de ne pas les refaire. Nous devons également prendre conscience du mal et de la souffrance causés par les poisons intérieurs les plus subtils, les désirs et les attachements. Voilà pourquoi nous devons plonger au plus profond de notre cœur car, si nous en restons au niveau superficiel du vide de l’esprit, nous n’obtiendrons absolument aucune connaissance profonde.
Nous entraînons donc l’esprit à être présent et fermement centré, à focaliser le regard sur l’intérieur, à connaître l’intérieur. Ne le laissez pas être distrait par l’extérieur. Quand il se fixera sur l’intérieur, il en viendra à connaître la vérité, la vérité de la souffrance et la vérité des causes de la souffrance – poisons intérieurs, désirs et attachements – au moment où elles apparaissent. Il verra à quoi elles ressemblent et saura continuer l’investigation en profondeur pour les dissoudre.
Au bout du compte, la pratique se résume à un seul point parce qu’elle se focalise exclusivement sur une chose : la souffrance et sa cause. Telle est la question centrale de la vie humaine – les animaux souffrent d’ailleurs du même problème – mais notre ignorance nous trompe et nous pousse vers toutes sortes d’autres choses. C’est à cause de notre mauvaise compréhension et de nos opinions erronées. Si nous arrivons à la Vision Juste, nous voyons les choses correctement. A chaque fois que nous ressentons une insatisfaction, nous en voyons la nature réelle. Quand nous voyons la cause de l’insatisfaction, nous en voyons la véritable nature. Nous avons à la fois la connaissance et la vision justes parce que nous nous sommes focalisés dessus. Si vous ne focalisez pas votre attention sur l’insatisfaction, vous ne la comprenez pas mais, dès que vous le faites, vous y voyez clair. C’est parce que l’esprit ne s’est pas concentré sur ce point qu’il s’évade, inconscient, courant après toutes sortes de préoccupations.
Quand nous essayons de le calmer par la concentration, il se débat et résiste parce qu’il a l’habitude de vagabonder. Mais si nous continuons à focaliser notre attention, encore et encore, de plus en plus souvent, jusqu’à commencer à sentir la façon dont nous pouvons le maîtriser, la tâche finit par devenir plus facile parce que l’esprit ne se débat plus et ne s’évade plus vers d’autres préoccupations comme avant. Quel que soit son degré de résistance au départ, nous pouvons être sûrs que nous parviendrons à le maîtriser, à le calmer pour qu’il soit en paix. S’il ne se calme pas, vous devrez l’observer encore ; vous devrez lui montrer que vous êtes fermement décidé à réussir ce que vous avez entrepris. L’obstacle vient du fait que les poisons mentaux et les désirs sont très forts. On ne peut pas se permettre d’être faibles face à eux. Il faut être courageux, avoir l’attitude du guerrier prêt à se battre jusqu’à la mort et maintenir ses efforts à tout prix. Si tout ce qui vous intéresse, c’est trouver confort et plaisir, vous ne serez jamais libéré de la souffrance; vous devrez continuer à vivre sous son joug.
La force des poisons mentaux et des désirs s’infiltre dans tout notre être, de sorte qu’il nous est très difficile de connaître notre véritable nature. Ce que nous en savons est très superficiel, alors nous faisons l’école buissonnière, nous abandonnons le travail et concluons que la pratique du Dhamma n’est pas vraiment importante. Dès lors, nous n’essayons plus de nous discipliner et nous nous engageons, au contraire, dans toutes sortes de choses car telle est la voie que les poisons du mental ne cessent de nous montrer. Nous avançons à tâtons, faiblement, et nous voyons de moins en moins clairement l’insatisfaction parce que nous nous laissons aller aux désirs, nous mordons à tous les hameçons. Quand ils se plaignent du moindre inconfort, nous nous empressons de les satisfaire et avalons l’appât à nouveau. C’est parce que nous sommes tellement accoutumés à ces appâts que nous n’avons conscience ni de la force du désir – sans cesse à l’affût d’images, de sons, d’odeurs, de saveurs, etc. – ni du mal qu’il cause en nous rendant distraits et agités, incapables de rester immobiles pour observer ce qui se passe en nous. Nous passons notre temps à chercher des choses à faire ou à ruminer, nous nous faisons souffrir, et pourtant nous restons aveugles à tout cela.
Maintenant que nous sommes venus pratiquer le Dhamma, nous commençons à sentir comment les choses fonctionnent. C’est pourquoi tous ceux qui pratiquent sans complaisance constateront inévitablement que les poisons mentaux et l’insatisfaction vont diminuer peu à peu. Les échecs dans les domaines où nous étions toujours perdants deviennent des victoires. Là où nous étions brûlés par les poisons mentaux, nous avons maintenant l’attention et le discernement voulus pour les brûler, eux. C’est seulement quand nous cessons de tâtonner et que nous voyons les choses clairement que nous réalisons les bienfaits du Dhamma, l’importance de la pratique. A partir de là, il est impossible d’abandonner la pratique car quelque chose en nous, nous force à nous y tenir. Nous avons vu que, si nous ne pratiquons pas pour éliminer les poisons mentaux et l’insatisfaction, l’insatisfaction due aux poisons mentaux ne cessera de s’accumuler. Voilà pourquoi nous devons maintenir la pratique jusqu’à notre dernier soupir.
Vous devez être ferme, ne pas vous permettre d’être faible et aisément désorienté. Ceux qui ont développé l’attention et le discernement agiront naturellement de cette manière ; les autres continueront à suivre les poisons du mental et se retrouveront là où ils en étaient avant de commencer la pratique qui mène à la libération de la souffrance. Peut-être continueront-ils à pratiquer mais il est difficile de dire pourquoi – probablement pour se créer encore plus de tensions ! Cela montre qu’ils sont encore en train de tâtonner et quand ils tâtonnent ainsi, ils commencent à critiquer la pratique en disant qu’elle est inutile et détestable.
Quand une personne se soumet volontiers aux poisons mentaux et au désir, il est impossible qu’elle pratique correctement. En effet, quand on pratique, il faut se battre contre beaucoup de choses et savoir endurer. C’est comme pagayer à contre-courant : il faut déployer beaucoup de force si l’on veut avancer. Il n’est pas facile d’aller à contre-courant des poisons mentaux parce qu’ils sont prêts à vous tirer toujours plus bas. Si vous ne développez pas l’attention et le discernement, si vous n’utilisez pas le Dhamma du Bouddha pour vous examiner en profondeur, la force vous manquera. Quand on a peu d’attention et de discernement face à beaucoup de poisons mentaux, ce sont eux qui ont le dessus. Et si vous vivez avec des flatteurs aux belles paroles, vous vous éloignerez encore plus de la voie, vous vous engagerez dans toutes sortes de directions et vous oublierez la pratique.
Par conséquent, pratiquer le Dhamma, c’est aller à contre-courant, aller à l’encontre de la souffrance et de l’insatisfaction parce que la souffrance et l’insatisfaction sont les principaux problèmes. Si vous n’observez pas l’insatisfaction en profondeur, votre pratique ne mènera à rien. La souffrance doit être votre point de départ ; ensuite vous essayez d’en retracer la cause, d’en trouver la racine. Vous devez utiliser le discernement pour suivre la piste précise de l’origine de la souffrance car la souffrance est une conséquence. Une fois que vous avez vu la conséquence, vous devez retracer la cause. Ceux qui ont développé l’attention et le discernement ne sont jamais complaisants avec eux-mêmes. Quand la souffrance apparaît, ils recherchent toujours ses causes pour pouvoir les éliminer. Cette forme d’investigation peut être menée sur plusieurs niveaux, du plus grossier au plus raffiné, et nécessite que vous cherchiez conseil pour ne pas trébucher. Sinon, vous risquez de croire que vous pouvez tout comprendre dans votre tête mais cela ne fonctionnera pas du tout !
Les principes de base que le Bouddha nous a proposé d’utiliser dans notre contemplation sont nombreux mais il n’est pas indispensable de les apprendre tous. Se concentrer simplement sur les plus importants, comme les cinq agrégats ou le corps et l’esprit1, sera très utile. Par contre, il est important que vous continuiez à vous observer en profondeur et complètement – pas vous contenter d’un simple regard occasionnel – pour qu’un sentiment de détachement et de désengagement apparaisse et desserre l’emprise du désir. Utilisez l’attention en maintenant une surveillance constante et rapprochée des sens, et cette attention se fera bientôt plus présente que votre tendance à vous évader ailleurs. Quoi que vous fassiez, disiez ou pensiez, soyez attentif à tout ce qui pourrait vous faire déraper car, si vous maintenez votre attention avec ténacité, c’est ainsi que toutes vos souffrances et vos insatisfactions pourront disparaître.
Alors, maintenez cette attention. Si vous tombez cent fois, relevez-vous cent fois et reprenez votre position. La raison pour laquelle l’attention et le discernement sont lents à se développer, c’est que vous n’êtes pas vraiment sensible à vous-même. Plus vous développerez cette sensibilité, plus votre attention et votre discernement se renforceront. Comme l’a dit le Bouddha, bhavita bahulikata, c’est-à-dire « développez et agrandissez », autrement dit : tirez le maximum de votre attention.
La façon dont votre pratique s’est développée grâce à la méditation et à l’observation de l’esprit tout au long de la journée a déjà porté ses fruits dans une certaine mesure ; alors continuez à multiplier les efforts. Ne vous laissez pas affaiblir ou ramollir. Vous avez enfin une occasion à saisir ; pouvez-vous vous permettre de faire des manières ? Votre vie approche régulièrement de sa fin ; vous devez compenser cela en développant de plus en plus d’attention et de discernement jusqu’à atteindre la maturité dans le Dhamma. Sinon, vos poisons mentaux resteront nombreux et votre discernement sera maigre. Plus vous vieillissez, plus vous devez faire attention : nous savons tous ce qui arrive aux personnes âgées partout.
Alors, saisissez cet instant pour développer des qualités de confiance, persévérance, attention, concentration et discernement, de manière équilibrée. Continuez à observer et à approfondir, et vous vous protègerez des tentations du monde. Quelle que soit celle qui essaiera de vous attirer dans ses filets, vous savez, au fond de vous, que vous n’y tomberez pas car vous n’avez plus besoin de croire qui que ce soit d’autre ni d’espérer les appâts du monde – parce que les appâts du monde sont du poison. Le Dhamma doit être le refuge et la lumière de votre vie. Une fois acquis ce degré de confiance en vous-même, vous ne pourrez faire autrement qu’avancer sans jamais trébucher ni reculer. Par contre, si vous hésitez et errez, incapable de savoir si vous voulez continuer à pratiquer le Dhamma ou pas, prenez garde ! Vous serez inévitablement poussé dans le vide et tomberez dans le feu.
Si vous n’êtes pas libre en vous-même, vous êtes tiraillé de tous les côtés parce que le monde est rempli de choses qui ne cessent de vous attirer. Mais ceux qui ont l’intelligence de ne pas se laisser berner verront clairement par eux-mêmes la souffrance et le mal attachés à ces choses. C’est pour cette raison qu’ils ne s’aventurent vers rien de bas ; ils n’auront plus à souffrir dans le monde. Ils se sentent libres de toute passion. Ils perdent le goût des différents appâts et attraits que le monde peut offrir.
La pratique du Dhamma est ce qui nous permet de nous dégager de toutes les choses attirantes qui autrefois nous trompaient et nous liaient. Soyez conscient que la mort n’est pas loin ; nous ne sommes plus ici pour très longtemps ! Alors, même si quelqu’un nous offrait d’immenses richesses, pourquoi les voudrions-nous ? Qui pourrait vraiment les posséder ? Qui pourrait vraiment les maîtriser ?
Si vous comprenez cela, vous vous sentez détaché. C’est comme perdre ses illusions. Vous perdez votre goût pour les attraits du monde. Vous ne leur accordez plus de valeur. Si vous vous en servez, c’est pour les bienfaits qu’ils peuvent apporter en termes de Dhamma mais votre détachement demeure en continu. Même l’ensemble corps-esprit que vous considériez comme « moi » et « miens » se sont usés peu à peu et s’évanouissent. Quant aux poisons mentaux, ils sont toujours là, prêts à vous brûler. Alors, comment pourriez-vous vous permettre d’être inattentif ? D’abord, il y a la souffrance et l’insatisfaction liées aux cinq agrégats et à cela s’ajoutent la souffrance et l’insatisfaction causées par les poisons mentaux, le désir et l’attachement qui vous poignardent, vous giflent, vous frappent.
Plus vous pratiquez et observez, plus vous devenez sensible à cela, à des niveaux de plus en plus profonds. Votre intérêt pour des choses notoires à l’extérieur – des gens bons et méchants, des choses bonnes et mauvaises – est balayé. Vous n’avez plus à vous en préoccuper car votre seule préoccupation consiste à approfondir sans cesse votre observation intérieure, à détruire toute forme de fierté et d’orgueil. Les choses extérieures n’ont pas d’importance. Ce qui importe, c’est la clarté avec laquelle vous voyez la vérité à l’intérieur jusqu’à ce que l’illumination apparaisse.
L’illumination, qui est le produit de la vision de la vérité, n’a rien de commun avec la lumière que l’on voit dehors. Quand on la connaît vraiment, on voit qu’elle est indescriptible car c’est quelque chose de complètement personnel. Elle nettoie parfaitement le cœur et l’esprit proportionnellement à la puissance de notre attention et de notre discernement. C’est elle qui balaie, nettoie, éclaircit, lâche et relâche ce qui est à l’intérieur. Mais si nous n’avons pas l’attention et le discernement comme moyens de connaissance, d’observation et de lâcher-prise, tout ce qui est à l’intérieur est obscur de tous les côtés. Pas seulement obscur mais aussi plein d’un feu alimenté en permanence par du poison. Qu’y a-t-il de plus terrifiant qu’un feu empoisonné brûlant en nous ? Même s’il est invisible, ses flammes s’élèvent à chaque contact sensoriel.
Les bombes qui sont lancées sur les gens pour les faire disparaître ne sont finalement pas si dangereuses car on ne peut mourir qu’une fois dans une vie. Par contre, les trois bombes que sont la passion, l’aversion et l’ignorance de la vérité déchirent sans cesse notre cœur, un nombre incalculable de fois. En général, nous n’avons pas conscience de la gravité des dégâts mais, quand nous commençons à pratiquer le Dhamma, nous voyons clairement la situation, nous voyons ce qui se passe à chaque contact sensoriel : à quel moment la brûlure des poisons mentaux et du désir apparaît et pourquoi tout se passe tellement vite.
Pour observer en profondeur et voir comment dissoudre la souffrance et les poisons mentaux, on a besoin des outils appropriés, et on doit faire cet effort sans être content de soi. Le fait que nous soyons venus pratiquer ici, où nous sommes libres des responsabilités que nous avons dans le monde, nous permet d’accélérer la pratique. C’est une occasion extrêmement bénéfique qui nous aide à examiner notre mal-être intérieur en détail et à nous défaire continuellement de l’insatisfaction et de la souffrance, proportionnellement à notre degré d’attention et de discernement. Notre fardeau s’allège et nous parvenons à voir combien notre pratique du Dhamma progresse dans la direction de la libération de la souffrance.
Ceux qui n’ont pas le temps de venir se reposer ici ou de vraiment s’arrêter, se laissent emporter par toutes sortes de distractions. Ils diront peut-être : « Je peux pratiquer n’importe où », mais ce ne sont que des mots. En réalité, leur pratique suit les poisons du mental jusqu’à ce que la tête leur tourne mais ils se flatteront encore de pouvoir pratiquer n’importe où. Leurs paroles ne sont pas en harmonie avec leur esprit et leur esprit – brûlé et battu par les poisons mentaux, le désir et l’attachement – n’a pas conscience de la situation. Ils sont comme des vers qui vivent dans la pourriture et sont heureux de rester et de mourir là, dans leur pourriture.
Les gens qui ont un peu d’attention et de discernement sont dégoûtés par la pourriture des poisons de leur esprit. Plus ils pratiquent, plus ils sont sensibles et plus leur écœurement grandit. Avant, quand notre attention et notre discernement étaient encore peu développés, nous ne ressentions pas du tout les choses ainsi. Nous étions ravis de jouer dans la pourriture qui nous habitait. Mais, maintenant que nous avons pratiqué la méditation, que nous savons observer depuis les niveaux les plus évidents jusqu’aux plus subtils, nous ressentons davantage combien la pourriture est écœurante. Elle n’a vraiment rien du tout qui puisse nous tenter car elle est entièrement constituée de choses impermanentes, insatisfaisantes et impersonnelles.
Alors, qu’y a-t-il à désirer dans la vie ? Les ignorants pensent que nous sommes nés pour acquérir des richesses et être millionnaires mais cette sorte de vie, c’est comme tomber en enfer ! Si vous comprenez la pratique du Dhamma sur les traces du Bouddha, vous réalisez que rien ne vaut la peine d’être obtenu, rien ne vaut la peine de s’y engager, tout doit être lâché.
Ceux qui sont encore persuadés que le corps, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience sensorielle sont « eux », ont besoin de méditer en profondeur jusqu’à ce qu’ils voient que le corps est source de souffrance, les sensations sont source de souffrance, les perceptions sont source de souffrance, les formations mentales sont source de souffrance et la conscience sensorielle est source de souffrance. Autrement dit, le nom est souffrance de même que la forme ou, encore plus simplement, l’esprit est souffrance de même que le corps. Il faut se concentrer sur la souffrance. Une fois que vous la verrez en profondeur, depuis les niveaux les plus évidents jusqu’aux plus subtils, vous pourrez vous élever au-dessus du plaisir et de la douleur parce que vous les aurez laissé aller. Mais si vous n’avez pas encore pleinement compris la souffrance, vous continuerez à avoir envie de plaisirs et, plus vous en aurez envie, plus vous souffrirez.
C’est également vrai pour le plaisir qui naît de la paix de l’esprit. Si vous restez attaché à ce plaisir, vous êtes comme un drogué dépendant de sa drogue : quand l’envie apparaît, vous prenez la drogue et vous vous croyez heureux. Mais vous n’avez pas l’intelligence de voir combien le désir répété peut causer de souffrance. Tout ce que vous voyez c’est que, si vous prenez la drogue à chaque fois que vous en avez envie, tout va bien pour vous.
C’est la raison pour laquelle les gens n’arrivent pas à se débarrasser de leurs accoutumances. Ils sont attachés au sentiment de plaisir qui arrive quand ils prennent leur drogue. Ils ingèrent la sensorialité et ils continuent à en vouloir toujours plus car c’est seulement quand ils en ingèrent plus que leur faim s’apaise. Mais elle revient bientôt et ils en redemandent. Ils continuent à ingérer la sensorialité en perturbant leur esprit mais ils ne voient pas le mal ou la souffrance que cela implique. Ils disent même qu’ils sont heureux. Quand l’envie devient vraiment intense, on se sent vraiment bien au moment où on la satisfait – c’est ce qu’ils disent. Les gens qui ont de lourds poisons mentaux et peu de discernement ne voient pas que le désir et l’envie sont souffrance et, par conséquent, ils ne savent pas comment s’en défaire. Dès qu’ils prennent ce qu’ils veulent, le désir s’en va. Ensuite il revient et ils en prennent encore. Il revient et ils en prennent toujours plus… et cela continue. Ils sont tellement aveugles qu’ils ne comprennent rien du tout.
Les gens qui ont quelque intelligence, par contre, observent les choses ainsi : « Pourquoi y a-t-il désir et pourquoi dois-je le satisfaire ? Et, quand il revient, pourquoi dois-je continuer à le satisfaire encore et encore ? » Une fois qu’ils réalisent que le désir est en lui-même et par lui-même ce qu’ils doivent attaquer, qu’en se libérant de cette unique chose ils ne seront plus perturbés et n’auront plus jamais à souffrir du désir, ils parviennent vraiment à la libération de l’insatisfaction et de la souffrance. Mais pour la plupart, nous ne voyons pas les choses sous cet angle parce que nous avons toujours plaisir à consommer des choses. C’est la raison pour laquelle il nous est difficile de pratiquer l’abandon du désir. Tout ce que nous connaissons, c’est comment mordre à l’hameçon, alors nous n’osons pas essayer d’arrêter – comme quand les gens habitués à manger de la viande ont peur de devenir végétariens. Pourquoi ? Parce qu’ils sont encore attachés à certaines saveurs, encore esclaves du désir.
Si vous ne pouvez pas lâcher des choses aussi évidentes que cela, comment pouvez-vous espérer abandonner les désirs fermentant dans l’humidité au fond de vous et qui sont tellement plus difficiles à détecter ? Vous mordez encore aux appâts les plus grossiers. Quand le désir murmure et plaide sa cause, vous cédez, vous lui obéissez aussitôt. Vous ne réalisez pas à quel point ce processus vous épuise, vous ne réalisez pas que telle est la source des plus grandes souffrances qui piègent tous les êtres vivants sous leur joug. Bien que les enseignements du Bouddha révèlent le moyen le plus facile pour utiliser notre discernement et contempler les causes et les effets dans ce domaine, nous ne faisons pas l’effort d’observer ; nous préférons avaler l’appât. Nous obtenons notre plaisir et c’est tout ce que nous voulons ; nous coulons dans le sens de la rivière des poisons mentaux et du désir.
Notre pratique, ici, consiste à aller à contre-courant de cette rivière des désirs et des vagabondages de l’esprit. Cela signifie savoir se modérer et s’entraîner dans de très nombreux domaines ; comme, par exemple, quand les objets, les sons, les odeurs, les saveurs et les sensations tactiles apparaissent et nous trompent en nous incitant à aimer quelque chose et puis, un moment plus tard, à nous en fatiguer et à vouloir autre chose. Nous nous faisons piéger à tel point que nous finissons par courir, affolés, dans tous les sens.
Les maladies virulentes de l’esprit sont plus que nombreuses. Si vous ne savez pas comment les gérer, vous resterez sous le joug de Mara2. Ceux qui ont vu la véritable nature de l’insatisfaction et de la souffrance seront prêts à mettre leur vie en jeu en faisant tous les efforts voulus pour être libres, de même que le Bouddha était prêt à mettre sa vie en jeu pour se libérer de la souffrance et se dégager de l’emprise du monde. Le confort personnel ne l’intéressait pas du tout. Avant d’atteindre l’Eveil, tous les grands êtres ont dû passer par la souffrance dans le monde pour eux-mêmes et pour les autres. Chacun a dû abandonner toutes ses richesses au lieu de les utiliser pour son propre confort. La pratique est donc une voie de lutte et d’endurance. Tous ceux qui sauront lutter et endurer obtiendront la victoire – une victoire comparable à nulle autre. Avoir le contrôle des poisons de l’esprit est la victoire ultime. Toute chose observée peut être lâchée : voilà la victoire ultime.
Alors, je vous le demande, poursuivez votre effort ! Vous ne pouvez pas vous permettre de relâcher votre attention après chaque petite victoire. Plus vous remportez de victoires, plus votre attention et votre discernement seront forts, confiants et persévérants dans tous les domaines ; ils examineront tout, que les choses leur parviennent par les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, le corps ou l’esprit.
Plus vous vous observez de près, plus votre attention et votre discernement seront aiguisés et vous comprendrez comment vous libérer des choses et les laisser aller. Dès qu’il y aura une forme d’attachement, vous verrez l’insatisfaction et la souffrance, tout comme vous sentez la chaleur quand vous touchez une flamme et vous éloignez aussitôt votre main. C’est pourquoi la pratique du Dhamma a une valeur suprême ; ce n’est pas un petit jeu auquel on s’amuse. Les poisons mentaux ont un immense pouvoir qu’il est difficile de surmonter. Mais si vous faites l’effort de les surmonter, ils s’affaibliront au fur et à mesure que l’attention et le discernement se renforceront. Vous pouvez dire que vous progressez dans le Dhamma quand vous êtes capable de vous libérer de votre insatisfaction et de votre souffrance.
Alors essayez de poursuivre la route jusqu’au bout pendant que vous pouvez encore respirer. Le Bouddha a dit : « Faites un effort pour atteindre le non-encore-atteint, pour rejoindre le non-encore-rejoint, pour réaliser le non-encore-réalisé. » Il ne voulait pas que nous soyons faibles et hésitants, toujours à nous trouver des excuses. Maintenant que nous nous sommes engagés3, nous avons déjà fait un sacrifice de taille. A l’époque du Bouddha, quelle que soit l’origine des moines et des nonnes – qu’ils soient de sang royal, riches ou du peuple – une fois qu’ils quittaient leur famille, ils coupaient tous les liens et entraient dans la lignée du Bouddha sans jamais plus la quitter. Le Bouddha disait que retourner à la vie laïque revenait à perdre toute valeur en tant qu’être humain. Son seul souci consistait à sans cesse extraire les gens, les extraire de l’insatisfaction et de la souffrance. Si nous voulons y échapper, nous devons suivre son exemple, nous couper des soucis et des préoccupations pour notre famille et nos proches en entrant dans sa lignée. Vivre et pratiquer sous sa discipline est vraiment le refuge suprême, la voie suprême.
Ceux qui suivent les principes du Dhamma-Vinaya4, même s’ils n’ont eu, à certaines occasions, qu’un avant-goût de sa paix, sans forcément atteindre la voie et ses fruits, offrent leur vie au Bouddha, au Dhamma et au Sangha. Ils comprennent que rien d’autre ne pourra les mener à la libération de la souffrance mais que, s’ils atteignent ce simple refuge, ils obtiendront la délivrance totale. Ceux dont l’attention et le discernement sont profonds, qui sont capables de voir en profondeur avec précision, atteindront l’autre rive. Ils ont vécu assez longtemps sur cette rive-ci et ont supporté autant de souffrances qu’ils le pouvaient ; ils ont tourné dans le cycle des naissances et des morts un nombre incalculable de fois ; ils réalisent maintenant qu’ils doivent aller sur l’autre rive. Alors, ils accomplissent un effort persistant pour laisser aller leur sentiment d’être « une personne ».
L’autre rive n’est pas très éloignée mais, pour y arriver, il faut d’abord renoncer à votre sentiment d’être une personne dans les cinq agrégats en observant en profondeur pour voir qu’ils sont tous sources de souffrance, pour voir qu’aucun d’eux n’est « moi » ni « mien ». Concentrez-vous uniquement sur ce point : pas d’attachement. Un jour, le Bouddha a dit que le passé était comme le dessous, le futur comme le dessus et le présent comme l’entre-deux. Il a dit aussi que les méfaits sont au-dessous, les vertus au-dessus et les actions neutres au milieu. Et, à propos de tout cela, il a dit : « Ne vous y attachez pas ». Même au nibbana, à l’autre rive, nous ne devons pas nous attacher. Voyez comme le fait de ne pas être attaché permet d’être complètement libre. Si, parmi vous, certains ne comprennent pas qu’il ne faut même pas s’attacher au nibbana, ils doivent méditer sur cet enseignement de base qui nous dit de ne pas nous attacher, de lâcher prise : « Rien ne vaut la peine que l’on s’y attache ». Tel est le condensé ultime de tout ce que le Bouddha a enseigné.
Toute chose, composée ou non, obéit à cette règle : sabbe dhamma anatta – « tous les phénomènes sont dépourvus de soi personnel ». Rien ne vaut la peine que l’on s’y attache. Cela résume tout, y compris notre recherche pour voir la vérité du monde et du Dhamma, pour voir les choses clairement grâce à notre attention et à notre discernement, en allant au fond des choses composées et non composées, de l’ordinaire jusqu’au transcendant. Tout cela doit être fait en regardant à l’intérieur, pas à l’extérieur.
Si nous voulons voir la véritable essence du Dhamma, nous devons regarder profondément en nous, très profondément. Ensuite, il s’agit simplement de lâcher prise tout au long du chemin. Nous observons en avançant en profondeur et nous lâchons tout. Le thème du non-attachement recouvre tout, du début jusqu’à la fin. Si notre pratique peut progresser correctement, c’est parce que nous regardons avec attention et discernement pour tout observer en profondeur, sans nous arrêter à une forme ou une autre, à une sensation, une perception, une formation mentale ou une autre, sans nous arrêter à la conscience sensorielle.
Le Bouddha a expliqué comment l’ignorance – ne pas connaître la véritable nature des formes – conduit au désir, cet acte mental qui part de l’esprit et l’agite, le conduisant ainsi à agir pour essayer d’obtenir ce qu’il désire. Quand on comprend cela on peut pratiquer correctement car on sait qu’il faut se libérer du désir. Si nous méditons sans cesse sur le corps et l’esprit, c’est pour ne pas ressentir de désir pour des objets extérieurs, pour ne pas être piégés par quoi que ce soit venant de l’extérieur. Plus on médite ainsi, plus les objets de l’extérieur nous semblent pitoyables ; ils ne méritent vraiment pas que l’on s’y enlise. Si vous étiez séduit et stimulé par eux auparavant, c’est parce que vous ne le saviez pas. Alors vous vous enthousiasmiez pour des gens et des choses, vous en faisiez toute une histoire, vous parliez des choses du monde : « Ceci est bien, cela est mal, elle est gentille, il est méchant. » Votre esprit était éparpillé dans toutes sortes de considérations extérieures ; alors, comment auriez-vous pu examiner de près les maladies qui l’infestaient ?
Un jour, Mogharaja posa au Bouddha la question suivante : « Comment considérer le monde de façon à ce que le roi de la mort ne nous voie pas ? ». Le Bouddha lui répondit qu’il faut voir le monde comme étant vide, dépourvu de soi. Nous devons nous défaire des conventions comme « être une personne » ou même simplement « être », et de toutes les étiquettes comme « éléments », « agrégats » ou « organes sensoriels ». Une fois que nous savons comment nous défaire des conventions et des étiquettes, nous n’avons plus besoin de nous accrocher à quoi que ce soit. Ce qui reste, c’est ce qui est au-delà de la mort, le transcendant, le nibbana. Il y a plusieurs mots pour en parler mais ils ne sont tous qu’une seule et même chose. Quand on se défait de toutes les choses du monde, ce qui reste, c’est le transcendant. Quand on se défait de tous les phénomènes composés, ce qui reste, c’est le non-composé, le véritable Dhamma.
Alors, voyez par vous-même si cela vaut la peine d’être atteint ou pas. Si nous restons dans le monde, nous devons passer par une succession de naissances et de morts dans les trois niveaux d’existence : la sensorialité, la forme et le sans-forme. Mais sur cette autre rive, il n’y a pas de naissance, pas de mort ; elle est hors de portée du roi de la mort. Malheureusement, comme nous ne connaissons pas l’autre rive, nous souhaitons revenir à la vie sur cette rive avec ses innombrables et incessantes souffrances.
Par contre, quand vous avez compris la véritable nature de l’insatisfaction et de la souffrance, vous ne voulez plus retourner nulle part : vous avancez tout droit vers l’autre rive, la rive sans naissance ni mort, la rive où les poisons mentaux et le désir ont disparu, une fois pour toutes. Ainsi, votre pratique va directement à la cessation de la souffrance et des poisons mentaux, à la claire compréhension des caractéristiques communes à tous les phénomènes que sont l’impermanence, l’insatisfaction et l’impersonnalité des agrégats. Ceux qui ont développé l’attention et le discernement focalisent leur méditation dans la direction de la dissolution absolue car, si la dissolution des poisons mentaux n’est pas absolue, ils devront renaître encore dans l’insatisfaction et la souffrance. Alors continuez à dissoudre les attachements, continuez à lâcher prise en observant l’impermanence, l’insatisfaction et l’impersonnalité, et en les laissant aller. Telle est la voie juste, c’est certain.
Ne pensez-vous pas que c’est quelque chose qui vaut la peine d’être su et qui mérite que l’on s’entraîne pour le réaliser pleinement ? Ce n’est pas si mystérieux ou éloigné que cela, vous savez. C’est une chose que tout le monde, homme ou femme, peut réaliser ; une chose à laquelle nous pouvons tous nous entraîner. Nous pouvons développer la vertu, apaiser notre esprit, utiliser notre attention et notre discernement pour observer les choses en profondeur. Alors, cela ne mérite-t-il pas que l’on pratique la méditation ?
Certaines personnes stupides répondront « non » à cette question. Elles diront qu’elles n’y arrivent pas, qu’elles sont incapables de suivre les préceptes ou d’apaiser leur esprit. Pratiquer la méditation pour se libérer de l’insatisfaction et de la souffrance est la meilleure chose qui soit au monde mais elles la rejettent. Elles préfèrent se précipiter dans une course folle, entrer en compétition avec les autres, se vanter et finir par pourrir dans leur cercueil. Mais qu’y a-t-il donc d’attirant là-dedans ?
Cela fait déjà bien trop longtemps que nous nous sommes égarés. Combien de décades de notre vie sont-elles déjà écoulées ? Nous sommes venus ici pour changer le cours des choses. Quel que soit votre âge, l’air que vous respirez n’est pas seulement là pour votre confort mais aussi pour vous apprendre à voir l’insatisfaction et la souffrance. Ainsi, vous serez en mesure de les faire disparaître. N’allez pas vous imaginer que votre famille et tous vos proches vous sont indispensables. Vous êtes seul. Vous êtes arrivé seul et vous repartirez seul. C’est vrai pour chacun de nous. Ce n’est que lorsqu’il n’y a aucun « moi » à faire disparaître que l’on pénètre le Dhamma. S’il reste un moi qui doit renaître, vous êtes piégé dans le cycle de l’insatisfaction et de la souffrance. Alors, cela ne vaut-il pas la peine de faire l’effort pour se libérer ? Après tout, c’est une chose que chacun de nous doit trouver tout seul.
Ceux qui ont confiance dans la parole du Bouddha suivront la voie qu’il a montrée. Faire confiance aux poisons mentaux, c’est se jeter dans un bourbier ; et là, auprès de qui vous vanterez-vous hormis vos propres malheurs ? La connaissance de ce qui mène au détachement et à la fin des passions est la connaissance vraie. Mais si vos connaissances vous conduisent à vous attacher, vous devenez un disciple de Mara ; vous trouvez encore des attraits aux choses. Vous avez beau dire que vous êtes détaché, votre esprit n’est pas détaché du tout : il veut toujours prendre ceci, obtenir cela, rester bien ancré dans le monde.
Quiconque arrive à lire la vérité dans son propre esprit, de plus en plus profondément, sera en mesure d’aller jusqu’au bout du chemin, d’effacer la stupidité et les illusions à chaque pas qu’il fera. Là où vous étiez autrefois dans l’illusion, vous commencez à y voir clair ; là où vous vous vantiez, vous comprenez que c’était stupide ; et vous voyez que vous devez continuer à redresser ces travers.
En lisant en vous-même, en observant ce qui se passe en vous, vous avez de nouveaux points de vue, vous gagnez une connaissance de vous-même plus précise à chaque pas que vous faites sur la voie. Ce n’est pas une question d’expertise dans les choses du monde extérieur. Vous voyez combien ce qui est à l’intérieur est vraiment impermanent, vraiment insatisfaisant et vraiment impersonnel. La façon dont, autrefois, vous vous laissiez piéger par les choses et vous vous empariez d’elles, était due à votre aveuglement parce que vous ne compreniez pas. Alors, qui blâmer ? Votre propre stupidité, c’est tout ! Cette stupidité qui voulait se vanter de tout ce qu’elle savait.
Maintenant vous savez qu’il vous reste encore beaucoup de stupidité et qu’il va falloir vous en débarrasser avant de mourir. Chaque jour où vous aurez encore de l’air à respirer, vous allez l’utiliser pour effacer votre stupidité et non pour obtenir ceci, être cela ou tourner en rond. Ceux qui tournent en rond sont possédés par les esprits : les démons des pollutions mentales les rendent fous et les aveuglent ; ils veulent obtenir ceci, être cela et tourner en rond. Mais si vous tournez votre attention à l’intérieur, sur vous-même, votre fierté, votre orgueil, vos désirs d’être reconnu rétréciront jusqu’à disparaître et n’oseront plus jamais se montrer jusqu’à la fin de vos jours car vous aurez réalisé que plus on se vante, plus on souffre.
L’essence de la pratique consiste donc à se tourner vers l’intérieur et à regarder attentivement en nous. Plus vous pouvez vous laver de ces choses, plus votre esprit sera vide et libre. C’est sa propre récompense. Si vous êtes trop indulgent avec vos défauts, vous détruirez toute vertu que vous pouvez avoir ; mais si vous pouvez chasser ces démons, des influences vertueuses viendront et resteront auprès de vous. Si les démons sont encore là, les influences vertueuses ne pourront pas rester – ils ne font pas du tout bon ménage. Si vous vous laissez piéger par le chaos, c’est une affaire de démons. Si vous êtes vide et libre, c’est une affaire de propreté et de paix, une affaire d’influences vertueuses.
Allez donc vérifier combien de ces démons vous avez pu balayer ! Sont-ils moins nombreux ? Quand ils apparaissent, regardez-les droit dans les yeux et dites-leur que vous les avez reconnus : vous savez que ce sont des démons et des diables venus manger votre cœur et boire votre sang. Vous les avez déjà laissé vous dévorer dans le passé mais maintenant vous y voyez clair et vous pouvez les chasser. Cela mettra fin à vos soucis ou, du moins, vous aidera à alléger vos souffrances. Votre sentiment de « moi » va commencer à s’effriter. Avant il était gros, gras et puissant mais à présent son pouvoir a disparu. Votre fierté et votre orgueil se sont amenuisés et affaiblis. C’est comme quand une personne se fait mordre par un chien enragé ; on lui donne un sérum extrait de chiens enragés pour éloigner la maladie. C’est pareil ici : si nous pouvons reconnaître les choses, elles s’évanouissent. L’esprit est alors vide et en paix car cette simple chose – le non-attachement – peut dissoudre l’insatisfaction et la souffrance à tout moment.
1 La méditation sur les cinq agrégats ou l’ensemble corps-esprit correspond à méditer sur l'illusion d'exister comme individu du fait que nous avons un esprit (nama) et un corps (rupa).
2 Mara symbolise les forces du mal.
3 Certains participants s’étaient fait ordonner moines et nonnes.
4 Qui ont été ordonnés et suivent les règles monastiques (le Vinaya).