Le Dhamma de la Forêt



Vitakkasanthana Sutta (MN 20)

Comment libérer l’esprit des pensées qui l’agitent


Traduit par Jeanne Schut

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Ainsi ai-je entendu. Un jour, alors que le Bouddha résidait à Savatthi, dans le parc Jeta offert par Anathapindika, il s’adressa à ses moines en disant :

« Le moine / le méditant qui s’est engagé à atteindre le plus haut degré de conscience devrait, chaque fois que nécessaire, contempler cinq points. Quels sont ces points ?

« Lorsque des pensées négatives, inappropriées, imprégnées de désir, d’aversion ou d’ignorance, lui viennent à l’esprit alors qu’il réfléchit à un sujet particulier, il doit s’en débarrasser au plus tôt en pensant délibérément à quelque chose d’autre, quelque chose de bénéfique. Quand il pense à ce sujet bénéfique, les pensées négatives, inappropriées, imprégnées de désir, d’aversion ou d’ignorance, sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« De même qu’un habile charpentier ou son apprenti est capable, en tapant fort, de retirer une grosse cheville au moyen d’une autre plus petite, si des pensées imprégnées de désir, d’aversion ou d’ignorance viennent au méditant pendant qu’il réfléchit à un sujet particulier, il doit les éliminer en pensant délibérément à quelque chose d’autre, quelque chose de bénéfique. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées, imprégnées de désir, d’aversion ou d’ignorance, sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« Si des pensées négatives, inappropriées, continuent à venir l’esprit du méditant alors même qu’il réfléchit à quelque chose d’autre, quelque chose de bénéfique pour s’en débarrasser, il doit contempler tous les dangers que comportent ces pensées : ‘Vraiment, ces pensées que j’ai sont inappropriées, répréhensibles et porteuses de souffrance’. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées, imprégnées de désir, d’aversion ou d’ignorance sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« De même qu’une jeune personne bien habillée serait horrifiée, humiliée et dégoûtée de voir autour de son cou la carcasse d’un serpent, d’un chien ou d’un humain, le méditant qui continue à avoir des pensées inappropriées malgré ses réflexions sur des thèmes bénéfiques, doit réfléchir aux dangers des pensées inappropriées de cette manière : ‘Vraiment, ces pensées que j’ai sont inappropriées, répréhensibles, et porteuses de souffrance’. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« Si des pensées négatives, inappropriées, continuent à venir à l’esprit d’un méditant qui a réfléchi aux dangers dont elles sont porteuses, il doit cesser d’y accorder la moindre attention, la moindre réflexion. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« De même qu’un homme à la vue perçante fermerait les yeux ou tournerait la tête pour éviter de voir quelque chose qui arriverait vers lui, le méditant qui continue à être envahi par des pensées négatives, inappropriées malgré ses réflexions sur le fait qu’elles sont porteuses de souffrance doit cesser d’y accorder la moindre attention, la moindre réflexion. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« Si des pensées négatives, inappropriées continuent à venir à l’esprit d’un méditant bien qu’il ait cessé de leur accorder la moindre attention, la moindre réflexion, il doit faire en sorte d’éliminer la racine même de ces pensées. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« De même qu’une personne qui prend conscience qu’elle marche vite se dit : ‘Pourquoi marcher vite ?’ et elle marche plus doucement ; prenant conscience qu’elle marche doucement se dit : ‘Pourquoi ne pas juste rester debout ?’ et elle reste debout ; prenant conscience qu’elle est debout se dit : ‘Pourquoi ne pas m’asseoir ?’ et elle s’assoit ; prenant conscience qu’elle est assise se dit : ‘Pourquoi ne pas m’allonger ?’ et abandonne ainsi une posture peu calme pour une autre plus calme, le méditant qui a encore des pensées négatives inappropriées alors qu’il a cessé de leur accorder la moindre attention, la moindre réflexion, doit faire en sorte d’éliminer la racine même de ces pensées. Dès lors, les pensées négatives, inappropriées sont abandonnées et disparaissent. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« Si des pensées négatives, inappropriées, continuent à venir à l’esprit d’un méditant alors qu’il tente d’éliminer la racine même de ces pensées, il doit, en serrant les dents et en pressant la langue contre le palais, maîtriser, contraindre et écraser ces pensées de toute la force de sa pleine conscience. Dès lors, les pensées négatives inappropriées imprégnées de convoitise, d’aversion ou d’ignorance sont éliminées. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« De même qu’un homme fort, saisissant un homme plus faible par la tête, par le cou ou par les épaules, le maîtriserait, le contraindrait et l’écraserait, le méditant qui a des pensées négatives inappropriées alors même qu’il tente d’éliminer la racine de ces pensées, doit maîtriser, contraindre et écraser ces pensées de toute la force de sa pleine conscience. Dès lors, les pensées négatives inappropriées imprégnées de convoitise, d’aversion ou d’ignorance sont éliminées. Grâce à cela, l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre en retournant vers son objet de méditation.

« Moines, lorsque sont éliminées des pensées négatives, inappropriées, venues à l’esprit d’un méditant alors qu’il réfléchissait à un sujet particulier, lorsqu’elles disparaissent et que l’esprit retrouve sa stabilité, se pose, s’unifie et se concentre à nouveau sur son objet de méditation, que ce soit grâce à la réflexion sur un thème bénéfique ou sur les dangers des pensées inappropriées, que ce soit en cessant d’y porter la moindre attention ou parce qu’il a maîtrisé, contraint et écrasé son esprit avec toute la force de sa pleine conscience, dents serrées et langue pressée contre le palais, ce méditant est appelé « maître des méandres de la pensée ». Il a uniquement les pensées qu’il souhaite avoir et n’a jamais de pensées qu’il ne veut pas avoir. Il a coupé la racine de la convoitise, il s’est libéré des entraves et, grâce à la parfaite pénétration de l’illusion du « moi » – il a mis fin à la souffrance. »

Ainsi parla le Bouddha et les moines se réjouirent de ses paroles.